Crédit photo: Sophie Leblanc/Option nationale

Le départ de Aussant, une occasion pour les militants

Pour les ceuzes et les ceuzesses qui ne le savent pas, Jean-Martin Aussant a quitté son poste à la chefferie d’Option nationale, la semaine dernière. Pour les ceuzes et les ceuzesses qui ne le savent pas encore, Option nationale est un parti politique national (provincial) en bonne et due forme qui comptent maintenant plus de 8000 membres. Fondé à la fin de 2011, ce parti jouit d’un net avantage sur tous les autres partis nationaux actuels: sa jeunesse. En effet, les membres de ce parti doivent avoir, en moyenne, 12 ans.

Oui. C’est une blague. Capotez pas. Ceci dit, j’ai pu constater la jeunesse de ce parti samedi dernier, à l’aube de la Saint-Jean-Baptiste. Réunis à l’Auberge de Jeunesse de la rue Sainte-Ursule, dans le Vieux-Québec, au moins 80 membres se sont déplacés. À l’origine, cet évènement n’était qu’une autre activité de financement. Mais celle-ci était spéciale: on disait au revoir au chef, celui qui n’est pas étranger à la quantité impressionnante de post-ados dans ce parti.

En effet, Jean-Martin Aussant a réussi, pendant son court mandat, à faire quelque chose qui n’avait été fait par aucun autre politicien dans les 15 dernières années: intéresser les jeunes à la politique. Il fallait être témoin des salles universitaires bondées de jeunes qui, soudainement, entendait un politicien parler leur langage. Détrompez-vous: pas le genre de langage que vous pensez. C’est juste que, pour une fois, un chef de parti ne les prenait pas pour des imbéciles. Et Jean-Martin avait cette incroyable faculté à transformer le plus furieux des fédéralistes en souverainiste en 45 minutes, top chrono, ou à tout le moins rendre l’individu plus sensible aux arguments pour la souveraineté du Québec. En tous cas, s’il n’a pas – pour l’instant – réussi la souveraineté du Québec, Aussant aura réussi ça. Je ne sais pas s’il est conscient de la montagne qu’il a déplacé, juste avec ça: réintéresser les jeunes à la politique active.

Toujours est-il que 80 membres se sont rassemblés pour des burgers deluxe et de la bière artisanale. Oui, ça fait très «ON» comme rendez-vous. Décor du Vieux-Québec, ambiance bonenfant, beaucoup de sourires, beaucoup d’étreintes. Comme dirait souvent la plus connue des militantes de la région de Québec, Catherine Dorion, «on sait qu’on a raison, alors profitons du moment».

Ce qui me surprendra toujours de ces rassemblements chez Option nationale, c’est le raprochement entre les membres. La plupart des partis ont des exécutifs de comté qui se rassemblent une fois par mois pour jaser du parti qu’ils représentent et cogiter quelques projets qui ne verront jamais le jour. Ou pour parler dans le dos de l’autre parti et organiser une «offensive» contre eux, “yeux méchants”. Chez ON, c’est différent: «Comment tu vas, toi? Ça fait longtemps qu’on s’est vu. Tu es resplendissante! Tout va comme tu veux avec les enfants? Si tu as besoin d’aide, laisse-le moi savoir». Et ça jase de politique ensuite, pas avant. C’est bizarre quand on y est pas habitué, mais on y prend goût rapidement.

C’était maintenant le moment des discours, chose très attendue par cette drôle de race de militant qui, bizarrement, écoutent religieusement les intervenants, qui qu’ils soient. Sol Zanetti, qui était candidat pour le parti dans le comté de Louis-Hébert au dernier scrutin général, en a profiter pour fouetter les troupes avec un humour grinçant et un aplomb impressionnant. Il a été suivi de l’inévitable Catherine Dorion qui – je ne sais pas comment elle fait ça – transforme tout le laid du monde en grande beauté en jouant avec la langue française comme peu de gens sont capables de le faire. Puis, la cheffe par intérim, Nathaly Dufour, y est allé de quelques mots sagement choisis pour remercier Jean-Martin Aussant de tout ce qu’il a fait et surtout pour lui dire que son troisième enfant (le parti) est entre bonnes mains…et lui dire que son «au revoir» ressemble pas mal plus à un «à la prochaine fois».

Aussant, lui, a choisi de parler aux gens avec son piano au tout début. Ah!, parce que oui, il joue du piano en ta-, ce Jean-Martin. D’ailleurs, il sera au festival OFF! de Québec le 6 juillet, si ça vous intéresse (le festival ne me paie aucunement pour cette promotion). Ceci dit, à mi-parcours de son intervention, il a laissé de côté de piano et a pris le micro pour faire sortir la boule qu’il avait dans la gorge. «Attendez, laissez-moi prendre une photo» dit-il en photographiant les fidèles militants avec son cellulaire. Après l’avoir regardé un instant, il a lâché un grand soupir et a hocher la tête en disant «à la prochaine fois».

Ceci dit, il semblait détendu, le chef cool et branché. Pour la première fois, on le voyait sans ses lunettes, la chemise mal repassée en dehors des pantalons, mais d’une très bonne mine. Faut dire que Aussant n’a pas chômé, ces dernières années: parti de Vice-Président chez Morgan & Stanley, à Londres, il est élu pour le Parti québécois en 2008 dans Nicolet-Yamaska puis devient le porte-parole de l’opposition en matière de finances…pour ensuite fonder son propre parti avec des bessons dans les bras.

Et puis voilà, les militants ont profité du reste de l’après-midi pour échanger entre eux, organiser les prochaines rencontres, tous et toutes décoré(e)s d’un magnifique sourire aux lèvres. En fait, le départ de Jean-Martin Aussant est une magnifique occasion pour ce parti de faire connaître ses militants. Et croyez-moi: ils sont loins d’être niaiseux. Pour en nommer que quelques-uns, Miguel Tremblay (qui a impressionné tout le monde l’hiver dernier, à l’Université Laval, à la Table Ronde sur l’Environnement), Nic Payne, Évelyne Beaudin, Samuel Bergeron, Catherine Dorion, Sol Zanetti, la cheffe par intérim elle-même, Pierre Tremblay, Béatrice Zako, Paolo Zambito, Alexandre Curzi et bien d’autres: retenez ces noms, vous allez les réentendre très bientôt. Car s’ils sont tous de bons vivants très sympathiques, ils sont surtout tous et toutes des leaders naturels et de formidables têtes de cochons.

Non, ce parti n’est pas mort.

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