Revellers wave flags during a gay pride parade in downtown Madrid, Spain, July 2, 2016. REUTERS/Andrea ComasCODE: X90037

Communauté LGBTQA+ : Débusquer les guérisseurs d’homosexualité

L’alliance Arc-en-ciel présentait hier soir une soirée documentaire au café Fou AELIES à propos des guérisseurs d’homosexualité. Un remède à l’amour (2008) de la journaliste Francine Pelletier et de l’auteure Christina Willings a été diffusé en ouverture de soirée, alors que les participant(e)s étaient invités à réfléchir de manière critique à la pathologisation des pratiques homosexuelles.

 « Le documentaire explore une frange évangéliste qui tente de convertir des personnes homosexuelles, explique l’instigatrice de l’évènement, Alex Saulnier. Ce qui est impressionnant, c’est la multiplicité des discours. »

La soirée était aussi l’occasion de présenter quelques résultats préliminaires d’une recherche commandée par l’alliance sur cette question en septembre. Celle-ci est conduite par une étudiante en anthropologie de l’Université Laval et un étudiant de sociologie de l’Université du Québec à Chicoutimi dans le cadre d’un stage.

« L’organisme souhaitait faire la lumière sur la zone d’ombre qu’il y a au niveau des thérapies de conversion au Québec, raconte Alex, étudiante en anthropologie. Qui les offre ? Comment se traduisent-elles ? L’objectif est de savoir comment ces thérapies sont vécues et quelles en sont les conséquences à l’aide d’entrevues. »

Un questionnaire en ligne a été lancé il y a deux mois afin de connaitre l’expérience des personnes ayant pris part à des thérapies de conversion. Les répondant(e)s seront contacté(e)s dans les prochaines semaines afin d’approfondir les questions dans une entrevue qualitative.

Cette recherche devrait mener au dépôt d’un mémoire le 17 mai prochain, dans le cadre de la Journée contre l’homophobie et la transphobie, L’objectif avoué est d’éventuellement consulter les personnes LGBTQA+ afin d’explorer la possibilité de légiférer contre ce type de thérapies.

« L’Ontario a un loi qui interdit les thérapies pour les moins de 18 ans. Des démarches sont aussi en cours en Alberta et au Manitoba. Aucune loi ne traite de ce sujet, mais l’ordre des psychologues et l’Association canadienne des psychiatres ont déjà des positions politiques visant à dénoncer ce type de pratiques. Pourquoi n’y a-t-il rien au niveau de la loi ? », questionne Alex Saulnier.

La situation au Québec

Ta vie, ton choix, fondé en 2010, est un groupe qui se dit neutre, indépendant et scientifique qui offre la possibilité de changer d’orientation sexuelle. Défendant la liberté de choix et offrant d’aider les personnes, le groupe revendique le fait de pouvoir guérir les personnes qui en sentent le besoin.

« Les discours qu’on observe sont orientés, avec une morale assez chrétienne. C’est mené par des personnes qui se disent ex-gaies. Ils vont offrir des groupes de soutien, des thérapies. Il y a comme deux couches. Celle visible sur leur site internet, où on offre du soutien. Par contre, lorsqu’on écoute des entrevues données par des personnes de ces organismes, on se rend compte qu’ils défendent que l’homosexualité est une chose dérangée. Dans la couche invisible, il y a des propos homophobes. »

Comme très peu de groupes s’annoncent ouvertement, il est difficile pour les deux étudiants-chercheurs de colliger de l’information. Campagne Québec-Vie, Thérapie chrétienne outaouais et Jason international, qui a pignon sur rue à Montréal, offrent aussi ce type de conversion. Des pamphlets ventant les mérites des thérapies ont d’ailleurs été distribués lors de la dernière parade de la fierté à Montréal.

De nombreux enjeux éthiques

Menant une recherche commandée par une groupe de soutien pour les personnes LGBTQA+, il est difficile, voire impossible, de récolter des informations directement auprès des groupes qui offrent ce type de thérapies.

Un enjeu éthique se pose aussi face aux personnes qui affirment avoir été guéries. « Pour dépasser cette tension, il s’agit d’essayer de comprendre ce que la personne va me dire sans juger. Si elle me dit qu’elle pense sincèrement que la thérapie l’a guérie, je n’ai pas à dévaloriser sa parole. Mon but est de comprendre pourquoi. »

Pour y arriver, Alex Saulnier entend toutefois garder en tête que des personnes ont été blessées par ces processus et ne peuvent vivre pleinement leur homosexualité. « C’est de dénoncer les gens qui veulent universaliser cette pensée que tous les homosexuels doivent être guéris. »

« Il ne s’agit pas d’accuser qui que ce soit, mais de décrire et comprendre ce qui se passe », conclut l’étudiante.

Les personnes intéressées à répondre au questionnaire peuvent le faire ici. (cliquez)

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