« C’est du racisme »

L’écho de la main gauche d’Adonis Stevenson sur le menton de Tony Bellew avait à peine finit de résonner au Colisée Pepsi, samedi soir, que « Superman » profitait de sa tribune pour passer un message aux journalistes québécois. Visiblement, passer le K-O sur le ring à celui qui l’avait insulté toute la semaine n’a pas suffi à Stevenson pour se défouler.

 

Le boxeur de 36 ans n’avait pas le cœur à parler de sa victoire au moment de rencontrer les journalistes en conférence de presse d’après-combat. Plus tôt la semaine dernière, un dossier de La Presse sur le passé de proxénète d’Adonis Stevenson, qui lui a valu 4 ans de prison, avait porté ombrage à l’important combat que s’apprêtait à livrer le protégé du Groupe Yvon Michel (GYM). Les autres médias ont repris l’affaire. Ce n’était pas la première fois qu’on évoquait son passé mais pour Stevenson, c’était la fois de trop.

« J’apparais dans les premières pages lorsque c’est négatif, après dix-sept ans, mais lorsque je suis devenu champion du monde et lorsque je fais d’autres choses de bien, je n’apparais pas dans les premières pages », a dénoncé Stevenson, « c’est du racisme ».

Pour cette raison, le boxeur montréalais a dit songer à quitter le Québec. Tout en précisant qu’il continuerait de travailler avec GYM, celui qui s’entraine depuis maintenant quelques années au Kronk Gym de Detroit a dit ne pas être sûr de vouloir se battre à nouveau en sol québécois. Des propos qui ne trouvaient pas écho chez celui qui se trouvait à ses côtés, Yvon Michel.

Apparemment étonné des déclarations de celui dont il est le promoteur, Michel tentait tant bien que mal de minimiser la réaction de son seul champion du monde. « On va en jaser, là il est 2 heures du matin », plaidait Michel, avouant quand même qu’Adonis avait eu beaucoup de difficulté à gérer cette nouvelle controverse sur son passé. « Honnêtement, ce dont Adonis a besoin en ce moment, c’est de vacances ».

 

Bellew au pays des rêves

La semaine tumultueuse de Stevenson semblait pourtant vouloir se terminer sur une note plus familière. Tel qu’il l’avait promis, le boxeur de 36 ans a passé le K-O à son adversaire, l’anglais Tony Bellew, à la sixième reprise.  Il s’agissait pour lui d’undixième K-O à ses dix derniers combats.

Si l’animosité des derniers jours entre les deux boxeurs en avait amené quelques-uns à penser que l’on aurait droit à une guerre sur le ring, les spectateurs massés au Colisée Pepsi ont rapidement compris que la stratégie de Bellew était d’éviter la gauche destructrice de « Superman » à tout prix. Au risque de ne jamais attaquer, ou du moins très peu.

Sa tactique a tenu la route pendant cinq rondes. Cinq rondes où Stevenson a été l’agresseur, mais durant lesquels l’aspirant anglais a encaissé les coups d’Adonis sans broncher en plus de réussir à lancer quelques belles contre-attaques. Au sixième cependant, une feinte d’uppercut a permis à Stevenson de placer sa pesante main gauche sur le menton de Bellew. La suite des choses était déjà écrite. Après s’être relevé tant bien que mal,  Bellew a encaissé, le regard vide, une salve de coups à la tête le long des cordages, ne laissant d’autre choix à l’arbitre Michael Griffin que de mettre fin au combat.

« Je l’ai eu, et il avait tellement honte qu’il est parti », se félicitait Adonis Stevenson après le combat au sujet de son adversaire, pour qui poignée de main d’après combat et conférence de presse ont pris le bord suite à son humiliante défaite.

 

Le boxeur de l’année

L’impressionnant palmarès d’Adonis Stevenson en 2013 pourrait bien lui permettre de mettre la main sur le prestigieux titre de boxeur de l’année. C’est du moins ce que pense son promoteur Yvon Michel, qui a profité de la conférence de presse d’après-combat pour rappeler le parcours de son poulain en 2013. Suite au décès de son entraineur, le légendaire Emmanuel Stewart, en janvier 2013, Stevenson a d’abord vengé sa seule défaite professionnelle en passant le K-O à Darnell Boone, avant de réserver le même sort en seulement 76 secondes à l’excellent Chad Dawson pour lui ravir son titre de champion du monde. Le combat de samedi était la 2e défense de sa ceinture, la première ayant eu lieu plus tôt cet automne contre l’américain Tavoris Cloud.

Les propos d’Yvon Michel à ce sujet trouvaient écho chez plusieurs spécialistes dimanche, comme quoi Adonis Stevenson aurait de réelles chances de devenir le premier boxeur québécois à mettre la main sur le prestigieux titre de boxeur de l’année.

 

Kovalev veut sa chance

Un de ceux qui pourraient priver Stevenson de ce titre se battait juste avant lui à Québec samedi. À l’image d’Adonis, Sergei Kovalev a connu toute une année 2013 et il y a mis un point d’exclamation en signant le K-O le plus violent de la soirée dans l’autre combat de championnat du monde du gala. Kovalev, un russe, ne portait visiblement pas son adversaire ukrainien Ismail Sillakh dans son cœur et il n’a pas hésité à aller dire quelques mots à ce dernier pendant qu’il gisait encore à moitié conscient sur le ring.

Kovalev, champion WBO des mi-moyens, croit maintenant qu’il mérite une chance d’unifier les ceintures dans un combat contre Stevenson. Il y a fort à parier que c’est aussi le désir de HBO. Le diffuseur qui possède un contrat avec les deux boxeurs avait justement amené Kovalev à Québec pour le vendre aux amateurs de la province.

Néanmoins, Yvon Michel et Adonis Stevenson ne semblent pas être en faveur d’un affrontement contre le puissant russe dans un avenir rapproché. Les noms de Bernard Hopkins et Carl Froch ont été mentionnés par Stevenson sur le ring et Michel a confirmé après le combat que GYM désirait un affrontement contre Hopkins. « Plus payant que Kovalev» s’est contenté d’expliquer Adonis Stevenson, se disant confiant de pouvoir lui passer le K-O à « l’executioner » si jamais l’occasion se présentait. Yvon Michel a assuré que l’identité du prochain adversaire de son poulain serait fixée d’ici un mois.

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