La participation des étudiants aux mouvements sociaux et politiques s’inscrit dans une tradition démocratique ancrée tant au Québec qu’en France. Pourtant, les modèles de représentation opèrent de manière significativement différente dans les deux pays. Pour mieux comprendre la structure française, Impact Campus a fait appel à Esra Ercan, élue syndicale de l’Union Nationale des Étudiants de France (UNEF).
Quelles sont ces différences et que peut-on apprendre du modèle français? Esra Ercan explique qu’il faut dissocier le rôle des associations de celui des élus universitaires sur les campus. En France, on sépare la mission de représentation des intérêts du volet de la vie étudiante. Ce sont des associations comme les Bureaux des étudiants (BDE) qui sont chargées de dynamiser la vie étudiante et d’organiser les évènements sociaux et culturels.
Ces associations, apolitiques, bénéficient de cotisations volontaires des membres ainsi que de subventions allouées par les universités pour réaliser leurs activités. Ce n’est seulement lorsqu’elles s’associent au niveau national qu’elles sont appelées à jouer un rôle plus représentatif.
Le mandat de représentation et de prise de position est délégué aux élus qui proviennent d’organisations représentatives, des syndicats et des fédérations. Tous les deux ans, l’ensemble des étudiants du pays sont appelés à appuyer une organisation pour siéger sur les instances nationales, les sièges étant ensuite alloués proportionnellement au nombre de voix obtenues.
Actuellement, ce sont trois organisations, la Fédération des Associations Générales Étudiantes, Promotion et Défense des Étudiants et l’UNEF, qui se disputent les sièges étudiants au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, de même qu’au Centre national des œuvres universitaires et scolaires. C’est autour de cette présence institutionnalisée des représentants étudiants que s’articule le contraste avec les relations informelles qui prévalent entre nos associations nationales et le gouvernement du Québec.
Pour la représentation sur les Conseils centraux des universités, équivalents français du conseil d’administration et des divers comités universitaires, la répartition des sièges fonctionne de la même manière. Les étudiants votent pour une liste de candidats présentée par une organisation représentative, et les postes sont alloués de manière proportionnelle. On réserve aussi des sièges aux étudiants au CROUS, l’organisme responsable de l’aide sociale et de l’accueil des étudiants de chaque académie.
Cette manière de fonctionner, tant au plan national que local, s’oppose à ce qui se passe au Québec, puisque les décisions des représentants élus ne peuvent pas être renversées par une assemblée générale. On pourrait d’ailleurs y voir une représentation plus juste de la diversité d’opinions qui peut exister sur un campus.
Une solution?
Selon Étienne Lamy, attaché politique de l’Association étudiante du Cégep de Sainte-Foy, cette solution pourrait s’avérer moins efficace qu’un monopole de la représentation lorsque vient temps de pousser une position. A contrario, « à quel point une position prise dans une assemblée générale d’un cégep de 6000 étudiants par 100 personnes est-elle prise au sérieux ? L’histoire des carrés verts et de la Fondation 1625 prouve qu’on ne peut pas dire qu’il y a un réel monopole de la représentation [des associations étudiantes au Québec] », fait-il valoir.
D’autre part, les faibles taux de participation aux élections universitaires constituent un enjeu comparable à ce qu’on reproche aux assemblées générales au Québec. En 2009, une proposition de la droite française d’y remédier en instaurant le vote électronique avait été vivement décriée par des membres du Parti socialiste, soulevant un débat similaire à celui qui fait rage au Québec ces dernières années.
Une autre différence marquante passe par les sources de financement. Sans cotisation obligatoire des étudiants, les organisations représentatives françaises doivent souvent recourir aux commandites externes, ce qui peut projeter un manque d’indépendance, explique-t-elle. Certains critiques évoquent le financement de l’UNEF, syndicat étudiant de gauche, par une poignée de députés socialistes de l’Assemblée nationale, et ses répercussions sur l’image d’autonomie de l’organisation.
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Assos et démocratie directe vues par un politologue