Premier Acte présente du 28 novembre au 9 décembre la nouvelle pièce de Rosalie Cournoyer, qui réussit l’habile pari de nous faire vivre, pendant un peu plus de deux heures, des myriades d’émotions. Personnages attachants et crédibles, dialogues serrés, jeu de comédien.nes absolument réussi, thème de la filiation et de la maternité : je n’ai pas vu le temps passer. La salle était comble, et le public plus qu’enthousiaste à la fin. J’espère pour vous que les billets des prochaines représentations ne sont pas tous vendus.
Par Florence Bordeleau-Gagné, journaliste multiplateforme
Texte et mise en scène : Rosalie Cournoyer | Distribution : Vincent Champoux, Lorraine Côté, Carmen Ferlan, Gabrielle Ferron, Raymonde Gagnier, Thomas Royer, Noémie F. Savoie | Production : Vénus à Vélo | Collaboration spéciale : Maxe Tremblay Bluteau (sage-femme)
Déjà le décor : maximaliste. Glaçons chatoyants en plastique argenté cheapette, futon, lit couleur maison-de-grand-môman. Ambiance de Noël en région, bref.
Ensuite, Liette, Susanne, Bernadette. Ces femmes « de campagne », qui en ont vu à la fois trop et pas assez dans leurs vies. Trop de vêlages, trop de gâteau Reine Elizabeth, trop de bout du rang, de gars du diesel, d’ennui, de stabilité, de tempêtes. Pas assez de grand-route, de théâtre, de palmiers, de piscines creusées, de métro, de bancs d’école, pas assez de chance.
Et puis Marianne, la fille, Robert, l’amoureux, ensemble la relève, qui s’occupe corps et âme d’une quarantaine de vaches laitières puantes et belles, élevées de génération en génération par la famille Pétrin.
Un vétérinaire qui, à l’image de tout ce bon monde, traite les humains en bêtes, les bêtes en humains.
Finalement Jeanne, l’autre fille, celle qui s’est expatriée en ville depuis des lunes et ne rentre presque jamais au bercail, sauf rapidement après le Jour de l’an 1998 pour stupéfier la famille avec son ventre bien arrondi par 37 semaines de fécondation in vitro. On ne connaîtra jamais son père. Jugements familiaux, malaises accompagnés de remarques drôles et cinglantes pour délester, tendresse : tout le monde vit cette nouvelle à sa façon.
Qui n’a pu reconnaître en ces gens à la fois simples et profonds des mimiques, des regards sombres, des préoccupations ou des ambitions fatiguées, bref qui n’a pu y reconnaître son entourage, ou soi-même ?
Le risque de tomber dans le déjà-vu guettait le projet de La Délivrance (parce qu’on a un athlète professionnel en histoires de familles, dans notre répertoire de théâtre québécois, qu’on n’a pas besoin de nommer). Pourtant, Rosalie Cournoyer nous livre sans aucun doute une incursion tout à fait actualisée dans nos familles québécoises, en revisitant la filiation et ses enjeux, le rôle de mère, et de fermier.ères modernes. Captif.ves de la « tempête du siècle », les membres de la famille Pétrin réapprennent bien malgré elleux à se connaître et à se côtoyer, dans ce qui sera l’épicentre d’une crise qui emprunte à la météo extérieure ses aspects inquiétants de danger et de beauté. Les gens du public se réapproprient avec les Pétrin leurs propres relations familiales ainsi que leurs choix de vie, jamais évidents, mais toujours nécessaires.
Chapeau à toute l’équipe de Vénus à Vélo, qui se cache derrière ce bijou de théâtre qui se love dans un bien bel écrin, au rez-de-chaussée du centre Frédéric-Back à Québec.
Une autre pièce de Rosalie Cournoyer est actuellement en représentation au Périscope. Camille et Florence sont allées voir L’Œil, et la critique de Camille est ici !