Il n’y a pas que Gabriel Nadeau-Dubois qui se maintient dans l’actualité des suites du conflit étudiant de 2012. Miguaël Bergeron, secondé par Laurent Proulx, « carrés verts » notoires, plaideront en Cour supérieure du 9 au 12 décembre. Ils demandent l’annulation de la loi 32 qui lie automatiquement les étudiants à leur association étudiante.
« Le recours vise deux choses : le monopole de représentation et la cotisation obligatoire. [Pour ce qui est du] monopole de représentation, présentement, que ce soit par faculté, par programme ou par cycle, il y a juste une association qui peut être autorisée », explique Miguaël Bergeron, étudiant en administration des affaires à l’Université Laval. « Premièrement, on est forcé de s’associer avec une association étudiante. Deuxièmement, disons que j’étais quelqu’un qui voulait fonder une deuxième association étudiante. J’aimerais avoir une pluralité de voix d’association étudiante, bien je ne pourrais pas le faire présentement », poursuit le plaignant.
En réalité, une seule association peut représenter les étudiants dans les discussions avec l’université.
Finn Makela, professeur de droit à l’Université de Sherbrooke, précise la raison : « On n’empêche pas de former des associations étudiantes alternatives. D’ailleurs, sur beaucoup de campus, il y a l’association des étudiants musulmans par exemple. Pour qu’une association étudiante soit reconnue comme la porte-parole des étudiants auprès de l’université, il faut que l’association soit accréditée. Ça ne marcherait pas si on avait plus qu’une association étudiante accréditée, parce que ça mettrait l’administration de l’établissement devant une situation où si “association porte-parole 1” dit une chose et qu’“association porte-parole 2” dit autre chose, et bien quelle est la position des étudiants ? »
Actuellement, la formule des associations étudiantes est similaire au modèle syndical. Sauf qu’au lieu de signer pour entrer dans un syndicat, il faut signer pour quitter son association étudiante. « C’est assez simple la raison derrière ça, parce qu’un milieu de travail, généralement, c’est une population stable, alors que vous pouvez imaginer si l’association étudiante devait aller chercher les adhésions de chaque gang de première année qui rentre, ça serait à peu près impossible pour l’association étudiante de garder son membership », note Finn Makela.
Camille Godbout, porte-parole de l’Association pour une solidarité syndicale et étudiante (ASSÉ), rejoint ce propos. « C’est très inquiétant. [Le recours] vient remettre en question tout le modèle associatif sur lequel se sont construites les associations étudiantes depuis des décennies au Québec, voir même le modèle syndical. »
« Depuis leur existence, les associations étudiantes, que ce soit au niveau local ou national, ont permis d’obtenir d’immenses gains pour les étudiants et les étudiantes partout au Québec », continue-t-elle. «Donc, nous, c’est sûr qu’on tient à privilégier de continuer dans ce modèle-là aussi et de souligner tout le travail qui a été accompli. »
En entrevue à la radio de Radio-Canada, Miguaël Bergeron déplore ce qu’il appelle la politique du « parti unique ». Il écarte l’idée d’investir l’association étudiante plutôt qu’en créer une rivale. « Si je vous dis vous, monsieur le souverainiste, allez au congrès du Parti libéral faire passer votre motion de souveraineté, vous m’en direz des nouvelles », s’est-t-il exclamé au micro de Bruno Savard.
Liberté d’association et liberté d’expression
Miguaël Bergeron invoque la liberté d’expression pour faire tomber la cotisation obligatoire. Il juge que « financer des organismes avec des positions idéologiques contre la nôtre, c’est une violation de notre liberté d’expression. »
Finn Makela doute quant à lui du fondement de cette requête. « Je ne comprends pas entièrement cette position-là, quand on voit que [durant le conflit de 2012], ils ont effectivement organisé une association rivale, l’Association des étudiants socialement responsables, et ils ont pu avoir une voix sur la place publique. D’ailleurs, il y a une de leurs représentantes qui était à Tout le monde en parle. Ils ont fait des manifestations. Il n’y a personne qui les a empêchés de s’organiser. »
De plus, l’étudiant peut toujours quitter son association étudiante, mais le remboursement de cotisation n’est pas obligatoire. « L’idée c’est que même les étudiants qui ne seraient pas d’accord avec les positions prises par l’association bénéficient des services offerts par l’association étudiante, donc ils doivent payer leur part. Si vous voulez, c’est comme de l’imposition », illustre M. Makela. « C’est-à-dire que l’association offre des services, mais ce n’est pas tout le monde qui utilise chaque service. Les étudiants non parents évidemment n’utilisent pas le service de garde. Ce n’est pas tout le monde qui achète leurs livres à la coop gérée par l’association étudiante, mais c’est les services que les étudiants en tant que collectivité se sont donnés. »
Cette liberté de rembourser ou non la cotisation se décide par vote dans l’assemblée générale de l’association. M. Bergeron considère cette disposition « arbitraire ».
Tout compte fait, M. Bergeron croit en ses chances. « Nous, on croit, qu’il y a une atteinte et que la jurisprudence est de notre bord. »
Alors qui va gagner ? « Avec tout le respect que je peux avoir pour leur avocat, c’est un recours qui est voué à l’échec. Si on regarde la jurisprudence en matière de cotisation obligatoire, c’est assez clair que d’être obligé de cotiser à un syndicat, comme dans le cas [jurisprudentiel], ça ne brime ni la liberté d’expression, ni la liberté d’association » considère Finn Makela.
En raison de la nature judiciaire de la procédure, la FEUQ, la CADEUL et Laurent Proulx se sont refusés à toute entrevue.