Photo : Courtoisie Nicola-Frank Vachon

La Bordée : début de nouvelle saison réussi

La saison 2017-2018 du théâtre La Bordée commence en force avec la pièce Bienveillance, écrite par la dramaturge Fanny Britt. Le propos sensible est mis en relief de manière astucieuse grâce à la mise en scène à la fois sobre et léchée de Marie-Hélène Gendreau. Bienveillance sera présentée jusqu’au samedi 7 octobre prochain.

Scénariste consacrée, Fanny Britt a reçu le Prix littéraire du Gouverneur général pour sa pièce Bienveillance. L’œuvre retrace la rencontre d’anciens amis d’enfance, Gilles et Bruno, ayant grandi dans une municipalité rurale appelée Bienveillance.

Les deux hommes se revoient pour la première fois après plus de deux décennies quand Gilles, devenu avocat dans un prestigieux cabinet montréalais, revient dans son village natal en raison d’un événement tragique dans lequel il se retrouve impliqué.

Le juriste se heurte alors à un dilemme moral qui lui semble insoluble : réaliser ses impulsions et aspirations matérielles ou sauver d’anciennes relations, minées par son égoïsme et son manque de considération.

Une mise en scène épurée et efficace

La pièce a été adaptée dès sa publication, en 2012, entre autres au Quai des arts de Carleton-sur-Mer. Cinq années plus tard, Bienveillance revit grâce à la comédienne et metteure en scène Marie-Hélène Gendreau. Cette dernière cumule plusieurs années d’expérience à La Bordée; elle avait notamment signé la mise en scène de Trainspotting, en 2015, et de Sur les marches du pouvoir, l’an dernier.

Certaines similitudes peuvent d’ailleurs être observées dans les décors des différentes pièces ayant été dirigées par la metteure en scène. À l’instar de Sur les marches du pouvoir, le décor de Bienveillance pourrait être qualifié de minimaliste. Aucunement clinquant, ce dernier comprend une simple montagne de pierres de même qu’une table, composée d’une porte couchée à laquelle on a greffé quelques chaises.

S’ajoutent ensuite, quelques minutes après le début de la pièce, plusieurs pommes disposées ici et là sur la scène, tombées d’une boîte de bois. Les pommes occupent par ailleurs une place cruciale dans l’univers de la pièce de Britt; elles rappellent les métaphores récurrentes du texte sur la soi-disant possibilité de rédemption qu’offre la vie à la campagne et la souffrance qui gangrène les corps, ceux-ci étant comparés à des trognons séchés.

Des dialogues savoureux

Force est de constater que le côté minimaliste du décor sert bien les propos de Bienveillance : le spectateur peut se concentrer pleinement sur les dialogues, lesquels se révèlent particulièrement rafraîchissants, poignants et bien écrits. Grâce à ces derniers, les personnages paraissent crédibles et deviennent rapidement attachants.

Or, les meilleures répliques proviennent de la mère du protagoniste, Madame Jean (excellente Lorraine Côté). Grâce aux expressions ingénieuses, colorées et comiques du personnage, la pièce ne sombre pas dans le mélodrame insoutenable. Le jeu sensible et nuancé des acteurs principaux, Emmanuel Bédard (Gilles), Eliot Laprise (Bruno) et Nadia Girard Eddahia (Isabelle), mérite également d’être souligné.

Quelques réserves pourraient néanmoins être émises concernant le son. L’effet d’écho moins bien réussi lors d’une scène où Marc Raymond (polyvalent Éric Leblanc), le patron caricatural du protagoniste Gilles, déballe ses angoisses existentielles, casse le côté poignant et surprenant de la scène. La musique, quant à elle, lourde et solennelle, n’est pas toujours adaptée au ton voulu et semble parfois superflue.

Ces détails n’affectent cependant pas la qualité générale de la pièce, laquelle risque d’émouvoir un large public. De fait, tous pourront se reconnaître sans doute dans les angoisses, les doutes et les failles des personnages délicieusement complexes.

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