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Allemagne : À l’aube des élections

Les résultats des élections fédérales allemandes, qui se tiendront le 24 septembre, pourraient engendrer de nombreuses retombées sur l’économie canadienne. Trop peu abordés dans l’actualité internationale, Carsten Pilger, journaliste et auteur du blogue Die VI. Republik, nous aide à comprendre les enjeux de la prochaine campagne électorale et ce qu’ils représentent pour le Canada.

La course à la chancellerie

Dès la fin du mois de septembre, les 82 millions d’électeurs allemands voteront pour les 630 nouveaux députés qui siégeront au parlement (le « Bundestag »), ce qui permettra au président de la République fédérale de déterminer le prochain chancelier. Depuis 2005, la quatrième puissance mondiale est gouvernée par la « Grande coalition » formée par l’Union démocrate chrétienne (CDU/CSU) d’Angela Merkel et le Parti social-démocrate (SPD). Principalement critiquée en raison de l’accueil rapide des réfugiés syriens durant son dernier mandat, Merkel doit désormais faire face à quatre autres partis de l’opposition et à son partenaire actuel, le SPD.

Un peu plus à gauche sur l’échiquier politique que la chancelière, Martin Schulz (SPD), se voit comme le défenseur des valeurs européennes et réclame plus d’investissements au sein de la zone euro face à la politique conservatrice du CDU. « Il surfe sur la vague macronniste, mais, contrairement à Macron, il veut rester dans la logique partisane du système politique », précise le journaliste allemand. De leur côté, die Grünen (les Verts) représentent un groupe d’intérêts puissant dans le paysage politique allemand qui milite pour plus d’alternatives écologiques. Die Linke (la Gauche) propose aussi des pistes de solutions viables pour un plus grand partage des ressources, malgré leur héritage socialiste de l’ex-RDA. Le parti libéral-démocrate (FDP), souvent accusé de clientélisme, place le libéralisme économique et les droits de l’homme au centre de ses préoccupations. Finalement, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), créée en 2013, se présentait au départ comme une option eurosceptique et néolibérale, mais se positionne désormais sur d’autres enjeux sociaux comme la lutte contre l’islamisme et l’immigration. « Mais il y a une différence avec le Front national en France. L’AFD reste ultralibérale et veut réduire les interventions de l’État dans l’économie, contrairement à Le Pen qui est protectionniste et interventionniste », mentionne Carsten Pilger.

Les points chauds

La campagne de 2017 tournera principalement autour de la question de l’accueil des réfugiés et des immigrants. Bien que divisés, plusieurs croient que la politique d’ouverture et la gestion de Merkel sont des preuves d’humanisme. Cependant, les partis centristes et de gauche ont du mal à garder leurs électeurs, traditionnellement des travailleurs. « Beaucoup de l’électorat de gauche (SPD et Die Linke) vote maintenant pour l’AFD car ils ont peur de l’immigration. Avec le populisme, c’est un double jeu difficile à maîtriser », déplore le journaliste allemand. Le plus grand défi pour eux reste de développer un projet porteur d’espoir aux citoyens qui fera avancer l’intégration des nouveaux arrivants.

De plus, le futur de l’Europe préoccupe énormément les politiciens allemands à la suite du Brexit. Selon la presse internationale, il s’agirait d’une chance historique de relancer le couple franco-allemand entre Merkel et Macron. Depuis son arrivée au pouvoir, ce dernier ne cesse de courtiser l’Allemagne afin qu’elle investisse davantage dans la zone euro. Selon Carsten Pilger, le grand défaut paradoxal de la politique allemande est son bilan nul. « En effet, même si les finances du pays sont impeccables, les infrastructures comme l’accès à Internet, les ponts et les rues se trouvent dans un état désastreux. »

Et le Canada ?

Depuis la Guerre froide, les États-Unis ont toujours été les protecteurs du monde libre. Cependant, la nouvelle constellation instaurée par l’arrivée de Trump au pouvoir fait peur aux Allemands. Plus largement, les Européens n’ont plus confiance en la Maison Blanche. Leur seul partenaire stable sur le continent américain semble être devenu le premier ministre Justin Trudeau. Devant ce populisme états-unien, on voit apparaître la nouvelle alliance Merkel-Trudeau-Macron.

« Trudeau partage les mêmes valeurs humanistes qui nous poussent à créer quelque chose, engager les gens, être ouverts en société. Trump n’encourage pas les États-Unis, il cherche des excuses pour leurs propres échecs. C’est soit la faute des Mexicains ou des Européens. Ce n’est pas un projet constructif. »

Le printemps dernier, l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne a aussi provoqué de vives réactions en Allemagne. Tout comme plusieurs Québécois, certains citoyens doutent de la qualité des produits importés et des risques de perte d’emplois dans les petites entreprises. De nombreux parlementaires critiquent le manque de transparence à travers le processus de négociations et la difficulté de jongler avec 27 cultures politiques différentes.

« Nous avons une autre culture politique. C’est important de former une coalition et de ne pas provoquer de confrontation. Par exemple, nous fonctionnons grâce à des consensus, contrairement à la France avec une majorité », explique M. Pilger.

Selon les sondages actuels, Merkel semble, une fois de plus, l’emporter. Seulement, la question reste à savoir avec quel partenaire va-t-elle gouverner. Selon Carten Pilger, la grande coalition CDU-SPD sera réélue pour un mandat consécutif de 4 ans. La deuxième possibilité serait une alliance CDU-FDP, ce qui semble moins probable, puisqu’on n’attend pas de sitôt le retour du FDP après un scandale avec des groupes hôteliers et un conflit possible avec Macron en raison de leur désengagement dans la zone euro.

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