ENTREVUE | Un tout nouveau EP pour Sûrette

C’est ce jeudi 29 février que sera rendu disponible sur toutes les plateformes le nouveau EP de Sûrette, L’homme d’affaires. À l’occasion de cette sortie et des prochaines soirées de lancement, le 7 mars à l’Ampli de Québec et le 14 avril au Quai des Brumes à Montréal, je me suis entretenue avec Vincent Leboeuf Gadreau (Inner Odyssey), le musicien derrière ce projet musical pop-rock. On y jase d’influences prog et métal, des masculinités toxiques, de sites de rencontre et…de vandalisme.

Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), cheffe de pupitre aux arts

 

 

Un album aux saveurs pop

Au-delà des influences du rock progressif et du métal qui traversent sa musique ou qui baignent ses écoutes quotidiennes, ce plus récent album se veut pour Vincent une occasion d’investir du côté de la pop, effort qui ne se veut pas aussi facile que l’on voudrait le croire, comme cette contrainte de devoir écrire et produire des chansons plus accessibles et aux airs accrocheurs qui constitue un défi en soi pour le musicien.

Plus encore, le projet Sûrette se veut une occasion d’écrire des chansons en français. Écrire en anglais représentait pour lui une forme de mise à distance par rapport aux textes, alors que le français permet une relation plus intime au langage et à l’écriture. Mais la langue n’est pas la seule chose qui a le potentiel de rendre ce rapport au texte plus personnel. Contrairement aux mille et un titres musicaux qui s’ancrent surtout dans des référents montréalais, ceux de Sûrette font plutôt de la ville de Québec leur lieu de prédilection, notamment dans Encore une fois, Vincent étant lui-même originaire de la basse-ville.

« C’est toujours un défi de faire dans l’autoréférence. C’est une pièce qui, au départ, s’appelait Saint-Roch FOMO. Évidemment, c’est plus léger comme thématique, mais moi, j’ai ça big time le FOMO [fear of missing out], je suis un extraverti. Je pense que je l’ai de moins en moins, parce que je suis de plus en plus groundé et entouré de personnes qui me permettent de vivre à mon rythme, mais je suis un grand abonné de certains lieux de Québec. Je fais beaucoup de coworking au Maelstrøm Saint-Roch, je vais danser le swing au Salon d’Edgar. J’ai mes spots, et je trouve ça cool de pouvoir me permettre de faire des chansons plus accessibles et autoréférentielles dans lesquelles je fais des clins d’œil à des endroits en particulier, à du staff aussi. J’ai lancé mon premier EP au Maelstrøm l’année passée et j’ai tellement été bien reçu. C’est aussi pour montrer qu’il y a définitivement une vie à Québec, ne serait-ce que culturelle. » Ça bouge à Québec, il y a de la variété, et à longueur d’année à part de ça !

Engagé, mais pas moralisateur ni prescriptif

Un peu à la manière de ses précédentes chansons et de son dernier microablbum Un peu amer sorti l’année dernière, Vincent alias Sûrette propose encore, avec L’homme d’affaires, des réflexions liées au patriarcat, aux impasses relationnelles ou aux relations à l’ère moderne et plus encore à la masculinité toxique, en milieu de travail, notamment.

Ce dernier me confie que si son intérêt pour l’humain, la psychologie et les questions liées à la personnalité lui est cher depuis longtemps, ayant d’ailleurs jalonné son parcours universitaire, c’est surtout depuis la vague du mouvement #MeToo au printemps 2020 que les questions qu’il explore et soulève se sont en quelque sorte imposées à lui de manière encore plus forte :

« Je suis travailleur culturel depuis longtemps, et pendant les vagues plus fortes du mouvement #MeToo, ça a permis de faire un ménage dans le milieu de la musique. Je me suis rendu compte que beaucoup de mes amies dont je me suis rapproché durant la pandémie avaient, à un moment ou un autre dans leur vie, vécu des agressions de nature sexuelle. Ce n’est pas quelque chose que j’aurais autant été capable de comprendre il y a quelques années. Ça a remis beaucoup de choses en perspectives, et ça a donné dans l’humilité. Je pense que ça vaudrait la peine que les gars se regardent un peu et fassent un examen de conscience. Mais dans les faits, je ne suis pas un activiste ou revendicateur, mais j’essaie de faire mon bout de chemin pour au moins m’adresser à ces gars-là. »

En ayant d’ailleurs accès à ses statistiques d’écoute, Vincent m’explique que c’est principalement un public masculin qui suit son travail :

« Ça me surprend un peu, mais je trouve ça cool aussi, parce que ça veut dire que le message ne fait pas peur, que ça leur parle. » Définitivement, ses critiques et sa musique réussissent à rejoindre des auditeur.rices que l’on aurait pu croire moins réceptifs à ces enjeux, soulevant en ce sens l’importance des allié.es au sein des luttes féministes, puisque les femmes ne sont assurément pas les seules à souffrir des conséquences du patriarcat. Sans faire dans un discours qui se voudrait moralisateur, ses chansons permettent ainsi de sensibiliser davantage à ces questions patriarcales et même capitalistes dont sont aussi victimes les hommes.

« Je me permets d’écrire sur des sujets dont je n’aurais pas nécessairement pu parler il y a quelques années de ça. »

Griffes et crocs, qui abordent les « blessures narcissiques du dating », est d’ailleurs l’une des chansons du EP que préfère Vincent. « Au départ, je voulais l’appeler Passer régler. C’est des descriptions Tinder qui, entre les lignes, nous font réaliser que les gens sont vraiment blessés. Les gens sont brisés, mais ils veulent quand même vivre l’amour. »

À mettre à votre agenda…

Pour le lancement du EP L’homme d’affaires, c’est le 7 mars à l’Ampli de Québec et le 14 avril au Quai des Brumes que ça se passe ! En attendant, l’album est disponible sur toutes les plateformes.

Consulter le magazine