Histoires d’horreur, histoire de culture

Les films d’horreur, dépendant des multiples territoires, nations, pays et cultures, possèdent différentes origines et caractéristiques qui leur sont propres. Sans faire un survol de tous les pays du monde, j’écrirai sur certains pays, qui, par leurs différents classiques du cinéma d’horreur, méritent particulièrement que l’on s’y attarde, tels que l’Allemagne, le Japon, les États-Unis et jusqu’à un certain point, l’Italie.

L’horreur a toujours eu la cote auprès des cinéphiles. Il n’a évidemment pas toujours été là où il est aujourd’hui en termes d’intensité ; les films considérés plus gore sont relativement récents dans l’histoire du cinéma, mais c’est un genre qui remonte à très loin. À certains endroits, on peut expliquer la venue au monde de ce genre par des raisons historiques, sociales ou bien tout simplement culturelles.

Le slasher aux États-Unis

Un genre très populaire dans l’histoire contemporaine du cinéma, le slasher est un sous- genre du cinéma d’horreur possédant des codes très distincts. Le terme slasher provient du verbeto slash, qui signifie couper. Dans ces films, on retrouve frequemment des monstres masqués poursuivant un groupe de jeunes pour assouvir leurs pulsions meurtrières avec, détail important, une arme blanche. Le premier film du genre, Black Christmas, sorti en 1974, raconte l’histoire d’un groupe de jeunes femmes qui ne font pas cas de plusieurs appels téléphoniques inquiétants pendant une soirée qu’elles se sont organisées dans le temps des Fêtes. C’est cependant Halloweenréalisé par John Carpenter et sorti en 1978 qui a jeté les bases du genre et a grandement contribué

à sa popularité. Le charisme du psychopathe dans les slashers est également un facteur qui contribue au succès des différents films issus de ce courant.

Il n’y a pas tellement de raisons historiques qui peuvent expliquer la popularité croissante de ce genre de films vers la fin des années 70, mais il y a cependant des raisons culturelles. Sans être unslasher à proprement parler, le film Psycho (1960) d’Alfred Hitchcock est tenu comme une grande influence dans la naissance de ce genre. Le personnage du méchant dans Psycho est, d’une certaine manière, masqué lorsqu’il assassine ses victimes. Il se sert également d’une arme blanche. Ce sont quelques points communs que l’on peut constater avec le slasher. Le cinéma italien ditgiallo, dont les grands moments datent des années 60-70, grâce à des cinéastes comme Mario Bava et Dario Argento, entre autres, fut également un facteur dans la venue au monde du slasher. Dans le giallo, on assiste généralement à des films à la frontière entre thrillers policiers, films érotiques et films d’horreur. Le film le plus connu de cette ère est probablement Suspiria de Dario Argento, grand classique du cinéma d’horreur ayant fait l’objet d’un remake dans la dernière année.

Un film n’étant pas considéré comme un slasher à proprement parler, mais qui a grandement influencé la popularité de ce sous-genre, fut sans contredit The Texas Chain Saw Massacre de Tobe Hooper (1974). Il est intéressant de s’attarder au personnage du tueur dans ce film − à sa laideur, si l’on veut − Leatherface, qui porte des masques faits de peau humaine. Ensuite, dans le film Leatherface, sorti en 2017, il est expliqué que, lors d’une poursuite avec la police, le personnage Leatherface se fait tirer un coup de fusil qui lui traverse les deux joues, ce qui le laisse évidemment défiguré. Cependant, dans le remake, le réalisateur y va d’une thèse différente. Dans sa jeunesse, le personnage serait né avec une déformation du nez qui lui ferait subir de l’intimidation particulièrement cruelle de la part de ses pairs. Au premier degré, les films d’horreur sont généralement assez simplistes dans leur fond, mais en prêtant bien attention au deuxième degré, pourrait-on voir une critique de l’abus policier et de l’intimidation dans ces deux derniers exemples ? Je crois que oui.

Le cinéma expressionniste allemand

Changeons de société et d’époque. Dans l’Allemagne des années 1920, nous avons assisté à la naissance du cinéma expressionniste, un cinéma grandement étudié et apprécié encore aujourd’hui. Pour des raisons historiques et sociales, il est particulièrement fascinant de s’attarder sur ce cinéma plein de savants fous, de vampires, de somnambules et de monstres de toutes sortes. Comme on le sait, l’Allemagne des années 20 traverse une période éprouvante, elle sort – perdante – d’une guerre difficile, elle vit une crise économique. C’est dans ce contexte social qu’un homme comme Hitler va s’élever au rang de figure politique d’envergure. Le film Le Cabinet du Dr Caligari (Robert Wiene, 1920), considéré comme la quintessence de ce courant cinématographique, met en scène un docteur fou utilisant un somnambule pour commettre des meurtres. Certains voient dans ce film une critique anti-Hitler, qui serait comparé au savant fou, manipulant une personne en état de faiblesse pour y aller d’une folie meurtrière. Les points communs sont pour ainsi dire assez flagrants.

Le déclenchement de ce courant cinématographique peut être expliqué par des raisons sociales. Étant donné que l’Allemagne de l’époque ne vivait pas une réalité évidente, le cinéma, de par son univers d’horreur rempli de monstres et de décors fantaisistes tout sauf réalistes, permettait aux Allemands de fuir cette réalité. Que ça ait été fait de manière délibérée ou inconsciente − l’histoire ne le dit pas − mais on peut tout de même y croire. L’Italie d’après-guerre, vers la fin des années 40, s’est rapidement tannée des films néo-réalistes, parce qu’ils les ramenaient à leur réalité qui n’était pas aisée non plus à ce moment-là.

Le Japon et ses complexes

J’ai appris dernièrement que les Japonais – surtout les Japonaises – ont, dans l’ensemble, un complexe sur leurs cheveux. « L’industrie » de la rallonge de cheveux au Japon est extrêmement prospère, pour le dire de manière simpliste. Il est intéressant de savoir ça lorsqu’on regarde certains films d’horreur japonais. Sans mauvais jeu de mots, le peuple nippon a en horreur les cheveux qui traînent sur le plancher, c’est un signe de malpropreté, de désordre. D’ailleurs, Exte, un film d’horreur japonais, raconte l’histoire d’un coiffeur qui pose des rallonges de cheveux sur des femmes. Ces cheveux, par la suite, étouffent les femmes qui les portent. Même si le film, au premier abord, semble assez simpliste, voire ridicule, c’est une critique évidente de cette manie qu’ont les Japonaises de vouloir se rallonger les cheveux, de l’aveu même du réalisateur du film, Sion Sono.

Un autre film intéressant à ce niveau-là, probablement le plus digne représentant du cinéma d’horreur japonais, le film The Ring, réalisé par Hideo Nakata. Vous vous rappelez la scène avec une jeune femme sans visage, parce qu’il est couvert par des cheveux noirs malpropres, portant une robe blanche et sortante d’une télévision, eh bien, ça vient de ce film-là. Dans ce film, on suit l’histoire d’une journaliste chargée d’enquêter sur une étrange cassette VHS qui tue les gens qui l’ont visionné. À travers le personnage antagoniste du film, une femme sans visage avec des cheveux sales, on peut aisément constater le rapport, encore une fois, sans généraliser évidemment, qu’entretiennent les Japonaises avec leurs cheveux.

Les films d’horreur, à première vue, sont souvent des films assez simplistes tant sur le fond que sur la forme, provoquant des réactions presque animales chez les gens qui les visionnent. Toutefois, lorsqu’on les regarde en ayant un certain bagage de connaissances historiques, culturelles et sociales, ceux-ci peuvent prendre une autre signification, avoir un peu plus d’attrait. Ça peut également être un cinéma qui critique certaines réalités et certains enjeux sociaux, en plus d’être d’actualité des années après la sortie en salle.

Consulter le magazine