Photo : Élia Barbotin

Les ruines de Kaël Mercader: mourir debout dans la Rome antique

L’esprit de l’Antiquité s’est invité jeudi dernier au Maelstrøm Saint-Roch pour le vernissage de l’exposition Les ruines par l’artiste visuel de Québec Kaël Mercader. Invités à s’habiller en vêtements d’époque pour l’occasion, les curieux ont pu y découvrir ses nouvelles créations en plus d’y entendre une performance musicale exclusive. 

Résultat d’une offre du Maelstrøm visant à exposer les oeuvres d’un artiste local, Les ruines est venue au monde grâce entre autres au support de plusieurs amateurs d’art connaissant déjà l’implication de Mercader dans la scène underground ainsi que ses projets passés.

Une fois les travaux lancés début septembre, l’artiste s’est assuré de s’imprégner des lieux de l’exposition, de sa configuration et de ses murs de briques. Profitant de bonnes conditions de création, d’un accès à un atelier et de beaucoup de matériel, celui a qui l’on a donné champ libre se cherche alors un thème central.  

« Dans mon art, je fais beaucoup de citations de l’histoire de l’art, j’aime reprendre des manières de peindre ou des thématiques anciennes. Pendant longtemps, j’aimais l’art du Moyen-Âge, sa naïveté et comment il pouvait être un peu poche », lance-t-il à la blague.  

S’inspirant d’images des ruines de la cité de Pompéi glânées sur internet, il décide d’orienter son travail vers l’époque de sa destruction par l’éruption du Vésuve. Ce que l’on y a retrouvé à la suite de fouilles archéologiques plusieurs centaines d’années plus tard, également: les céramiques des villas riches, les corps figés dans le temps par la cendre. « Je me suis dit : je vais faire un exercice afin de reproduire l’esthétique antique », affirme l’artiste, sans pour antant viser la perfection recherchée par les anciens. 

L’offre finale étonne par sa diversité, malgré le petit nombre de tableaux. Des visages aux traits simples, mais efficaces, placés dans de petits cadres, côtoient des peintures plus colorées montrant les motifs des céramiques d’époque, alors que le tableau principal, plus abouti, présente un personnage vivant ses derniers instants avant l’éruption. 

Une intégration progressive de la performance  

Vers la toute fin du vernissage en formule 5 à 7, Kaël Mercader, bien conscient que l’instrument placé au coin de la pièce, un petit orgue, intriguait l’assistance, a offert une courte prestation musicale improvisée.

« J’ai voulu que mes oeuvres sur les murs résonnent dans l’endroit où on était, que quelque chose se passe entre moi, le public et les oeuvres, se justifie-t-il. Amener les gens à voyager. » Ce qui était au départ une pure excentricité est devenue une manière de s’imprégner des oeuvres, selon lui. « J’ai vraiment voulu m’imaginer la détresse que les gens ont pu vivre quand ils ont commencé à recevoir des cendres bouillantes sur eux. » 

Il faut dire que le peintre et illustrateur a un réel intérêt pour l’art performatif, lui qui a récemment suivi des ateliers centrés sur cette discipline, et compte l’intégrer de plus en plus dans sa pratique. Entité, sa précédente exposition au centre d’artistes en art actuel Regart à Lévis lui a d’ailleurs fourni l’occasion d’en présenter. Ayant toujours eu un bon sens de la mise en scène et un amour du costume, cette avenue est prometteuse pour Mercader, qui a toutefois l’intention de prendre son temps. « Je viens d’une tradition plus 2D, la peinture et le dessin, élabore-t-il. De passer à la performance, ça ne se fait pas en un jour, ça prend beaucoup d’exercices. » 

Voir au-delà de Microsoft Paint

En contact avec l’art dès l’enfance, son père étant peintre et caricaturiste, il a tôt eu accès à un atelier et reçu de bons conseils. L’intérêt de Mercader pour l’art et sa pratique s’est sans cesse développé depuis, en passant par de courtes études collégiales dans le domaine ou, assez notoirement, l’utilisation de Microsoft Paint pour faire de l’illustration. Alors que ses dessins souvent humoristiques ont contribué à sa notoriété locale, la « parenthèse de fin » de cette période de création commence à se profiler, selon lui.  

Évoquant le fait que ce matériel lui a « beaucoup collé à la peau », il a décidé d’aller voir ailleurs, de se diversifier. Le projet Chagrin, initié avec sa complice illustratrice Stéphanie Lessard, lui permet depuis quelque temps d’offrir des créations (design de t-shirts, prints) originales et locales aux gens de Québec. Il mentionne également avoir répondu à quelques appels de dossiers pour 2018 et 2019, en espérant pouvoir présenter bientôt au public ses nouvelles explorations artistiques. 

L’exposition Les ruines est quant à elle présentée au Maelstrøm Saint-Roch jusqu’au 9 novembre. 

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