Marguerite : sans feu ni flamme

Les productions Onishka présentent au théâtre Le Diamant, en coproduction avec Espace Go, la pièce Marguerite : le feu jusqu’à ce soir, 21 mai. La pièce, d’une durée d’environ une heure, « raconte » le récit de Marguerite Duplessis, jeune femme autochtone qui revendique sa liberté. Il s’agit de la première fois en Nouvelle-France qu’une personne autochtone intente une poursuite judiciaire et qui plus est, la première fois aussi qu’une personne mise en esclavage fait reconnaître son droit à la liberté.

Texte : Émilie Monnet | Mise en scène : Émilie Monnet et Angélique Willkie | Distribution : Émilie Monnet, Aïcha Bastien N’Diaye et Angélique Willkie en remplacement de Madeleine Sarr 

Position délicate
En arrivant au Diamant jeudi soir, je m’étais déjà informée sur la pièce et je savais qu’elle serait résolument engagée, ce qui, pour moi, n’est pas un bon ou un mauvais présage, c’est seulement qu’avec le théâtre engagé, j’ai l’impression que la ligne est toujours excessivement mince entre un résultat renversant et un résultat malaisant. La pièce que j’avais vue la veille, La nuit du 4 au 5, avait été du premier groupe et j’espérais la même chose pour Marguerite : le feu, mais pour moi, ça ne s’est pas produit comme ça.

Je pense qu’en 2022, on peut se dire qu’un propos politique ou social ne suffit pas à faire d’une pièce une bonne pièce, n’en déplaise à la critique culturelle souvent un peu complaisante. Donc si j’avais initialement prévu de faire une critique sur La nuit du 4 au 5 plutôt que sur Marguerite : le feu et que je n’avais pas aimé la pièce, je l’aurais écrit sans problème. Toutefois, et c’est là que c’est un jeu un peu délicat, c’est que oui Marguerite : le feu est une pièce ostensiblement politique et sociale, mais c’est aussi une pièce de la diversité. La distribution tout comme l’équipe de production est majoritairement issue de la diversité culturelle et tout le processus semble s’être pensé ainsi : dans la cohérence du propos et de la démarche.

Et si des pièces engagées, il y en a à la pelletée, des pièces de la diversité, il y en a beaucoup moins. C’est ce qui fait qu’elles sont plus difficiles à critiquer, parce qu’il faut encourager absolument toutes les démarches qui visent une meilleure représentativité de la scène culturelle, et que j’ai l’impression qu’une mauvaise critique ne ferait que leur nuire. Alors, il me faut trouver un équilibre entre ce que je peux et ne peux pas critiquer en attendant que des pièces de la diversité, il y en ait plus, équilibre que je peine encore à atteindre.

Les répliques de tout le monde
Déjà, le plan de la salle, l’éclairage et la fumée rendaient la distinction des comédiennes difficile, mais en plus, le rythme des répliques était pareil pratiquement toute la pièce : les comédiennes tournées vers le public, accroupies ou non, disant une ligne chaque, puis quelques lignes en chœur, un mécanisme usé à la corde.

Les énumérations d’éléments, la liste, c’est parfois efficace pour transmettre, amplifier un message, mais on ne peut pas faire une heure de liste d’éléments de la nature ou de noms de famille, parce que notre attention se détourne et le propos se neutralise.

Et je comprends l’idée de lire en chœur toute l’histoire du procès sur un même ton. En fait non, c’est ça, je ne comprends pas ce choix dramatique-là, parce que si le but de la pièce est de transmettre l’histoire effacée de Marguerite Duplessis, il faut nous permettre une prise sur le récit, sauf que là, tout glisse et rien ne reste. Les aller-retours entre l’an 1740 et aujourd’hui sont maladroits et rendent le résultat encore plus confus.

Quand même, il faut dire qu’entre les projetions visuelles et les enregistrements sonores, l’intermédialité est quand même assez maîtrisée et que la présence scénique des trois comédiennes dont Angélique Willkie qui a dû remplacer Madeleine Sarr suffit à faire oublier le très grand espace de la scène du Diamant à occuper.

Néanmoins, je crains que la forme du texte et son choix de mise en scène aient éclipsé le propos et toute sa portée sociale et qu’ainsi, il ne laisse au public qu’un sentiment de déculpabilisation du simple fait d’avoir assisté à une œuvre de la diversité, une déculpabilisation qui suffira à n’instiguer aucune véritable introspection.

Crédits photo : Yanick MacDonald

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