La poétique du zine et de l’édition alternative s’invite au festival Caniches

Le dimanche 15 mai se déroulait à la Maison pour la danse l’événement Petit salon du zine et de l’édition alternative où plus d’une vingtaine de créateur.trice.s ont eu l’occasion d’exposer des œuvres hétéroclites. L’événement clôture la première édition du festival d’arts littéraires Caniches, festival créé par Juliette Bernatchez et Vanessa Bell, codirectrices de Contours.

 Par William Pépin, chef de pupitre aux arts

L’événement s’inscrit dans une démarche émancipatrice où les exposant.e.s ont l’occasion de d’afficher leur travail à l’extérieur des conventions éditoriales traditionnelles. À l’honneur, on y retrouve notamment les zines, ces œuvres originales et souvent artisanales, destinées à une circulation restreinte. Dans le cadre de leur cours à la session d’hiver 2022 et sous la direction de leur professeur Michaël Trahan, les étudiant.e.s au baccalauréat en études et pratiques littéraires ont présenté de nombreuses œuvres dignes de mention, telles que Princesse atomique, Nous sommes des constellations, L’allégorie du banc de parc et Noctuelles. Ici, la dimension littéraire s’émancipe au-delà des mots pour s’exprimer à travers un travail artisanal où la vision de l’artiste se dévoile autant dans le contenant que dans le contenu.

Les étudiant.e.s à l’honneur

En ce sens, je pense au travail remarquable de l’étudiante Sarah Ménard, qui présente dans un objet délicat aux allures de carte postale la Guadeloupe tout en y transcendant les préjugés réducteurs que l’on peut entretenir sur les Antilles.  C’est un ouvrage touchant, où son autrice laisse exprimer sa mémoire avec douceur et résilience. Il est dommage qu’un travail d’une telle qualité ne puisse être diffusé à un plus grand nombre de lecteur.trice.s, mais après tout, n’est-ce pas là le coeur du zine, soit la promesse d’une exclusivité, d’une fenêtre qui ne s’ouvre qu’à celleux qui attrapent en vol ces objets rares et si précieux?

© Sarah Ménard (@sarahmenardautrice)

En marge de l’événement, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Sarah au sujet de son zine et de son contexte de création :

© Sarah Ménard (@sarahmenardautrice)

« Quand j’ai commencé la création littéraire, je m’amusais à écrire, illustrer et relier des histoires pour mes petits cousins; c’était très maladroit, j’avais dix ans, mais la forme se rapprochait déjà un peu du zine… C’est cette passion du bricolage […] qui m’a poussée vers le nouveau cours donné par Michaël Trahan, Zine et revue de poésie[…] En guise de travaux évalués, le professeur nous a fourni une liste de cinq sujets, et nous a demandé d’en choisir deux pour créer des zines. Mon premier était de l’écriture pour enfants; le deuxième, celui sur la Guadeloupe, se voulait une exploration poétique d’un lieu. J’ai donc appelé mon père, un soir, pour fouiller les archives sur l’ordinateur familial à la recherches de visuels de l’île où j’ai grandi – et après une heure et demie, j’avais rassemblé beaucoup de paysages et quelques photos de moi petite. Tout ça m’a servi de matériel de base […] Les photos de moi ont d’ailleurs influencé mes mots, puisque le zine final parlait de ma vie à travers la Guadeloupe. Enfin, dans la mesure où les Caraïbes, peuple qui y vivait avant la colonisation, l’appelaient “Karukera”, c’est-à-dire l’île aux belles eaux, j’ai décidé de créer des vagues en dentelle de papier pour ornementer la couverture, et j’ai choisi une reliure. »

– Sarah Ménard, étudiante au baccalauréat en études et pratiques littéraires

Le Petit salon du zine et de l’édition alternative a d’ailleurs fait une grande place à la poésie et la multidisciplinarité, alliant à la fois la marginalité éditoriale et à la richesse des arts littéraires. Le collectif RAMEN était notamment sur place, collectif reconnu depuis plusieurs années pour son apport à la promotion de la poésie et des arts littéraires.

Aider le monde de l’auto-édition

Avec les arts littéraires et les zines viennent les enjeux de l’auto-édition et le Collectif la fatigue était présent pour présenter son projet Le Pieu, un d’atelier d’impression et d’auto-édition communautaire. Pour en savoir davantage sur ce beau projet et y contribuer, c’est par ici.

Enfin, je me souviendrai de cet événement comme d’une preuve d’amour pour les créateur.trice.s de la relève littéraire, où de nouvelles voix ont pu s’exprimer. En ce sens, il convient de saluer le travail exceptionnel des organisatrices Juliette Bernatchez et Vanessa Bell, les codirectrices de Contours, sans qui l’événement n’aurait pas pu avoir lieu, ainsi que celui de Michaël Trahan, professeur en littératures à l’Université Laval et de L’atelier simple, le laboratoire de recherche-création du département des littératures.

© Crédits photo : Contours

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