Pour la poète Marie-Andrée Gill, l’écriture permet d’exprimer « tout ce qui a envie de sortir et qui menace d’exploser ». Elle écrit ses sentiments pour s’en libérer à travers des métaphores qui, selon elle, frappent plus que les mots mêmes. Portrait d’une artiste simple, humble et engagée.
Âgée de 30 ans, Marie-Andrée Gill est mère de trois garçons et complète présentement une maîtrise en création littéraire à l’Université du Québec à Chicoutimi. Native du village de Mashteuiatsh, situé au Lac Saint-Jean, la jeune auteure reste fidèle à ses origines autochtones. Guidée par un profond désir d’authenticité, l’artiste emploie dans ses poèmes son vocabulaire de tous les jours. « Je veux rester fidèle à ma façon de parler et de penser. Les mots que je n’emploie pas, je n’ai pas envie de les écrire », a-t-elle expliqué en conférence, la semaine dernière, à l’Université Laval.
Pour Marie-Andrée, l’appel de la poésie s’est fait au début de la vingtaine. « Un jour, ça a fait un déclic. Pour la poésie, ça prend ça, sinon ça reste inaccessible. Je trouvais ça fermé, au début, mais aussi lumineux. C’était fort, ça m’appelait beaucoup », raconte-t-elle. Après avoir lu plusieurs classiques de la poésie québécoise, comme des textes de Gaston Miron, elle a commencé à écrire à son tour.
Un processus quotidien
L’écriture de la poésie est rapidement devenu un exercice du quotidien. Pour elle, la langue est un « dictionnaire vivant dans lequel on pige ». Elle ne quitte d’ailleurs jamais la maison sans un petit cahier de notes, qu’elle a toujours sous la main, où qu’elle aille. Elle y note des mots, des phrases, des choses qu’elle observe, qu’elle ressent, qu’elle entend. « Je récolte les expressions autour de moi. Puis, quand j’écris, je fais juste piger dans les listes de mots que je me suis faite. Mes poèmes rendent donc des moments de ma vie, sans que les gens sachent vraiment de quoi je parle », précise l’auteure.
Pour elle, en poésie, il n’y a pas de limite. « La poésie est libre par définition », estime-t-elle. C’est pourquoi elle apprécie le travail réalisé par sa maison d’édition, La Peuplade, qui l’a accompagnée dans son processus, sans intervenir dans sa démarche créative. Elle avait d’ailleurs envoyé le manuscrit de Béante, son premier recueil, qu’à cette maison d’édition. C’était tout ou rien. Et ce fut tout.
Une responsabilité politique et sentimentale
Malgré son départ de son village natal, la poète reste fortement attachée à ses origines. Son dernier recueil, Frayer, lui permet d’ailleurs de parler de sa région, le Lac-Saint-Jean à travers la ouananiche, à laquelle elle se compare d’ailleurs. « Comme la ouananiche, je remonte le courant, mais je finis toujours par revenir. » Comme les grandes villes ne l’attirent pas, elle demeure dans la région, ce qu’elle estime bon pour sa santé et sa créativité, en lui évitant des milieux compétitifs comme celui de Montréal.
Pour elle, le plus important, c’est de rester fidèle à soi-même. « Je sens que j’ai une responsabilité politique et sentimentale envers mon village, mais je ne sais pas comment en parler. Alors c’est comme ça que je l’exprime », estime celle qui veut à tout prix éviter les clichés sur sa culture. Ainsi, malgré certains moments difficiles, son but est de faire ressortir la lumière de ses expériences.
Marie-Andrée Gill était de passage à l’Université Laval le 11 octobre dernier dans le cadre de sa conférence « Occuper le territoire de la langue », proposée par la revue littéraire Le Crachoir de Flaubert. La prochaine conférence organisée par la revue se tiendra le 10 novembre et mettra à l’honneur l’auteur René-Daniel Dubois. Pour toute information, visitez la page Facebook du Crachoir.