Médée : Les Treize plus grands que nature

Dur défi pour les Treize : jouer une pièce écrite et récitée entièrement en alexandrins. Néanmoins, la troupe de l’Université Laval a réussi à nous servir un résultat fort convaincant.

Écrite par Pierre Corneille en 1635, Médée prend place en Grèce archaïque, après que les Argonautes (qu’on pourrait décrire comme les Avengers de la mythologie grecque) soient revenus d’un long périple. Médée, sorcière et épouse de Jason, lui-même meneur des Argonautes, apprend que ce dernier l’a laissée pour une autre : Créuse, la fille du roi de Corinthe, Créon.

Médée, folle de rage, s’introduira donc à la cour de Créon, malgré l’exil auquel celui-ci l’a obligée, pour assouvir sa soif de vengeance. À cette intrigue se greffe aussi un entremêlement de personnages qui peut rendre le tout un peu confus, quoiqu’après quelques scènes, on finit par tout comprendre.

Premier point, probablement le plus marquant : les textes en alexandrins. Après quelques minutes, le spectateur est perplexe. Nos oreilles n’étant que très peu, voire aucunement habituées à traiter des dialogues rédigés en vers de douze pieds, il est ardu d’entendre autre chose qu’un simple déballage de phonèmes dénués de sens. Par contre, après quelques minutes, on en vient à comprendre le rythme des discours et à se laisser emporter. 

Par contre, l’usage d’alexandrins ne colle pas toujours avec la mise en scène moderne de Marjolaine Guilbert. À ce point que parfois, on se questionne. Réciter des vers empreints d’une poésie plus grande que nature convient tout à fait à une oeuvre grandiloquente et mythologique. Toutefois, il est assez douteux de voir des personnages habillés dans un style mêlant classique et post-moderne déclamer « Vous n’y pouviez venir en meilleure saison / Et pour vous rendre encor l’âme plus étonnée / Préparez-vous à voir mon second hyménée ». 

Cependant, si on fait fi des costumes et des décors déteignant avec la Médée originale, le jeu des acteurs rend justement hommage aux émotions et aux cris du cœur divins que poussent les personnages de la tragédie de Corneille. Que ce soit les plaintes venant droit de l’âme de Médée, interprétée par Noémie S. Fortin, la colère effroyable de Créon, joué merveilleusement par Jérôme Pelletier ou encore l’amour tendre de Créuse, rendue par Catherine Hébert, l’essentiel d’une bonne œuvre baroque était là.

Le rythme de la pièce, quant à lui, était très bien géré par la metteure en scène, Marjolaine Guilbert. À chaque fois que le spectateur commence à voir une scène s’éterniser, celle-ci se termine juste au bon moment.

De même, quoique certains mouvements des acteurs semblent peu naturels et inutiles, l’espace réduit du Théâtre de poche est très bien exploité, faisant de Médée une oeuvre à mi-chemin entre le huis clos et la tragédie épique.

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