Nope : la tête dans les nuages

Après Get Out (2017) et Us (2019), l’acteur, réalisateur, scénariste, humoriste et producteur Jordan Peele réalise avec Nope son troisième long métrage et, pour une troisième fois, il surprend. Cette nouvelle proposition est tout aussi riche que les précédentes en thématiques et en sensations, même si l’on se retrouve parfois avec des problèmes de rythme et de narration, où tout est à la fois envoûtant à l’excès, mais aussi dans la distance, dans la lenteur de l’élastique tendu dont on anticipe la rupture qui n’arrive pas toujours. Néanmoins, malgré ses défauts, on est face à un film impactant, dense, mature et qui a tout pour marquer.

Par William Pépin, chef de pupitre aux arts

Production : Monkeypaw Productions | Distribution : Universal Pictures | Genre : Science-fiction, horreur | Réalisation : Jordan Peele | Scénario : Jordan Peele | Acteur.rices : Daniel Kaluuya, Keke Palmer, Steven Yeun | Durée : 131 minutes

La recette Peele ou l’art de l’hybridation

Sans rien dévoiler de l’intrigue de Nope, qui doit se laisser découvrir en salle et dans son entièreté, on peut néanmoins mentionner l’amour qu’a Jordan Peele pour l’hybridation des genres. Encore une fois, le réalisateur de Get Out manie à merveille la délicate porosité entre l’horreur et la comédie, entre le thriller et l’action, tout en ajoutant cette fois une bonne dose science-fictionnelle qui aura tout pour plaire aux nostalgiques du cinéma des années 80, non sans quelques détours plutôt bienvenus vers le western.

Une tempête thématique

À l’instar de ses deux prédécesseurs, Nope possède un discours social engagé sur la situation des Noirs aux États-Unis, Peele se concentrant notamment sur la question de la brutalité policière et de la surveillance. Le rapport à l’image et au mouvement est aussi très présent, voire central dans Nope, qui se veut en premier lieu un hommage au septième art. De plus, Peele réussit à arrimer plutôt efficacement d’autres thématiques à l’ensemble, comme la critique du capitalisme, la gestion des traumatismes, notre rapport à l’image ou encore l’exploitation animale. En ce qui me concerne, un deuxième visionnement sera nécessaire pour bien profiter de l’ampleur des machinations du scénario.

Alors, ce Nope : effrayant?

La peur n’est sans doute pas la première émotion qui me vient à l’esprit en évoquant ce long métrage. Certes, il y a plusieurs moments qui glacent le sang, comme certains passages tirés de faits réels aussi absurdes que monstrueux, mais l’intrigue se détache à de nombreuses reprises des procédés du cinéma horrifique pour se rapprocher davantage de ceux du thriller et du cinéma d’action. Ce qui suscite la peur dans la première heure, ce qui se cache dans la pénombre en suscitant chez nous angoisse et incompréhension finit par se dévoiler sous toutes ses coutures après le premier tiers du film, délaissant ainsi une grande part de son mystère. Une chose est sûre, c’est qu’après Nope, les nuages nous semblent beaucoup moins pacifiques.

© Crédits photo : Universal Pictures

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