Osheaga ou la démesure

Mon itinéraire de festival cette année s’est terminé avec le terrible – polysémique ici – Osheaga. Le festival du parc Jean-Drapeau fêtait son 15e anniversaire et l’a fêté en grand, en gros, (en trop ?). 120 000 spectateur.rice.s ont foulé le sol du coûteux événement au courant de la dernière fin de semaine alors qu’une centaine d’artistes ont défilé sur les six scènes. Retour sur la première journée du festival; trois, ça aurait été bien trop.

Par Emmy Lapointe, rédactrice en chef

Platine
Osheaga coûte un bras et demi. 165$ pour une passe d’une journée, 375 pour la fin de semaine, je vous laisse regarder le prix des billets or et platine. Après ça, si tu ne viens pas de la région de Montréal, il faut se loger. Et comme Longueuil et l’Île de Montréal ne regorgent pas de forêts où planter sa tente, ce sont les divans des ami.es, les Airbnb, les hôtels, les auberges de jeunesse, mais comme la ville accueillait plusieurs événements la même fin de semaine et que les touristes sont extrêmement nombreux.se.s, le prix des hébergements étaient terriblement élevés. 465$, c’est le prix le plus bas pour une chambre dans un hôtel miteux, 600$ pour une chambre dans un appartement sur Airbnb.

Comme j’ai décidé de partir sur un coup de tête, les options étaient limitées, mais j’ai pu trouver par miracle un lit dans un dorm de 6 personne dans une auberge de jeunesse près de Berri-Uqam à 95$ la nuit. Et évidemment, sur le site, on ne peut pas apporter de nourriture, il faut donc se nourrir avec les food trucks, bref, une petite fin de semaine abordable.

Excès
Entres les commanditaires de l’événement comme Coors Light et Garage et les boyz habillés de chemises à manches courtes couvertes de flamands roses, on ne va pas se le cacher, Osheaga fait un peu fast. Fast fashion, fast food, fast life, fast destruction. Après ça, j’étais à ce festival-là moi aussi et je ne vous mentirais pas, je n’y étais pas que pour le travail.

Tones and I
Je n’ai pu qu’entendre l’artiste australienne, parce que rentrer sur le site m’a pris environ une heure. Clairement, la gestion des files auraient dû se faire autrement.

Néanmoins, je pense que tant qu’à attendre sous le soleil plombant du parc Jean-Drapeau, valait mieux le faire avec Tones and I dont la pop a quelque chose d’acidulé.

The Kid Laroi
Confession : j’en ai sur mon cell. C’est pour quand mon inner child fait une crise de colère. Alors, j’étais un peu gênée de vouloir rester à sa scène pendant son spectacle, mais je l’ai fait quand même.

Les performances vocales étaient là, le malaise aussi. Je pense que voir un kid de 18 ans torse nu me parler de ses peines d’amour, ça me mettait mal.

Yeah yeah yeahs
S’il y a quelques années les tubes de Yeah Yeah Yeahs sonnaient dépassés et tout sauf intemporels, cette année, ils sonnaient un peu kitsch, et donc drôlement bons. Le charisme scénique de Karen O est indéniable.

Arcade Fire
La vraie raison de ma visite à Osheaga, c’est eux. Parce que j’ai réalisé dans les derniers mois que même si ça fait un peu white guy middle age, je pense que c’est mon groupe préféré.

Après quelques concerts terriblement mal filmés (les effets vidéos du spectacle de The Kid Laroi étaient vomissants), la scénographie a semblé devenir importante pour le spectacle de clôture du vendredi. L’utilisation de la lumière – hautement symbolique dans plusieurs opus du groupe canadien – était galvanisante. Personnage à part entière du concert, elle dictait l’ambiance et donnait de la texture au reste.

Si l’usage de Butler du mot fuck a fini par me gosser, reste qu’il a fait un travail de communication avec le public hors-pair même si, on ne se le cachera pas, le vrai porte-étendard de l’image du groupe et de son énergie, c’est Régine Chassagne.

Arcade Fire a fait une prestation de presque deux heures en revisitant oui, les morceaux les plus connus de leur répertoire, mais aussi – et c’était quand même bold de leur part – tout leur dernier album, sorti il y a quelques mois à peine. La réponse du public a été positive, comme on ne dit pas « tout le monde vibait ».

Après un album considéré « quelconque » par plusieurs, Everything Now (j’avoue avoir aimé plusieurs morceaux comme Signs of Life et Peter Pan), la formation qui a récemment accueilli un nouveau membre (Paul Beaubrun) est revenu en force avec WE. La production de l’album a été assurée par Nigel Godrich, un producteur qui a sans aucun doute aidé le groupe à se rapprocher à nouveau de ce qu’il est capable d’être. Les influences de certains morceaux sont peut-être trop évidentes; on aurait souhaité ici et là davantage d’affranchissement, mais il y a dans WE ce qu’il faut pour s’oublier le temps d’une quarantaine de minutes.

Crédits photos : Osheaga

 

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