Revue de la 8ème édition du festival Plein(s) Écran(s) (1/4)

Encore une fois cette année, les journalistes d’Impact Campus sont de retour pour vous donner leurs impressions de la quarantaine de courts-métrages sélectionnés dans le cadre de cette édition 2024 du Festival Plein(s) Écran(s). Pour les nouveaux.elles, le principe est le suivant (rien de compliqué et juste du plaisir, promis!) : à chaque jour du 16 au 28 janvier et pendant 24 heures, vous aurez la chance de pouvoir visionner une variété de courts-métrages, passant de la réalité à la fiction, des animations aux documentaires, du rire aux larmes. Vraiment, tout y est ! Et quitte à nous répéter : nous vous encourageons fortement à y jeter un coup d’œil, à partagez, vous aussi, vos coups de cœur et vos réflexions, puisque ce festival est, après tout, l’occasion idéale de se rassembler, de contribuer à la démocratisation de l’art cinématographique et à son rayonnement.

Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), cheffe de pupitre aux arts, et Florence Bordeleau, journaliste multiplateforme

Pour profiter du Festival Plein(s) Écran(s), rien de plus simple : l’événement est gratuit et disponible à toustes. Vous n’avez qu’à vous rendre sur leur page Facebook (ici) ou Instagram (ici). Vous pouvez également avoir accès à toutes les informations concernant le festival et aux courts-métrages directement sur leur site web (ici). Bon visionnement !

Mood  (tels qu’établis par le festival)

Punk, Doux, Méditatif, Weird, Intense, Surprenant, Angoissant

17 janvier – Frédérik 

À mort le bikini! (16 minutes) – Coup de coeur

Réalisation : Justine Gauthier | Mood : Punk

Synopsis : Les parents de Lili ne veulent plus qu’elle se baigne torse nu. Pourquoi cacherait-elle son torse plat alors que ses amis garçons n’ont pas à le faire ?

Avis : C’est sans grande surprise que je me suis vue attribuer une mention coup de cœur à cet (excellent) court-métrage, qui sait charmer et accrocher tant par son propos que par son esthétique s’apparentant, par moments, à ces vidéoclips de skate bien punk (!) et tout en action, reflétant en ce sens la personnalité de la jeune fille. Présenté lors de la soirée d’ouverture du festival, À mort le bikini ! montre bien l’absurdité des normes et des scripts liés à l’identité de genre et comment ce qu’on associe traditionnellement à la féminité a encore tendance à être dévalorisé (pas question d’être une fefille, ark !), sans pourtant adopter une posture moralisatrice ou accusatrice à outrance. On peut ressentir à quel point le regard des autres et les conventions sociales peuvent peser lourd : on apprend tôt que le privé est politique, que ça nous plaise ou non. Néanmoins, ce que l’on retient ici n’est pas l’entêtement ni les caprices juvéniles, mais une libération portée par désir d’être soi-même, d’habiter notre corps comme bon nous semble (parce qu’après tout, mon corps c’est mon corps, ce n’est pas le tient, tu as ton corps à toi, alors laisse-moi le mien !).

Madeleine  (15 minutes)

Réalisation : Raquel Sancinetti | Mood : Doux

Synopsis : Deux amies nées à 67 ans d’écart partagent leurs histoires de vie dans le salon d’une maison de retraite. Ensemble, elles prendront la route vers la mer.

Avis : Doux doux doux, ah oui, c’est bien vrai. Bien que le récit ne reprenne pas une structure traditionnelle de type début-milieu-fin, une amitié se dévoile à nous et elle y est touchante à souhait, en plus. La facture visuelle me semble particulièrement à point, rendant justement compte de la bienveillance qui unit les deux femmes, de la candeur de leur relation. J’ai, par ailleurs, beaucoup aimé l’alternance entre les extraits vidéos disons réels et les animations : le court-métrage donne un souffle, visuellement, aux dialogues et aux fantaisies, mais n’est pas non plus trop lourdement édité. On le sent vrai, nous montrant tout simplement la vie telle qu’elle est, parfois maladroite, un peu cocasse, mais assurément sincère. 

Médium saignant (2 minutes)

Réalisation : Marie-Esther Durocher | Mood : Punk

Synopsis : Marie-Esther vient d’arriver au Yukon. Après avoir éternué, son nez se met à saigner intensément. Paniquée, elle entreprend des choix douteux.

Avis : Je pense que ce qui m’a le plus plu en visionnant Médium Saignant, c’est l’écart entre les événements et comment ils se présentent à nous, les dimensions qu’ils prennent, comment, dans l’instant, emporté.e par l’action, on les ressent. L’anecdote racontée tout naturellement, style conversation avec un.e ami.e – un simple saignement de nez, banal quoi – se transforme presque en récit d’horreur ou de science-fiction, mais c’est cet accès aux pensées de la narratrice, cette courte plongée dans son expérience à elle qui le rend d’autant plus intéressant. Et puis, quelle chute, quel relâchement ! Satisfaisant, certainement pas prévisible et un brin loufoque (comme le reste, dans le fond!). 

Moi Soleil (12 minutes)

Réalisation : Julien Falardeau | Mood : Surprenant, Weird

Synopsis : Le destin tragique d’un amateur de bronzage s’enclenche au moment où un tournesol se retourne vers lui.

Avis :  Sans dialogue, cette fois, tout est dans le jeu corporel, dans les réactions de cet amateur de bronzage, me rappelant quelque peu l’art du mime ou la tradition clownesque. Il y a là un choix judicieux, comme ce personnage, qui se prend au sérieux tout en faisant dans l’exagération et le débordement, mêlé aux choix musicaux ou aux plans de caméra et aux zooms un peu intenses, en vient à installer une tension entre le dramatique et le comique. Cela réussit à rendre l’ordinaire de la situation, de type petite vie de banlieue, snowbird, beau petit gazon, petits flamands roses et tout le tralala, tellement plus extra. Pari réussi.

18 janvier – Frédérik 

ELEMENT (22 minutes)

Réalisation : Will Niava | Mood : Surprenant, Méditatif

Synopsis : Luttant pour gagner leur vie dans les marchés d’Abidjan, un groupe de jeunes délinquants tente de trouver de nouveaux moyens d’assurer sa subsistance.

Avis : Même si l’histoire se concentre, aux premiers abords, sur la bande d’amis et leurs idées de grandeur, ELEMENT est en fait porté par une trame de fond surpassant de beaucoup les idoles de rap, l’argent et les rêves de gastronomie française. S’ouvrant et se terminant sur des segments poétiques qui, en plus de donner le ton, ficellent habilement l’ensemble, le film de Will Niava nous prend effectivement là où on ne s’y attend pas, frappe juste au bon moment, quand ça compte vraiment, entremêlant douloureusement amour, liens sacrés et trahison. 

La Théorie Lauzon (15 minutes)

Réalisation : Marie-Josée Saint-Pierre | Mood : Méditatif

Synopsis : Portait exploratoire de Jean-Claude Lauzon, le mouton noir du cinéma québécois, à travers le parcours psychanalytique d’une relation entre père et fils.

Avis : Ce qui fait tout l’intérêt de La Théorie Lauzon, du portrait qu’il brosse et qu’il envisage, ce sont les nombreux éléments qui le composent, notamment grâce aux différentes animations qui brouillent les limites entre le réel et l’imaginaire. Grâce à sa mise en récit par fragments, le court-métrage aura permis d’aborder les filiations plurielles, leurs nœuds et ce qu’elles auraient pu être. Marie-Josée Saint-Pierre est parvenue à y faire sens, à générer un sentiment d’unité, d’aboutissement, ne perdant pas de vue le fil traversant le projet, par-delà le morcellement. 

Mamita (17 minutes) – Coup de coeur

Réalisation : Luis Molinié | Mood : Doux

Synopsis : Mamita retourne au Pérou pour le mariage de sa fille. Elle doit vite retourner travailler à Montréal et continuer de pourvoir aux besoins de ceux qu’elle aime.

Avis : Bon, je l’avoue, j’ai un peu eu envie de pleurer après avoir visionné ce court-métrage (et ce n’est ni la première, ni la dernière fois du festival). Ce qui me plaît, c’est qu’on ne tente pas de nous prendre par surprise, puisqu’on connaît déjà la fin : il s’agit plutôt de se laisser porter nous aussi, le temps de ce court séjour, par les couleurs du Pérou et ses fresques familiales, de profiter de cette fenêtre sur le beau malgré les craintes et les appréhensions, avant que ne vienne, inévitablement et malgré nous, le déchirement, la séparation, les larmes.

Soup is good food (7 minutes)

Réalisation :Alexandre Thériault | Mood : Punk, Surprenant

Synopsis : Le monde de Francis s’écroule suite à l’annonce qu’il ne dispose que de cinq minutes pour quitter son appartement et récupérer ces effets personnels.

Avis : Même si le traitement des images en noir et blanc pour aborder le sujet de la précarité, de la santé mentale et de l’isolement est, à mon avis, un choix somme tout évident, je n’ai tout de même pas ressenti d’impression de déjà vu ou de réchauffé en visionnant ce court-métrage. C’est plutôt dans le défilement et la progression des photos (parfois accompagnées d’extraits vidéo), dans la manière qu’elles ont de donner le rythme, de dire quelque chose de plus et de compléter la narration, multipliant les points de vue tantôt de l’intérieur, tantôt de l’extérieur, mais également dans l’adresse directe au public que réside l’originalité et la force du message.

19 janvier – Florence 

Bergen, Norvège (8 minutes) – Coup de cœur 

Réalisation : Alexia Roc | Mood : Méditatif

Synopsis : Hier, j’ai retrouvé l’adresse de mon abuseur dans la mémoire de mon téléphone. Je n’ai pas de nom, je n’ai pas de visage, j’ai seulement son adresse.

Avis : Je me permets d’emblée de rayer le « mood » et le synopsis : le premier ne m’a pas du tout paru méditatif (plutôt, angoissant), tandis que le deuxième en dit selon moi beaucoup trop sur le scénario. Abstraction faite de ces éléments un peu dérangeants, ce court-métrage est excessivement réussi tant dans la forme (je souligne les magnifiques plans, très originaux dans leur conception, permettant parfaitement de se représenter le flou inquiétant de l’esprit auquel peut être confronté.e une victime d’agression sexuelle) que dans le texte (parfois d’une poétique maîtrisée, alliant beauté de la langue et rudesse du sujet) ou le jeu (bien que l’œil de la caméra se concentre plus souvent sur les bâtiments que sur la comédienne). 

Les Roteuses (13 minutes)

Réalisation : Garance Chagnon-Grégoire | Mood : Punk

Synopsis : Une querelle explosive entre Philomène et Carolanne met en péril leur amitié et la prestation (peu) attendue de leur groupe punk-rock féministe.

Avis : À la jonction du rigolo, de l’absurde et du politique, ce court-métrage mettant en scène des personnages typés aux répliques acerbes explore avec ironie la scène musicale émergente au Québec et ses acteur.ices. Et si Philomène ne s’y prenait pas de la bonne manière pour exercer son influence sur la scène québécoise punk, où le sexe masculin est encore surreprésenté (un vrai « party de saucisses », diront certain.es) ? 

Oasis (14 minutes)

Réalisation : Justine Martin | Mood : Doux

Synopsis : À l’aube de l’adolescence, des jumeaux voient leur relation fraternelle s’effriter alors que l’un d’entre eux, atteint d’un handicap, reste prisonnier de l’enfance.

Avis : Me voilà encore une fois en désaccord avec le synopsis : je n’ai pas ressenti d’effritement du côté de la relation entre ces deux jumeaux ; plutôt, une tendresse grandissante, une maturité émotionnelle hors du commun. On suit avec douceur ces jeunes frères, dans l’intimité comme au skate parc. Évacuant la présence adulte, ce court propose une incursion dans la sensibilité de l’enfance où les différences ne sont pas perçues de la même manière.

Virga (24 minutes)

Réalisation : Jean-François Leblanc | Mood : Intense, Surprenant

Synopsis : Pascal est convaincu qu’une attaque est imminente en lisant la publication d’un ancien camarade de classe. Persuadé que la police n’agira pas, il décide de le rencontrer lui-même.

Avis : Ce court-métrage, bien qu’un peu plus long que les autres de la journée, passe en un claquement de doigts. Les personnages sont bien construits, avec subtilité ; on laisse filtrer juste assez d’informations, tant dans le texte que dans le jeu, pour que la chute soit à la fois plausible et enlevante. Les plans sont aussi très bien faits, reflétant avec finesse l’ambiance à la fois inquiétante et morne du scénario (le premier plan m’a tout particulièrement plu).

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