C’est le 11 décembre au soir, dans la salle de spectacle de la Ninkasi, que s’est produit le groupe de musique traditionnelle dénommé Germaine. Dans un univers dominé par les artistes du genre masculin, les cinq femmes membres du groupe veulent répandre une vision et une interprétation féminine et féministe.
Par Félix Étienne, chef de pupitre aux actualités
Réuni autour d’une table avec trois amis – tous des hommes – j’avais pris la décision largement spontanée d’assister à ce spectacle, à la suite de la recommandation d’un de ces derniers. Il faut dire qu’en tant que fan assumé de musique traditionnelle québécoise, j’avais déjà un préjugé largement favorable avant même de connaître le répertoire musical de ce groupe qui m’était encore inconnu.
Dès les premières minutes du spectacle, les cinq artistes – originaires de Montréal et pour la plupart familières des troupes de danse folklorique – nous invitèrent à découvrir un patrimoine musical traditionnel revisité au goût du jour. Les voix de Myrianne Cardin-Houde, Marie-Laurence Lamothe-Hétu, Florence Mailhot-Léonard, Mélina Mauger-Lavigne et Patricia Ho-Yi Wang forment ainsi un chœur dont la symphonie accompagnée des airs de violon joués par cette dernière, instrument omniprésent dans la musique traditionnelle, rend justice à la longue histoire de ce genre musical. Cependant, c’est ultimement l’accompagnement percussionniste du bodhrán (tambour d’origine irlandaise), de la gigue et de la podorythmie (tapage de pieds) – trois éléments très courants dans la musique traditionnelle – qui constitue la mécanique et le rythme se trouvant au cœur du répertoire musical du groupe.
Aux airs musicaux familiers à la majorité du public s’accompagnaient des paroles quelque peu réinventées avec un angle fortement féministe. Le lecteur et la lectrice ne sont pas sans savoir que plusieurs airs traditionnels de chez nous sont hélas parfois caractérisés par une vision très traditionnelle des rôles de genre. Malgré cela, les artistes n’ont pas forcément besoin de réinventer de fond en comble le répertoire parolier : plusieurs chansons traditionnelles expriment déjà depuis belle lurette des préoccupations et des enjeux typiquement féminins. Guidé par des airs familiers à ses oreilles, le public a ainsi la surprise de découvrir ces recompositions novatrices qui, on l’espère, sauront élargir l’auditoire habituel de la musique traditionnelle.
Cette intention d’un dépassement d’une dichotomie, largement simplificatrice, qui opposerait tradition et modernité se retrouve également dans l’appellation choisie par les membres du groupe. En se nommant Germaine, les femmes ont ainsi exprimé leur volonté de réhabiliter ce terme prenant souvent une connotation plutôt péjorative. Des femmes qui dirigent, qui décident, voilà cette définition que veulent s’approprier les cinq artistes qui composent le groupe.
Pour les lecteurs et lectrices qui n’auraient pas eu la chance d’assister à cette soirée musicale, le groupe a produit un album, du nom de « Y’a pas d’mal à ça, mesdames », qui est disponible sur la plateforme Bandcamp.