Du vacancier en manque de mots, édition 2018

Avec l’été qui s’en vient lentement, mais sûrement, l’imagination prend un congé bien mérité et, ce faisant, les clichés bourgeonnent. Du nombre, notons celui-ci : à chaque moment de détente estivale son livre, du hamac à la plage, par temps pluvieux ou par temps caniculaire. Impact Campus se prête presqu’à l’exercice avec ces suggestions de lecture – une liste par définition non exhaustive –, distillées de la cuvée 2017-2018, à découvrir lorsque bon vous semblera.  

Véritable phénomène littéraire depuis la sortie de son premier roman Homo Sapienne (La Peuplade, octobre 2017), l’auteure native du Groenland Niviaq Korneliussen offre une immersion rafraîchissante et protéiforme dans le quotidien de jeunes partageant ses origines. Cinq parcours se croisent au fil de ces pages au style étonnant pour une première offrande, manière de mettre en lumière tant une génération cherchant à s’affirmer qu’une communauté queer s’affranchissant de vieux tabous injustement paralysants. 

Ceux parmi nos lecteurs qui profitent de leur temps loin des bancs d’école pour cultiver un cynisme sain et ensoleillé se régaleront du plus récent roman du rappeur et écrivain Biz, La chaleur des mammifères (Leméac, septembre 2017). On y découvre René McKay, professeur de littérature tout ce qu’il y a de plus dépassé par son époque, chantre agrégé du point-virgule, divorcé et quasi étranger à son propre fils, à la recherche d’un peu d’amour et d’un peu de pertinence. Vaste chantier.   

Dans un deuxième roman généreux en rebondissements, mais néanmoins développé tout en finesse d’un court chapitre à l’autre, Miléna Babin étonne. L’étrange odeur du safran (Éditions XYZ, collection Quai No 3, avril 2018) se démarque par l’attention portée par l’auteure à ses personnages principaux, Nil, une jeune femme légèrement rustre en fugue d’un passé familial trouble, et Jacob, un restaurateur séropositif prêt à toutes les combines pour sauver sa peau. 

Trois ans après le déroutant Tas-d’roches (Prix Ringuet 2016), Gabriel Marcoux-Chabot récidive avec un projet tout aussi ambitieux, soit une réappropriation de l’univers du classique d’Albert Laberge, La Scouine (La Peuplade, janvier 2018). Dans l’une des belles réussites de la rentrée littéraire d’hiver, Marcoux-Chabot ajoute du piquant et du réalisme à une œuvre contestée lors de sa parution il y a un siècle. 

Alors qu’elle accumule les dithyrambes dans le Canada anglais et à l’international, l’écrivaine montréalaise Heather O’Neill a jusqu’à tout récemment été victime de la barrière de la langue pour prendre l’assaut du Québec francophone, faute d’une traduction de son œuvre digne de ce nom. Grâce au concours des éditions Alto et de Dominique Fortier, c’est maintenant chose du passé. Après l’excellent recueil de nouvelles La vie rêvée des grille-pain paru l’an dernier, Hôtel Lonely Hearts (Alto, février 2018) transporte le lecteur dans la métropole des années folles, spectateurs qu’ils seront de la vie tordue des jumeaux Rose et Pierrot.  

Les fanatiques de romans graphiques qui s’étaient déjà délectés de l’humour décalé et du maniement proprement olympien des jurons de Samuel Cantin dans Phobies des moments seuls et Vil et misérable seront assurément ravis par la saga Whitehorse, dont le second volume est paru en novembre dernier. L’absurde préconisé par Cantin et ses dialogues d’une efficacité telle qu’ils gagnent à être déclamés en public feront du pathétique Henri Castagnette, de sa copine Laura, et du super réalisateur Sylvain Pastrami les amours d’été que vous n’aviez jamais réclamé à personne.  

Avec Darlène (Québec Amérique, janvier 2018), Noémie D. Leclerc entraîne le lecteur dans son Montmorency natal, sur les traces d’une jeune vingtenaire s’interrogeant sur son avenir scolaire, ses amitiés, ses relations familiales. Un roman d’apprentissage en condensé qui évite tout de même la redite et le convenu en s’appuyant sur un sens aigu du dialogue juste et grinçant. À lire tout juste avant la rentrée de septembre, avec l’album du même nom d’Hubert Lenoir dans les oreilles, question de s’imprégner de l’univers du personnage principal. 

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