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[Lettre ouverte] Dans le confort de la crise

Cette lettre ouverte provient de Cédrik Verreault, étudiant en science politique à l’Université Laval.

La lutte pour la protection de l’environnement et contre les changements climatiques nous affectant tous est une lutte contre l’individualisme. Dans une société où les interdépendances fonctionnelles ont remplacé la réelle solidarité, il n’est plus surprenant de constater que les SOS de scientifiques, d’ONG et d’organisations internationales demeurent oubliés par les dirigeants d’États industrialisés.

Pas plus tard que ce mois-ci, le groupe international d’experts des changements climatiques des Nations Unies a déposé un énième rapport, incluant un résumé à l’intention des décideurs politiques, faisant la description des effets à court, moyen et long terme de ces changements. Ses 400 pages ont quelque chose de dystopique, mais ce rapport n’est pas fictif – il est rempli d’estimations scientifiques basées dans les faits. La question se pose alors : pourquoi nos dirigeants n’agissent-ils pas plus efficacement, plus rapidement contre les changements climatiques? La réponse à cette question, à cette détresse nous guettant, est difficile à accepter.

Les décideurs et les politiciens de tous les paliers agiront pour ou contre leur gré, que si la population décide d’agir elle-même en premier. Qu’attendons-nous, peut-on se demander? Crûment, nous attendons que quelqu’un le fasse à notre place. Nous déplaçons le blâme. Depuis les débuts du développement industriel et la stratification sociale qui s’en est résultée, la société occidentale a adopté une philosophie d’individualisme. Celle-ci privilégie les intérêts de l’individu à la collectivité. L’individualisme peut être politique. Les commentateurs de la politique québécoise ont tous mentionné l’aspect consumériste de la campagne électorale menant à l’élection de la CAQ de François Legault, le 1er octobre dernier. La plupart des partis ont passé plus d’un mois à promettre des politiques ciblés, pour courtiser un électorat précis, que ce soit les familles, les retraités, etc. La classe moyenne y a pris l’habitude, le premier ministre Trudeau ayant fait usage de la tactique il y a trois ans. Cette campagne-ci, le mantra était de « remettre de l’argent dans le portefeuille des Québécois ».

N’est-il pas étonnant que le parti ayant le moins parlé de la lutte contre les changements climatiques soit le parti ayant remporté l’élection? Les étudiants ne sont pas en reste, dans ce débat entre l’individualisme et le collectivisme. Le référendum pour la mise en place du LPU – une mesure écologique permettant l’usage par tous des transports en commun, décongestionnant rues et stationnements – n’est qu’un exemple d’un de ces moments où le jeune étudiant, supposément conscientisé, a à se demander : plus pour moi, ou plus pour tous?

Un « OUI » pour le LPU serait un message, quoiqu’il puisse paraître de pâle importance, à la classe politique locale, que la génération montante est prête à mettre les intérêts de la collectivité – le bien commun – en premier. D’ici là, nous sommes tous confortables sachant que la crise approche.

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