Doctorants en psychologie : Boycotter pour être rémunéré

Les doctorants en psychologie sont déterminés à entamer un boycott de leur internat dans les systèmes de santé et d’éducation du Québec à l’automne 2016. Cette situation, qui priverait les hôpitaux et les écoles de 250 internes, n’aura pas de dénouement positif tant et aussi longtemps que les doctorants ne seront pas rémunérés pour leur service.

Cette décision de boycotter les internats a été prise en novembre dernier à la suite d’un référendum organisé par la Fédération interuniversitaire des doctorants en psychologie (FIDEP).

Ce sont les doctorants de cinq universités qui vont boycotter leur internat dès septembre si les institutions universitaires et de la santé leur refusent la rémunération qu’ils demandent.

Il faut savoir que le Québec est le seul endroit en Amérique du Nord où les doctorants en psychologie ne sont pas rémunérés pour leurs services. Une situation que dénonce non seulement la FIDEP, depuis 2006, mais aussi l’Ordre des psychologues du Québec.

Cette situation est de plus en plus décriée, car comme l’explique Josiane Jauniaux, présidente de la FIDEP et doctorante en psychologie à l’Université Laval, les doctorants doivent compléter un internat d’un an qui représente 1600 heures. Ce travail exigeant et non rémunéré les empêche d’avoir une autre occupation qui pourrait leur permettre de payer leurs dépenses personnelles. Ce qui fait qu’actuellement la dette moyenne accumulée par un interne en psychologie s’élève à 10 000 $.

Les doctorants demandent donc une rémunération de 40 000 $ durant cette année, tandis que la moyenne en Amérique du Nord est de 31 000 $. Selon la doctorante, ce chiffre a été proposé à la suite d’un rapport déposé par l’économiste Henri Thibaudin, pour quantifier la charge de travail des internes et ainsi déterminer le salaire qu’ils mériteraient.

« Il a démontré que les internes faisaient 80 % du travail d’un psychologue et qu’une rémunération juste et équitable équivalait à 40 000 $ […] Il s’est basé sur les échelles salariales du secteur public, puis on a constaté que les internes en médecine avaient une rémunération de 44 000 $ et nous, on se compare beaucoup à eux, car selon le rapport, notre niveau d’autonomie durant nos internats est similaire à celui de ceux en médecine », explique Josiane Jauniaux.

Nouvelles exigences, mêmes conditions

Depuis 2006-2007, les étudiants en psychologie se doivent de compléter un doctorat pour faire partie de l’Ordre des psychologues du Québec. Pourtant, malgré ces nouvelles exigences, les hautes institutions en santé et en éducation n’ont toujours pas ajusté leurs critères de rémunération aux nouvelles conditions académiques.

La présidente de la FIDEP explique d’ailleurs que les hôpitaux ne seraient pas déficitaires au plan budgétaire, et ce, même en accordant une rémunération aux internes.

« Les internes ménagent les listes d’attente. Tous les cas qu’on peut voir à titre d’interne sont comptabilisés dans les chiffres des administrations. On est considéré comme une force de travail. C’est vrai qu’on a de la supervision, mais c’est seulement 2 à 4 heures par semaine », fait-elle savoir.

Manque de reconnaissance des psychologues?

Le long dénouement de cette situation semble envoyer également un message de non-reconnaissance des hautes institutions à l’égard de l’importance des psychologues en santé et en éducation.

« C’est ce qu’on déplore dans la situation actuelle, on remarque un manque de reconnaissance de la profession, par le fait que la prime des psychologues a été enlevée en avril […], qu’on n’accorde pas de salaire aux internes, on remarque des grandes inégalités sur le plan salarial entre les psychologues et d’autres personnes ayant fait un doctorat », affirme Josiane Jauniaux.

Celle-ci déplore aussi le manque de reconnaissance en particulier pour les intervenants en santé mentale, alors qu’elle considère ceux-ci de plus en important lorsqu’un Québécois sur cinq souffrira de troubles mentaux au moins une fois dans sa vie.

Malgré les forts appuis de la FIDEP, aucune négociation n’a été entamée jusqu’à présent avec le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, ni avec le ministre de l’Éducation, François Blais.

Toutefois, Josiane Jauniaux précise que les doctorants n’ont pas l’intention de reculer et que le boycott aura bien lieu en septembre, à moins qu’une entente ne soit conclue dans les prochains mois.

En chiffres

1600 : Nombre d’heures que les doctorants doivent compléter en un an d’internat.

10 000 $ : Montant de la dette moyenne accumulée par un interne en psychologie.

40 000 $ : Montant de la rémunération que les doctorants demandent pour l’année d’internat.

31 000 $ : Montant de la rémunération moyenne des internes en psychologies en Amérique du Nord.

80 % : Part que les internes font du travail d’un psychologue.

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