Les étudiants ont le bec dans l’eau

3000 bouteilles d’eau sont consommées sur le campus chaque jour. Cette année, le plan d’action en développement durable 2012-2015 arrive à échéance. Univert Laval, l’association environnementale de l’Université Laval, veut profiter de l’écriture du prochain plan triennal, attendu pour mai-juin, pour interdire la vente d’eau en bouteille sur le campus. Pour convaincre les décideurs, l’organisation a déposé un manifeste à l’administration de l’Université.

Dans son rapport annuel de 2014, l’Université affirme, entre autres « gestes » de nature environnementale, vouloir « favoriser la consommation responsable », « réduire la quantité de matières résiduelles » ou encore « réduire les émissions de gaz à effet de serre ».

Cependant, le groupe écologiste Univert Laval soutient que la vente de bouteilles d’eau est contre-productive. Son manifeste plaide que « produire 1 litre d’eau embouteillée requiert environ 250 millilitres de pétrole et 3 litres d’eau ». Il avance que plus ou moins 20 % des bouteilles sont recyclées. De plus, « le transport des bouteilles […] engendre des émissions de gaz à effets de serre importantes et superflues, à une époque où chaque kilogramme de CO2 émis dans l’atmosphère est de trop et que le réseau d’eau publique québécois garantit une eau de qualité à portée de main pour tous ».

« Mais il y a également des arguments d’ordre plus économique. On n’est pas d’accord que l’eau soit un produit, qu’elle soit achetable et échangeable comme ça », considère Jean-Sébastien Gauthier du groupe Univert Laval. Le manifeste détaille aussi des arguments de santé et de justice internationale.

Large appui de la communauté universitaire

Sur le dossier depuis 2010, Univert Laval a recueilli 4000 signatures pour son manifeste. Le groupe cumule de surcroît les appuis de 14 doyens sur les 17 de l’Université. Dans son texte, Univert Laval avance qu’un sondage « auprès de 850 étudiants universitaires de Québec a démontré l’intérêt de 75 % des répondants de voir l’Université Laval devenir une zone libre d’eau embouteillée. »

La CADEUL et l’ÆLIÉS ont aussi appuyé l’association étudiante. Par sa signature, la CADEUL s’engage à cesser la vente d’eau embouteillée dans ses concessions, soit le dépanneur, le Pub et les cafés Équilibre.

Univert Laval soulève aussi le fait que d’autres universités ont déjà emboîté le pas : Bishop’s University en premier, mais aussi les universités Concordia, de Sherbrooke, de Montréal, et McGill, en plus de 6 cégeps.

Une initiative appréciée par l’UL

De son côté, l’administration de l’Université apprécie le geste des étudiants. « D’une certaine façon, ce qu’on considère, c’est qu’on vise la même chose : on vise une consommation responsable de l’eau. C’est l’approche qui diffère », déclare Pierre Lemay, responsable du plan d’action en développement durable de l’Université Laval. L’approche préconisée, c’est « l’approche volontaire ». Autrement dit, l’Université privilégie la responsabilisation de l’individu dans sa société de consommation.

« Lorsque les gens changent volontairement leur comportement, ils vont y adhérer, puis après ça ils vont reproduire ce comportement pas uniquement sur le campus, mais aussi à la maison et dans les autres sphères de leur vie », juge Pierre Lemay.

Jean-Sébastien Gauthier n’est pas tout à fait d’accord. « C’est sûr que leur vision des choses est louable. Mais, c’est un peu voir les choses en rose, je pense, que de penser que les étudiants vont changer leur comportement, comme ça, d’un jour à l’autre. Nous, on pense que ça doit être imposé par le haut et on ne pense pas que c’est un si gros effort à faire de la part des étudiants que de recevoir cette interdiction-là. » Rappelons que 10 000 nouveaux étudiants entrent à l’Université Laval chaque année.

M. Lemay argue que « l’Université est là pour former des personnes, former des citoyens ». Des kiosques, conférences et journées thématiques ont été organisés pour informer les étudiants. Pour faciliter l’utilisation de bouteilles d’eau réutilisables, des becs verseurs ont été apposés sur les fontaines du campus. « L’offre d’une gourde pliable, en alternative à l’eau embouteillée, aura également fait son lot d’étudiants satisfaits », concède même le manifeste.

Par ailleurs, l’Université est en train de « mesurer, avec l’état des ventes » de bouteilles d’eau, l’efficacité de leur campagne de sensibilisation. « Si jamais on se rend compte que nos mesures n’ont rien donné, écoute, on va réfléchir à nos actions et on va sensiblement en proposer d’autres. On verra à ce moment-là »; conclut Pierre Lemay.

Consulter le magazine