2h14 aux Treize : Théâtre « ramdamesque »

Pour leur première production de l’hiver, les Treize livrent une production honnête et ludique, sans aspérité. On passe un bon moment au Théâtre de Poche, et ce, même si le projet est un peu court, d’un ton qui fleure bon l’école secondaire, sans aller plus loin.

C’est peut-être le texte, destiné aux adolescents, qui ne parvient pas à résonner au-delà de son public cible. C’est peut-être aussi le choix délibéré d’une équipe souhaitant mettre l’accent sur l’humour et la détente plutôt que sur le drame, ou la conséquence d’une mise en scène qui s’est voulu trop « adolescente » ou trop nostalgique.

Mais le matériel de base demeure : dans 2h14, les mots de David Paquet, sans sonner faux, s’envolent et s’élèvent, trop légers, souvent inconséquents. La pièce souffre d’un problème de ton et de poids : malgré ses étrangetés et ses saillies anticonformistes, le propos reste en surface, alors que l’auteur abuse des hyperboles enfantines et pose sur les enseignants comme sur les élèves un regard qui n’évite jamais les clichés — voulant peut-être, sans parvenir à nous en convaincre, les dénoncer.

Avec 2h14, on entre dans un royaume où règnent les archétypes de l’adolescence, de la jeune rebelle au drogué, en passant par le prof en burn-out, le premier de classe incapable d’interagir en société ou la jeune fille intimidée en raison de son surplus de poids. Tout est très — trop — pédagogique, digne d’une tournée théâtrale dans les écoles secondaires soutenue fièrement par le ministère de l’Éducation.

Malgré cet indéniable manque d’intensité et de tension, la pièce montée par les Treize demeure efficace et plutôt divertissante. On y suit cinq personnages, un enseignant et quatre élèves, évoluant dans la même école secondaire mais ayant chacun leurs problèmes et leurs petits dilemmes existentiels. Les diverses histoires gravitent autour d’un témoignage intriguant qui nous achemine peu à peu vers le drame : celui d’une femme-hirondelle, mère ostracisée par sa communauté, hantée par le destin de Charlot, l’un de ses rejetons dont l’ombre plane sur la pièce.

Le décor, fait de casiers, de foin et de branchages, évoque assez bien ce monde double, de l’habituelle réalité du monde secondaire à l’univers métaphorique de la femme-hirondelle. La mise en scène de Marie-Ève Chabot Lortie est dynamique, fluide et rythmée, sans temps mort ni malaise, même si les acteurs évoluent dans un registre parfois trop « ramdamesque ». Pourtant, ils parviennent généralement à éviter la caricature, offrant leurs partitions principales avec un plaisir évident et parvenant avec brio à susciter les éclats de rire. Leur tâche est grande : aux six personnages principaux s’ajoutent en effet près de soixante-dix apparitions secondaires, judicieusement chorégraphiées. La distribution est de grande qualité ; Hubert Harvey en prof de français et Andy Cerqueira en rêveur romantique tirent particulièrement bien leur épingle du jeu.

Malheureusement, le souffle manque, et bienheureux sera celui qui ressortira de la représentation riche d’une leçon nouvelle. Il faut qu’on parle de Charlot, d’accord ; il aurait cependant été possible de le faire avec plus de pertinence et moins d’évidences.

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