Photo: Julie-Anne Perreault

L’incessante exploration de Marcel Barbeau

Jusqu’au 9 janvier 2019, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) convie les amateurs d’art de la capitale et d’ailleurs à une rétrospective consacrée aux différentes périodes de l’œuvre d’un créateur marquant de l’histoire du Québec, Marcel Barbeau. Intitulée En mouvement, l’exposition présentée dans la vaste salle du pavillon Pierre Lassonde, une première en solo pour un artiste d’ici, souligne au fil de la centaine de tableaux et sculptures sélectionnées l’ampleur du travail de Barbeau, effectué entre les années 1940 et sa mort en 2016. 

«Présenter une exposition sur le travail d’un artiste québécois de grand talent nous remplit de fierté, d’autant plus que c’est l’équipe du Musée qui a initié ce projet il y a quelques années, projet qui a reçu un écho favorable auprès de madame [Ninon] Gauthier [veuve de l’artiste], affirme en guise de présentation le directeur général par intérim du MNBAQ, Jean-François Fusey. […] Je peux même rajouter, après avoir fait la visite ce matin avec madame Gauthier et madame [Manon] Barbeau, la gamme d’émotions que tout le monde va pouvoir vivre à travers cette exposition est spectaculaire. On peut passer de l’émerveillement à la joie, au bonheur, au bouleversement, à la couleur.» 

C’est effectivement un impressionnant aperçu du travail de Marcel Barbeau que nous offre cette année le MNBAQ, un mélange d’œuvres provenant de collections publiques et privés, dont certaines étaient exposées pour la toute première fois. Constamment en avance sur son temps et à l’avant-garde des grandes tendances, Barbeau, le touche-à-tout signataire du Refus global, manifeste artistique, social, politique et intellectuel qui fête cette année son 70e anniversaire et dont l’auteur, Paul-Émile Borduas, fût un mentor pour l’artiste, a expérimenté au cours de sa vie avec une variété de formes, de la peinture au collage et de la performance à la sculpture.  

Photo: Julie-Anne Perreault
Le reflet d’une grande curiosité esthétique 

L’espace de la salle d’exposition est adroitement utilisé dans un dévoilement chronologique des différentes périodes jalonnant le travail de Barbeau, chacune d’elles expliqué par de petits textes détaillés. D’entrée de jeu, le visiteur se retrouve face à la production de la période automatiste de l’artiste, dont un exemple incontournable serait Rosier-feuilles, caractérisé «par une composition dans laquelle s’estompe peu à peu la hiérarchie entre les éléments, où le regard se trouve entraîné dans le mouvement des traits qui parcourent l’entièreté de la surface du tableau».  

Après avoir exploité les possibilités qu’offraient la tache, puis le trait, en passant par des formes de plus en plus épurées, Barbeau atteignit une autre période classique de sa production, celle où, demeurant à New York et « stimulé par le brouhaha, le rythme effréné et l’éblouissement des enseignes lumineuses de la ville», il laisse sa curiosité pour l’art optique le mener plus loin que nombre de ses pairs, notamment avec Rétine optimiste ou Salute, en 1964. 

Vint ensuite les performances picturales qui peuplèrent une grande partie de son travail de la décennie 1970, de très larges tableaux, dont certains sont présentés dans la présente exposition, dont la conception résulte d’un retour à la gestualité, dans un tout incluant la danse et la musique. Suite à la période des Anaconstructions du début des années 1990, Barbeau atteint la période et l’âge des synthèses, formelles et thématiques, alors que jusqu’à la toute fin de sa vie, il produira des tableaux évoquant avec maturité et aplomb des explorations passées. 

Photo: Julie-Anne Perreault
Immersion dans l’univers musical de Barbeau 

En parallèle de l’exposition en salle, le public est invité à en apprendre davantage sur une passion ayant influencé la vie et l’œuvre de Marcel Barbeau, la musique. C’est en effet à un concert présenté en 1958 à l’Université de Montréal que Barbeau prend connaissance du travail du compositeur allemand Karlheinz Stockhausen, rencontre artistique qui informera sa propre production en arts visuels. Pour souligner cette influence marquante, le MNBAQ présente l’expérience musicale Formes instants, soit «51 instants très brefs tissés de silences colorés» qui «surgissent et créent des accords inattendus entre les œuvres et les sons», sélectionnés par le commissaire Yannick Plamondon, compositeur et professeur au Conservatoire de musique et d’art dramatique. Tout en déambulant dans la salle d’exposition, il sera donc possible, devant une œuvre donnée, d’entendre en complément d’expérience l’une des compositions offertes par des compositeurs contemporains et artistes sonores de Québec.  

Comme à son habitude, le Musée offre également, pour approfondir la réflexion sur un artiste ou l’appréciation du corpus présenté en salle, des visites commentées, visites spéciales et autres conférences et spectacles en lien avec l’exposition du moment. Ainsi, Eve-Lyne Beaudry, conservatrice de l’art contemporain du MNBAQ offrira une conférence sur l’œuvre de Marcel Barbeau ce mercredi 17 octobre à 19h30, alors qu’un entretien en sa compagnie et celle de Manon Barbeau, fille de l’artiste, sera présenté le mercredi 24 octobre à 19h30.  

Barbeau, libre comme l’art, un documentaire réalisé en 2000 par Manon Barbeau sera projeté les 14 et 28 octobre, 25 novembre, 16 et 23 décembre et 6 janvier prochains. Une visite en famille est bien sûr recommandée pour se familiariser avec le travail de Barbeau, des ateliers en tout genre étant prévus pour divertir et instruire les jeunes et moins jeunes sur la création des peintures de l’artiste, mais également ses sculptures tubulaires. Les amateurs de musique ne seront également pas en reste avec la présentation du concert de clôture du Festival international de jazz de Québec, Un homme, une femme et un saxo – un hommage à Marcel Barbeau, le samedi 20 octobre à 20h, et celle de Quand la musique inspire Barbeau, le samedi 17 novembre.

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