Spoken Word Québec : la magie de l’instantanéité

Le 29 septembre dernier, j’ai été pour la première fois ever à une soirée organisée par Spoken Word Québec à la Maison de la littérature. Vous constaterez que la tradition voulant que je fasse toujours tout passé le temps se perpétue (promis, j’arrête de m’en servir dans mes lead après cet article). À un moment dans la soirée, j’ai entendu, quelque part perdu dans l’audience, une voix s’élever pour enfin s’exprimer, avec toute l’élégance du monde : « La musique sert tellement bien le texte. Ostie que j’aime ça. » Et je n’aurais pas mieux dit.

Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), cheffe de pupitre aux arts

Vous l’aurez tout de suite compris : ce n’était pas la première soirée organisée par Spoken Word Québec. Pour celleux qui ne seraient pas familier.ère.s avec le concept, voici l’explication laissée par les organisateur.rice.s sur leur site internet :

Spoken word, pour faire ben simple c’est des textes parlés, slamés, rappés, chantés (bref ce que tu veux), accompagnés par de la musique.

Pis nous, on fait des soirées et des ateliers de t’ça, on est ben wild.

Trop cooool, je vous jure. La mission de l’organisation l’est tout autant. Effectivement, par l’entremise de leurs ateliers et de leurs soirées – je recommande fortement – iels souhaitent « faire rayonner le Spoken word dans la ville de Québec, créer un lieu de partage entre plusieurs styles littéraires où la cohésion est assurée par la musique, démocratiser la parole littéraire dans une ambiance conviviale et initier les artistes littéraires au Spoken word.  » Et, par la bande, bien du plaisir.

En parallèle, il y avait, ce 7 octobre, un vendredi de poésie TAP (Tremplin d’actualisation de poésie), toujours à la maison de la littérature. Le principe de la soirée s’approche, d’une certaine manière, de celle de Spoken Word Québec : des artistes/performeur.se.s/poètes invité.e.s, et une partie open mic, les musicien.ne.s en moins ici. Encore une fois, voici la brève description laissée sous la page de l’événement :

Les Vendredis de poésie présentent des soirées animées de façon simple mais spontanée, parfois drolatique et souvent inattendue!

Quelques points en commun, donc.

 

La poésie lue, interprétée ou performée

Parce qu’autour de la notion de performance persiste encore une énorme flou terminologique et que je n’ai pas le temps d’une thèse de doctorat – la mi-session approche, tout de même – je ne chercherai pas à établir de définition de ce qu’est la performance, ni à vous dresser une liste de caractéristiques en apparence hétéroclites. J’ai surtout envie de vous exposer très rapidement les raisons – mes raisons – qui font de la poésie ou de la littérature performée un moment unique et singulier, qui en vaut la peine, surtout. Pour reprendre les mots de la co-animatrice de la soirée de Spoken Word Québec, Virginie Lachapelle : c’est la magie de l’instantanéité.

L’instantanéité, oui, mais plus encore la simultanéité. C’est qu’essentiellement, la performance est à envisager par le prisme de tous les éléments qui la composent ensemble, dans un lieu précis, un espace-temps circonscrit, avec des performeur.se.s de tous genres, des spectateur.rice.s, des intentions, des prétextes. La performance se déroule dans et grâce à une situation donnée. Une question de circonstances, de contexte quoi.

Jeudi soir, c’était ça : une méchante belle soirée, une soirée dont la singularité réside dans le ici et le maintenant. Et quand on y assite, que nos regards attentifs, nos applaudissements, nos rires approbateurs ou alors nos placotements accompagnent et régissent d’une certaine façon ce qui est en train de se réaliser devant nous, on a l’impression de faire partie de quelque chose. Encore une fois, si je recommande à toustes d’assister à ce genre de soirée au moins une fois – dans la mesure où il y a un intérêt, une ouverture et une certaine curiosité, on s’entend – c’est que notre rôle de spectateur.rice est loin d’être passif. On fait partie d’un tout, d’une dynamique que 984826 paramètres précis déterminent. C’est inédit. Ça aussi, ça fait partie de la magie de la performance (on salut par le fait même temps le segment open mic des deux événements).

Et puis, on the side mais pas tant que ça, je me permet de relever le fait que si les soirées de poésie performée sont aussi intéressantes, c’est également grâce aux musicien.ne.s, aux performeur.se.s et aux organisateur.rice.s  de qui j’ai tout de suite senti la passion – ben oui, je fais dans le quétaine et j’abuse des commentaires entre tirets – et le désir de partager. L’ouverture à l’autre est réciproque. Dans le cas de Spoken Word Québec, l’écoute se pose presque automatiquement comme un impératif au bon déroulement de la soirée et au plein déploiement de la performance. Qu’il s’agisse du slam, du rap, d’une poésie lue ou interprétée, de passages chantés ou d’une performance hybride, on parle de bien plus que d’une simple chorégraphie apprise par coeur et rodée au quart de tour. Même chose avec les musicien.ne.s, d’ailleurs spécialisé.e.s en improvisation. Toustes les acteur.rice.s impliqué.e.s acceptent de se livrer à l’autre, de se laisser tomber dans ses bras et de le.a supporter à la fois. Iels peuvent se baser sur le contenu du texte, oui, mais pas seulement : l’intensité et le volume, l’intonation, le débit ou le timbre de voix sont tous autant de facteurs qui peuvent guider la musique et la performance, la lecture ou l’interprétation plus largement. Et parce qu’il n’est pas question d’une relation à sens unique, l’inverse peut également s’appliquer : le rythme, la mélodie, le genre musical, l’ambiance et l’atmosphère créées par la musique peuvent aussi donner le pas, porter le.a performeur.se. Il y a là une valse improvisée que l’on ne saurait sortir de son contexte et apprivoiser totalement, entrainant avec elle toustes ceux et celles se trouvant sur son passage. Spectateur.rice.s et artistes sont alors témoins, ensemble, de cet instant précieux, singulier. Ah, pis bonus, les poètes et performeur.se.s étaient toustes talentueu.x.ses. En plus, des bon.ne.s artistes, on n’en manque certainement pas à Québec.

10/10 je recommande.

* Pour les potentiel.le.s intéressé.e.s, vous pourrez retrouver Spoken Word Québec lors du Championnat des arts littéraires mixtes le 21 octobre à 20h, et ce, dans le cadre de la 13e édition du festival Québec en toutes lettres, qui se déroulera du 13 au 23 octobre 2022. Pour vous procurer vos billets, c’est ici : https://lepointdevente.com/billets/championnat-des-arts-litteraires-mixtes

 

Références :

Spoken Word Québec. Accueil. Diffusion Spoken Word Québec. https://spokenwordquebec.ca/

Maison de la littérature. Spectacles et événements. https://www.maisondelalitterature.qc.ca/programmation/vendredi-de-poesie-tap-7-octobre-2022/

 

Consulter le magazine