[DOSSIER 1/4] Crise du logement à l’UL : les résidences étudiantes, trop beau pour être vrai?

Hausses de loyer illégales, quantité «famélique» de logements disponibles, propriétaires abusif.ves Partout à travers le Québec, les étudiant.es sont parmi les victimes les plus vulnérables de la crise du logement. Impact Campus dresse un portrait, en quatre articles, de comment elle se vit à l’Université Laval.

Par Antoine Morin-Racine, chef de pupitre aux actualités, et Florence Bordeleau-Gagné, journaliste multiplateforme

On en parle depuis longtemps, la crise du logement mine la qualité de vie des personnes locataires au Québec. Dans la Capitale-Nationale, le taux d’inoccupation, mesure qui indique la quantité de logements disponibles sur le marché, peine à atteindre 1%, et le loyer moyen continue d’augmenter, à raison de 4,4% dans les deux dernières années

Pénurie d’endroits où se loger, augmentation constante du prix à payer pour les rares logements disponibles, les étudiant.es font particulièrement les frais de cette crise. Une enquête datant de 2021, menée par l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE), qui compile les données de plus de 10 000 étudiant.es répondant.es à travers le Québec, a révélé que des 245 000 étudiant.es locataires de la province, 64% allouent plus de 30% de leurs revenus à leur loyer. Selon l’UTILE, le loyer moyen d’un.e étudiant.e serait également 21% plus élevé que pour le reste de la population locataire, et aurait connu une hausse de 18% entre 2017 et 2021. 

Crédit : UTILE

Entre un marché locatif privé où les propriétaires exploitent les vulnérabilités des locataires étudiant.es, des places en résidences limitées, et quelques projets d’habitation novateurs, mais pas encore assez nombreux pour endiguer la crise, les options de logement pour les étudiant.es de l’Université Laval sont multiples, mais loin d’être idéales. La difficulté à se loger reste encore l’un des obstacles principaux à la poursuite aux études supérieures. 

Crédit : UTILE

En entrevue, Nicole Dionne, porte-parole du Bureau d’Animation et Information Logement du Québec métropolitain (BAIL), mentionne que dans la situation actuelle, une personne peut facilement se retrouver sans logement du jour au lendemain – ce qui fut d’ailleurs le cas pour une vingtaine d’étudiant.es de l’Université Laval depuis 2022.

Beau, bon, pas cher, mais en quantité insuffisante

Les résidences étudiantes de l’UL constituent une option très viable, qui est surtout considérée par les étudiant.es étranger.ères. En effet, le porte-parole de l’UL affirme que 76% des résident.es proviennent de l’international. Une petite chambre privée meublée et plusieurs aires communes, tant pour étudier, discuter, jouer au billard, cuisiner ou faire du lavage sont mis à disposition des locataires, et ce pour environ 400$ par mois.

Une chambre des résidences Ernest-Lemieux. Source : Site web de l’Université Laval.

De passage aux résidences Ernest-Lemieux, nous avons rencontré deux résident.es installé.es dans un grand salon. L’étudiante en génie agroalimentaire, provenant d’une autre région du Québec, apprécie beaucoup son expérience. Selon elle, les résidences sont très pratiques, car le bail de huit mois lui permet de rentrer dans sa famille, l’été, sans avoir à payer de loyer. Elle n’a pas non plus à s’occuper de meubler les lieux. Seuls défauts, selon elle, c’est « la propreté des aires communes qui laisse parfois à désirer, et les murs qui sont mal insonorisés ». Son ami, étudiant en foresterie, nous indique que la cohabitation entre les diverses cultures est par ailleurs harmonieuse, même si les différents groupes d’ami.es qui se forment sont rarement mixtes : « C’est une question d’horaire, je pense, et de langue. Certains, par exemple, soupent tellement tard que nous, on est couché.es à ce moment-là! Difficile de créer des liens, aussi, quand les personnes ne parlent pas français. » 

À l’automne 2023, environ 400 personnes ayant appliqué pour avoir une chambre sur le campus ont été mises sur une liste d’attente. Le taux d’occupation est donc actuellement de 100% dans les résidences. L’Université nous indique qu’il est temps pour les étudiant.es d’envoyer leurs éventuelles demandes de location pour 2024-2025. 

Pour pallier au manque de chambres, l’UL a annoncé en 2020 la construction d’une nouvelle résidence, dont l’aboutissement, originellement prévu pour 2025, a été repoussé en 2027. Le modèle sera en outre novateur, et les prix ajustés en conséquence : il s’agira d’appartements autonomes, comportant chacun leur cuisine, et pouvant accueillir des familles. Les prix estimés de ces logements meublés, oscillant entre 1600 à 1800$ par mois pour un 4 et demi, sont beaucoup trop élevés selon la communauté étudiante, interrogée à ce sujet par Radio-Canada en octobre dernier. 

Une résidence spécialement pensée pour les besoins des Premières Nations à venir sur le campus

Une résidence de 94 unités, spécialement pensée pour les besoins des Premières Nations, sera construite pour 2026 sous la supervision de la Société immobilière du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (SIRCAAQ). Il ne s’agit pas du premier projet de résidence destinée spécifiquement aux étudiant.es issu.es des Premières Nations ; en effet, le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ) en a déjà mis une sur pied à Sept-Îles, plus tôt cette année. Celle de Québec offrira des prix adaptés aux revenus des locataires, c’est-à-dire qu’ils ne dépasseront jamais 25% de leurs salaires mensuels respectifs. Le minimum est établi à 250$ par mois. Laurent Odjick, directeur général de la SIRCAAQ, souligne en entrevue que l’objectif premier est de créer une zone intime et sécuritaire pour les membres des Premières Nations qui décident d’entreprendre des études post-secondaires. Dans cette optique, un CPE et la présence d’aîné.es dans les milieux de vie se sont révélés essentiels lors des consultations préliminaires, menées auprès d’un comité composé de membres de diverses nations du territoire de Québec. Ainsi, il y aura une garderie pour les enfants et quatre studios réservés pour des aîné.es, qui habiteront à temps plein sur les lieux. L’architecture a d’ailleurs été pensée pour rappeler la nature et les animaux. Cette résidence sera située sur l’actuel stationnement du pavillon Louis-Jacques-Casault. Laurent Odjick indique que très peu d’espace forestier sera touché par le projet.

Mais en attendant ces diverses constructions, où peuvent se diriger les étudiant.es qui ne réussissent pas à avoir une chambre dans ces résidences ?

 

Cet article fait partie d’un dossier de quatre : (1/4) Les résidences étudiantes, trop beau pour être vrai ? (2/4) ; Les étudiant.es victimes des « propriétaires-investisseurs » ;(3/4) L’UTILE comme projet novateur, mais pas accessible à toustes ; (4/4) L’itinérance étudiante 

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