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[ENQUÊTE] Sodexo, cible de la grogne des étudiant.es : enquête sur les cafétérias de l’Université Laval

Qui suit la page Facebook de Spotted : Université Laval sait que les cafétérias ne font pas l’unanimité sur le campus. Le prix des plats, leur qualité et leur fournisseur sont tour à tour pointés du doigt par la communauté étudiante, surtout la multinationale Sodexo. Impact Campus a mené l’enquête pour tenter de comprendre ce qui peut mener à un tel mécontentement.

Par Camille Sainson et Florence Bordeleau, journalistes multiplateformes

Des plaintes circulent sur Spotted— page Facebook dédiée à l’expression anonyme des étudiant.es, allant des courriers du cœur aux demandes d’informations, en passant par les insatisfactions alimentaires —, et des affiches portant le message « Acheter au Sodexo, c’est financer ses prisons d’Europe. Sodexo, pas qu’une cafétéria… » sont parfois visibles au De Koninck. D’où vient cette frustration ? Et les autres cafétérias du campus sont-elles réellement plus appréciées ?

 

Sodexo, à éviter ? 

Nous ne pouvons pas le nier, Sodexo est vraiment le point de mire de plusieurs étudiant.es qui contestent vivement la place de cette multinationale à l’UL. La grande majorité du temps, les succursales de Sodexo sont en des lieux où la clientèle est « captive » (universités, hôpitaux, prisons), c’est-à-dire qu’elle n’a pas accès à autre chose, et qu’il n’y a donc pas de compétition. Faisons fi, le temps de cet article, de ce modèle d’affaires qui, pour certain.es, peut soulever des enjeux éthiques. Comment est le travail de Sodexo sur notre campus ?

Mme Lafrenière, directrice générale de Sodexo à l’UL, souligne que le développement durable et la qualité sont au cœur de ses préoccupations (volonté d’atteindre une pratique zéro déchet et standardisation de la nourriture avec le chef régional de l’entreprise). Par ailleurs, elle affirme être environ 1 $ sous le prix maximal imposé par Services Campus. Elle se dit à l’écoute des étudiant.es et suit le groupe Spotted : Université Laval de près. Ça a toutefois pris un an pour que le prix de la poutine du DKN, qui avait anormalement grimpé, redescende. Le prix de la petite poutine est ainsi récemment passé de 11,50 $ à 8,99 $. La directrice de Sodexo indique que le prix de 11,50 $ était dû à une erreur de comptabilité de la part du chef cuisinier, car en règle générale leur objectif, à l’Université, n’est pas de faire du profit sur le dos des étudiant.es, mais de s’offrir une « vitrine » de qualité dans cette institution. Malgré tout, la compagnie a un vaste projet collaboratif avec l’Université Laval pour améliorer la cafétéria du DKN. En effet, Sodexo investit 600 000$ dans les infrastructures alimentaires de ce pavillon. Cet investissement d’une entreprise privée est un peu étonnant, considérant la supposée indépendance financière des universités.

Notons que Sodexo offre un salaire compétitif à ses employé.es sur le campus : leur taux horaire oscille entre 18,70 $/h et 27,92 $/h.

Alternatives étudiantes : vraiment meilleures ?

Face au géant Sodexo, il y a deux options : les cafétérias de Saveurs Campus et celle de l’ADVE. Présentes aux pavillons Desjardins, Vandry et Vachon, elles proposent des tarifs légèrement en dessous de ceux de la multinationale.

La CADEUL que l’ADVE font face aux mêmes défis, soit maintenir des prix attractifs malgré l’inflation, éviter de vendre à perte sans pour autant faire du profit sur le dos des étudiant.es, proposer des alternatives végétariennes et des plats du jour « santé ». En bref, ces trois cafétérias doivent composer avec un budget serré tout en restant attractives.

Au niveau des prix, chez Saveur Campus les étudiant.es peuvent trouver un combo « entrée, plat, dessert ET boisson » pour 12,90 $, soit 2 $ de moins que chez Sodexo. Aurélien Gauthier, chef cuisinier, nous explique à regret : « je ne peux pas faire moins bien, pour moins cher : j’ai un standard à tenir, je fais au mieux avec les ressources que j’ai ». L’entreprise est déjà dans une dynamique « pas de gain, pas de perte ». La CADEUL donne un coup de main à Saveurs Campus grâce aux cotisations étudiantes, mais ce n’est pas suffisant pour parvenir à proposer des offres vraiment moins chères.

Et qu’en est-il du côté de l’ADVE ? Implantée au cœur du Vachon, la cafétéria est un peu plus modeste que ses concurrentes en termes de taille et d’offre. Le menu entrée-plat-dessert-boisson est à 14,22 $ — le prix est donc plus élevé qu’à Saveurs Campus. Toutefois, il faut souligner qu’elle est, elle aussi, gérée par une association étudiante et qu’elle doit faire face à l’inflation. L’association prend garde à ne pas être déficitaire, sans pour autant chercher à réaliser un profit sur ses ventes.

Saveurs Campus et l’ADVE sont deux entités proches de la communauté étudiante qui ne cherchent pas à faire de profits. Nous ne pouvons donc que souligner leurs efforts pour servir des plats « sains » dans un contexte économique défavorable, avec leur seul et unique objectif : servir la communauté étudiante, intérêts pécuniaires exclus.

Tu es ce que tu manges : mais as-tu vraiment le choix sur le campus ?

Sodexo et Saveurs Campus affirment servir en moyenne entre 100 et 150 repas du jour aux pavillons De Koninck et Desjardins, et ce, chaque jour. L’ADVE n’est pas loin derrière avec ses 70 à 85 repas. Celle du Desjardins, faite par et pour les étudiant.es, et qui est la moins chère du campus, sert majoritairement des employé.es de l’UL, puisque le Desjardins est le pavillon administratif.

Selon le sondage que nous avons mené auprès de la communauté universitaire, plus de 58 % des étudiant.es pensent qu’un repas ne devrait pas coûter plus de 10 $ (avant taxes) et, lorsque nous leur donnons la parole, ils et elles nous font bien comprendre leur opinion : « Tout est tellement cher ! Je sais qu’il y a une inflation jusqu’à la récession, mais nous sommes des étudiants et un café et muffin pour 10 $ est insensé », « il faudrait soit baisser les prix soit augmenter la qualité, car nous avons seulement accès à des produits de mauvaise qualité et hors de prix », « les prix sont ridiculement hauts, et la qualité n’est pas au rendez-vous pour le prix payé. Je préfère souvent sauter mon repas et avoir faim dans un cours plutôt que de dépenser 15 $ pour un sandwich et quelques frites », « trop cher pour si peu, TROP CHER POUR SI PEU », « baissez les prix !! », etc.

Graphique basé sur le sondage de satisfaction de l’offre alimentaire de l’Université Laval réalisé par Impact Campus.

Si Saveurs Campus et l’ADVE ne peuvent, dans les circonstances actuelles, baisser leurs tarifs, nous savons que Sodexo peut se permettre d’investir 600 000 $ pour rénover la cafétéria du De Koninck et la rendre plus alléchante pour sa clientèle – sur un total affolant de 13,6 millions de dollars. À vous de juger donc, parce qu’après tout, vous pouvez manger (à peu près) où vous voulez…!

Références
Beaudet, S.-P. (2016). Fuck le monde, Moult Éditions.

Archives d’Impact Campus à la Bibliothèque de l’UL : 27 février 1990, 20 mars 1990, 5 septembre 1990, 12 février 1991, 19 février 1991, 19 mars 1991, 21 novembre 1995.

Archives du quotidien Le Soleil conservées à la BAnQ : 22 février 1990, 3 décembre 2003, 25 février 2005, 8 septembre 2005, 16 septembre 2005, 4 novembre 2005, 20 mars 2014.

Revue Possibles, hiver-printemps 2007.

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