En route vers un baccalauréat en ligne

La formation à distance franchira une nouvelle étape à l’Université Laval. Le département de science politique planche sur une version complètement en ligne du baccalauréat en science politique.

Du jour où il entame ses études jusqu’à sa graduation, un étudiant au baccalauréat en science politique pourra ne jamais avoir mis les pieds sur le campus. Le département de science politique pose les derniers morceaux du puzzle pour rendre cette option possible dès l’automne prochain.

«Il manque trois cours pour que le programme soit complètement à distance. Le problème c’est que ce sont trois cours obligatoires», explique Pascaline Lamare, adjointe à la vice-doyenne aux études à la Faculté des sciences sociales. La version en ligne de l’un de ces cours sera offerte d’ici un an.

Le séminaire de troisième année pose également un problème en raison du style d’enseignement privilégié lors de ce cours. «On réfléchit sur les façons de le mettre à distance parce qu’il y a la composante d’interaction qui est importante. Il y a l’option de la distance synchrone», ajoute Mme Lamare. La distance synchrone désigne la capacité de réunir l’enseignant et les étudiants en même temps, souvent dans une «classe virtuelle».

L’enjeu concerne la logistique de l’offre de cours. Du moment que l’offre des cours au baccalauréat est suffisante et organisée adéquatement, un étudiant peut compléter un baccalauréat en ligne. « À partir du moment où les cours s’offrent sur une base régulière et que tous les cours nécessaires à l’obtention du baccalauréat sont offerts en ligne, la version en ligne est automatiquement lancée », confirme François Gélineau, directeur du département de science politique.

Ne pas manquer le bateau

Le département de science politique cherche présentement des méthodes pour redorer son image. Des consultations externes et d’autres auprès des étudiants ont été menées au cours des dernières sessions.

Selon le coordonnateur de l’Association des étudiantes et étudiants en science politique de l’Université Laval (AEESPUL), Nicolas Laflamme, le département entend miser sur l’une de ses forces, à savoir l’offre de cours à distance. Néanmoins, plusieurs lacunes ont été identifiées sur certains cours dont la formule se prêterait mal à une adaptation en ligne. Ces cours, souligne Nicolas, adoptent une formule interactive. Ils «nécessitent une coordination au sein d’une équipe, [ce] qui n’est pas vraiment possible dans un cours à distance, défend-t-il. Faire des travaux d’équipe à distance, c’est horrible. L’un peut être à Alma, un autre en Abitibi et un à Montréal.»

La département adopte une tendance vers le développement de l’enseignement hybride, qui intègre les technologies à l’enseignement traditionnel. Cette méthode agencerait les avantages de la formation en ligne et celle présentielle. 

« Il faut revoir nos façons d’enseigner, il faut intégrer les outils qui nous permettent de mieux enseigner la matière. Les technologies nous permettent de varier les façons de transmettre l’information aux étudiants, varier les façons pour les étudiants de s’imprégner des connaissances. […] On serait fou de manquer le bateau », ajoute François Gélineau.  

Certaines valeurs pédagogiques ne doivent pas être délaissées pour autant dans l’enseignement en ligne, rappelle Éric Martel, directeur adjoint de la Formation à distance. « L’encadrement de l’étudiant à distance, c’est vraiment ça qui est fondamental. Le meilleur cours à distance peut être mis à terre si l’encadrement n’est pas présent », précise-t-il.

1 bac, 2 diplômes?

«Absolument pas», répond Pascaline Lamare, questionnée si le baccalauréat en ligne créerait un écart entre un diplôme obtenu après avoir suivi une formation complètement en ligne et une autre ponctuée de cours en classe. « Les exigences de validation du cours sont les mêmes qu’on suive le cours en classe ou en ligne », ajoute-t-elle.

Le coordonnateur de l’AEESPUL ne partage pas tout à fait ce point de vue. Selon lui, «tu peux moins développer toutes les compétences exigées d’un étudiant universitaire pour le préparer pour le milieu de travail ou les études supérieures dans un cours à distance.»

Pour le président de la CADEUL, Thierry Bouchard-Vincent, même si bien des activités qui ont lieu sur le campus ne sont pas créditées, elles demeurent pertinentes dans la formation de l’étudiant. Il mentionne la capacité de travailler en équipe et de communiquer à l’oral.

Le directeur du département se veut toutefois rassurant. « Je ne suggère absolument pas de retirer les professeurs en chair et en os des classes, mais bien de mieux exploiter l’ensemble des ressources à notre disposition pour l’enseignement », explique M. Gélineau pour rappeler qu’il ne s’agit pas d’une mesure pour diminuer l’offre de cours en classe au profit de celle en ligne. À cet égard, l’Université Laval demeure une institution bimodale à prédominance présentielle, c’est-à-dire qui combine la formation en classe et à distance, en privilégiant les bénéfices de l’enseignement en classe. 

La CADEUL remet aussi en question la vision de l’Université sur la question de l’équivalence. D’après son président, un cours à distance peut équivaloir à un cours présentiel. Or, il n’en est pas de même d’un programme entier. «C’est une chose de dire qu’un cours à distance égale un cours en classe, mais on n’est pas prêt à faire la même relation entre un programme à distance et un programme en classe», mentionne-t-il. Contrairement à celle de l’Université, la CADEUL se défend d’adopter une approche «macro» où l’association évalue les impacts sur la communauté et la formation en général de la formation en ligne.

L’UL offre plus de 800 cours en ligne à l’heure actuelle, ce qui représente une offre supérieure de celle de la TELUQ, dont le mandat est la formation en ligne.

Un enjeu de financement?

«La formation à distance, normalement et si elle est bien faite, demande des coûts de déploiement assez significatifs», explique Thierry Bouchard-Vincent. Des économies d’échelle à long terme peuvent être enregistrées, selon le président de l’association, mais il reste qu’une mise à jour du contenu des cours s’impose. Cette exigence nécessite des ressources financières et humaines.

Alors que l’Université Laval cible une augmentation de l’effectif étudiant pour obtenir un financement plus élevé, elle critique cette méthode qu’elle ne juge pas «viable», explique le président de la CADEUL. L’association suggère à cet égard un financement par cohorte, indépendant du nombre d’étudiants.

Sur cette question du financement, l’Université Laval explique qu’elle «priorise la qualité de la formation et de l’enseignement, et ce, peu importe le contexte budgétaire.»

Bien que l’UL offre déjà plusieurs microprogrammes et certificats uniquement en ligne, il s’agira du premier baccalauréat en ligne de la Faculté des sciences sociales. Selon les informations disponibles sur le site de la Formation à distance, le baccalauréat en informatique offre aussi une version uniquement en ligne.

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