Photo : Henri Ouellette-Vézina

Retour sur la grande manifestation contre le racisme, à Montréal

Près de 5000 personnes s’étaient réunies dans les rues de Montréal dimanche pour dénoncer toutes les formes de racisme partout à travers la province. C’est une « escalade des propos islamophobes et haineux » depuis l’attentat à la mosquée de Québec qui aurait poussé le comité organisateur à tenir ce grand rassemblement.

En collaboration avec Frédérick Durand

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Loi 62 sur la neutralité religieuse du gouvernement Couillard, égalité des hommes et des femmes, homophobie, islamophobie, racisme, terrorisme, violence policière ou encore accessibilité à l’emploi : les enjeux que les militants ont abordé et scandé avec la foule étaient nombreux, le temps d’une marche de 14h à 15h.

Pas moins de 160 organismes communautaires ont répondu à l’appel du comité organisateur, avec à sa tête une dizaine de militants anti-racistes, pro-féministes ou encore issus de la communauté LGBT+. Sur place, Impact Campus a rencontré l’un d’eux, Jaouad Laaroussi, un doctorant en histoire à l’UQAM, spécialisé en histoire des mouvements sociaux et de l’État québécois au 20e siècle.

« On était un peu inquiets de la situation depuis quelques mois, à voir la manière dont les gens se comportent avec les musulmans, par exemple, dit le jeune porte-parole. On voyait, simultanément, qu’il n’y avait pas vraiment d’espaces pour dénoncer ces injustices sociales. »

Le but du rassemblement était en fait, selon lui, de réunir tous ces groupes sociaux du Québec « qui luttent sur tous les fronts, tantôt contre l’austérité et la hausse des frais de scolarité, tantôt sur l’homophobie ou l’islamophobie », puis de les faire converger vers un seul enjeu commun qui touche tout le monde, celui du racisme.

« On s’est dits que ça valait la peine de rejoindre toutes les associations déjà habituées à s’impliquer, à revendiquer, puis à s’unir pour montrer que le plus grand défi, c’est ça et qu’on est tous là », ajoute le diplômé du 3e cycle.

Sentiment d’unité

Que reste-t-il d’une manifestation comme celle de mercredi ? Des photos, bien sûr (voir bas de page), mais surtout des bilans et des constats. Le premier d’entre eux que fait l’organisation, c’est d’être parvenu à attirer autant de personnes de tous les âges. Certes, les jeunes semblaient majoritaires, mais de nombreux manifestants dépassaient la moyenne d’âge.

« C’est l’une des choses sur lesquelles on peut le plus se féliciter, je pense, d’avoir créé cette unité dans le contexte où nous sommes tous différents, avec nos valeurs et nos opinions, poursuit Jaouad Laaroussi. On pense que c’est la plus grande force qu’on aurait pu avoir face à la banalisation des discours de l’extrême-droite. Se tenir ensemble, ça envoie le message que l’oppression, on ne la tolère pas au Québec. »

Un souci tout particulier a été attribué à la sécurité, lors de cette manifestation, pour permettre aux jeunes enfants et aux familles de s’y rendre sans craindre des débordements. Une centaine de policiers étaient déployés sur place pour suivre la foule jusqu’à la Place du Canada.

« On a essayé d’aller dans divers milieux, et ça prend pour ça un événement pacifiste, qui se déroule dans le calme, ajoute en ce sens le militant. On a réussi à toucher beaucoup de personnes, d’une manière ou d’une autre, avec cet objectif-là je crois. »

Samedi soir, la veille de la manifestation, la statue de John A. Macdonald a toutefois été vandalisée et couverte de rouge au cœur de la Place du Canada. Un signe de désaccord envers les politiques coloniales du Canada actuellement. Les organisateurs du rassemblement ont toutefois confirmé aux médias que le geste commis n’avait rien à voir avec leur événement.

Continuer la lutte

Pour le porte-parole, la lutte est loin d’être terminée. La manifestation du 12 novembre ne règlera pas le problème. « Il y a toute une lutte qui doit se faire au niveau des discours, essayer de remettre en question certains narratifs très présents de l’extrême-droite, notamment sur la question de la dépossession du Québec », explique Jaouad Laaroussi.

Le porte-parole estime que le Québec doit revenir sur les luttes qui l’ont marqué. « La lutte contre l’austérité libérale, revenir sur les guerres impérialistes, contre les guerres en Irak », donne-t-il comme exemple. Pour changer les choses, le doctorant en histoire à l’UQAM croit que l’on doit viser les gens au pouvoir, « les gens qui nous ont emmené dans la situation où nous sommes actuellement. »

Les groupes antiracismes doivent aussi lutter contre la personnalisation de l’histoire québécoise. Pour combattre cet enjeu, le Québec doit faire de l’éducation populaire et éviter d’offrir toute plateforme à l’extrême-droite. « Il ne faut pas banaliser des discours qu’il y a à peine dix ans, on n’aurait jamais laissé pénétrer dans l’espace public. »

Le 25 novembre prochain, Storm Alliance et la Meute organisent une manifestation pour dénoncer la consultation sur le racisme systémique organisée par le gouvernement Couillard. Les organisations anti-racistes et anti-fascistes se regrouperont aussi pour faire barrage aux groupes d’extrême-droite. « Il y a beaucoup de gens qui veulent organiser une contre-manifestation populaire. Nous, on veut les soutenir », affirme le porte-parole de la manif du 12 novembre.

Sur les campus

Actuellement, des mouvements extrémistes comme La Meute ou Storm Alliance cherchent à avoir une présence dans des lieux très concentrés, aux dires du porte-parole. Ce dernier rappelle que, dans les réseaux universitaires, la meilleure manière d’y répondre est l’éducation et l’information.

« Il y a des groupes qui essaient de faire de l’affichage en ce moment, mais heureusement, on voit très bien que la majorité des étudiants sont inquiets et assez défiants face à cela, exprime-t-il. Tout de même, il faut déconstruire le discours et essayer de montrer ce qui est de l’ordre du mensonge. »

Le plus important chez les jeunes selon lui : ne laisser aucune plateforme qui soit légitime sur les réseaux sociaux à l’extrémisme. « Il faut bloquer toutes les issues en ligne, les porte d’entrées sur le recrutement, croit-il. Pour y arriver, on peut, par exemple, en parler dans nos assemblées générales d’associations, dans une perspective de phénomène et non d’hommes de pailles à abattre. »

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