Lucy Grizzli Sophie, la vengeance est un plat qui saute au visage

Lucy Grizzli Sophie, adapté de la pièce La meute écrite par Catherine-Anne Toupin, rassemble à nouveau les comédien.nes qui avaient incarné les personnages sur les planches du Théâtre La Licorne à partir de 2018, mais cette fois, avec le regard neuf d’Anne Émond.

 Par Emmy Lapointe, rédactrice en chef

Réalisation : Anne Émond | Scénario : Catherine-Anne Toupin | Musique : Martin Léon | Interprètes : Catherine-Anne Toupin, Guillaume Cyr, Lise Roy, Marjorie Armstrong

Sophie est une femme traquée, traumatisée. Cherchant à fuir sa réalité, elle atterrit dans un B&B à des centaines de kilomètres de chez elle. Elle y est accueillie par Martin, qui occupe les lieux avec sa tante, Louise. Au fil de soirées bien arrosées, les langues se délient et une troublante complicité se profile entre l’homme et la voyageuse… Et si la présence de Sophie dans ce bled perdu n’était pas si fortuite?

Le noir, le blanc, le gris

Le film alterne les plans très lumineux et très sombres, rarement entre les deux, ce qui contribue, avec la musique de Martin Léon, à tisser une ambiance inquiétante. C’est cette ambiance lourde de non-dits qui sert de terreau aux thématiques des groupes masculinistes et aux violences numériques comme la revenge porn notamment. Ces sujets trouvent dans Lucy Grizzli Sophie une construction qui évite le manichéisme en ce que la violence se révèle chez des personnages somme toute attachants.

Dans la cinématographie d’Anne Émond, il n’y a pas que les jeux de lumière qui sont réussis. Il y a aussi quelques plans tantôt mouvants, tantôt aériens (ceux de la danse nocturne extérieure en particulier). Autre point fort sur le plan visuel : les éléments liés aux ordinateurs et nécessaires à la compréhension du récit sont bien dosés.

Toutefois, le récit souffre, par moment, d’une précipitation dans le dévoilement d’informations, nous dérobant quelque peu le plaisir de la déduction. De même, la relation entre certains personnages, entre Sophie et Martin surtout, trahit une dissonance au niveau des dialogues qui pourrait émaner du passage du texte théâtral à l’écran. Le film explore aussi discrètement la question de la solidarité féminine qui semble le seul lieu de réconfort du récit, mais on aurait peut-être souhaité que cette exploration soit plus profonde.

Malgré ces quelques fausses notes, Lucy Grizzli Sophie témoigne de la polyvalence d’Anne Émond et de son œuvre qui refuse de se laisser enfermer dans un style ou dans un genre.

Crédits photos : Alex Fournier

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