Pour une défense du populisme

Le discours populiste est souvent considéré par les médias traditionnels occidentaux comme un danger pour la démocratie. Il faut aussi remarquer que le populisme de droite est plus souvent décrié que le populisme de gauche, car selon David Laycock de l’Encyclopédie canadienne, le populisme est souvent considéré comme une idéologie de droite (Laycock, 2009). Mais le populisme, qu’il soit de gauche ou de droite, est-il vraiment dangereux ou à proscrire ?

Par Nicolas Drolet, journaliste collaborateur

D’abord, il importe de définir ce qu’est le populisme. Selon Laycock, « le populisme est une idéologie et un mouvement politique qui promeut l’idée du “peuple”, en opposition à une élite établie » (Laycock, 2009). Le populisme est donc une façon de faire de la  politique ; il peut ainsi être de droite comme de gauche. Afin de comprendre un peu plus concrètement comment se joue le populisme dans le quotidien politique, étudions quelques exemples nord-américains. Le discours populiste le plus courant est celui qui s’oppose aux élites économiques. C’est le populisme qu’on qualifie d’économique ou de protestataire. Au Canada comme aux États-Unis, les partis de gauche et de droite l’utilisent à des fins électorales.

Bien qu’il soit fréquent, pour des partis majeurs ou seconds, de reprocher aux partis de droite de faire preuve de populisme, il faut dire que tous les partis y font appel. Au Canada, c’est le Parti conservateur (PCC) qui est le plus souvent associé au populisme ; en 2022, lors de la conférence au Canada Strong and Free Network, Stephen Harper, ancien chef du PCC et ancien premier ministre, a avoué que ce parti faisait et fait toujours preuve de populisme. Il est d’ailleurs souvent reproché au PCC de faire preuve de populisme, notamment par le Parti libéral du Canada (PLC). Pourtant, selon The Hills Times, un journal d’Ottawa, le PLC lui-même a déjà tenu un discours populiste, économique entre autres et, ce, sous la chefferie de Justin Trudeau. De son côté, le Nouveau Parti démocratique (NPD) aurait, lui aussi, une tradition de populisme surtout envers les entreprises, considérées comme les élites économiques (Laycock, 2009). Par exemple, lorsque Jagmeet Singh dit s’en prendre aux « entreprises avares », il s’agit d’un discours populiste qui s’inscrit contre les élites économiques faisant partie de l’establishment. Les partis utilisent ainsi le populisme comme outil pour augmenter leurs gains électoraux. Cependant, le populisme au Canada connaît des dérives. Pensons par exemple au Parti populaire du Canada, fondé en 2018 par Maxime Bernier, qui, pour attirer des votes, a adopté des positions extrêmes, notamment sur l’immigration.

Si nous regardons de l’autre côté de la frontière, nous pouvons observer des similitudes. En effet, il est souvent reproché aux républicains de faire preuve de populisme, particulièrement lors de l’élection de Donald Trump en 2016, ce qui n’est pas faux. En revanche, il possible de remarquer des stratégies électorales semblables dans les discours des membres et des élu.es du Parti démocrate qui, pour se propulser au pouvoir, ont utilisé le populisme. Selon American Prospect, un journal près des intérêts de la gauche américaine, Obama aurait utilisé la colère des gens touchés par la crise financière de 2008 afin de se faire élire président des États-Unis (Borosage, 2008). Dix ans plus tard, lors d’un discours à la chambre de commerce de Montréal, l’ancien président a tenu des propos moralisateurs mettant en garde contre le populisme, ce qui a été mis en lumière par Time Magazine (Kilpatrick, 2017). Cependant, l’exemple le plus frappant de la dérive possible du populisme est la tentative des partisan.es de Donald Trump, le 6 janvier 2021, d’entrer au Capitole pour renverser le verdict de l’élection présidentielle de 2020, remportée par Joe Biden, alors que le Sénat était en train de valider les résultats.

Il faut donc retenir que le populisme n’est pas ancré à droite ou à gauche. Il n’est pas nécessairement mauvais malgré sa connotation. Il est normal qu’il soit utilisé par la majorité des acteur.ices politiques partout dans le monde, puisqu’il s’agit d’une stratégie qui permet d’atteindre un plus grand nombre d’électeur.ices. On peut voir le populisme comme une médication : bien dosé, c’est efficace, mais quand on ne respecte pas la posologie, ça peut être dangereux.

Références

Borosage, R. (2009). Populism rising. The American Prospect.  https://prospect.org/features/populism-rising/

Kilpatrick, R. (s. d.). Barack Obama Warns Against the Rise of Populism During a Speech in  Montreal. Time Magazine. https://time.com/4808664/barack-obama-canada-montreal-populism/

Laycock, D. (2009). Populisme. Encyclopédie canadienne. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/populisme

Nichols, G. (2023). Trudeau the populist? The Hill Times.  https://www.hilltimes.com/story/2023/09/28/trudeau-the-populist/398352/

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