La force d’attraction du milieu des affaires

Le budget fédéral des conservateurs, présenté en janvier, a été largement critiqué dans les milieux universitaires du fait du peu d’argent investi dans l’éducation post-secondaire. Cette affirmation n’est pas tout à fait vraie, puisqu’en l’étudiant de plus près, force est de constater que les conservateurs projettent d’injecter plusieurs dizaines de millions de dollars pour les étudiants des deuxième et troisième cycle. Ainsi, au cours des trois prochaines années, à partir de l’exercice de 2009-2010, le gouvernement Harper versera 87,5 M$ supplémentaires dans le Programme de bourses d’études supérieures du Canada. L’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) obtiendront chacun la somme de 35 M$, tandis que le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSHC) percevra 17,5 M$.

L’objectif avoué des conservateurs est de «développer [la formation d’] une main-d’œuvre hautement qualifiée», prioritairement dans le milieu des affaires. Même les sommes versées au CRSHC devront être orientées vers des «diplômes liés aux affaires». Ainsi, la vision que les conservateurs ont des programmes universitaires supérieurs se limite à la plus-value économique que représenteront les futurs travailleurs canadiens qui en sortiront. Les avancées sociales et humaines que certains programmes apportent à la société, tels la sociologie, l’ethnologie ou l’anthropologie, ne semblent pas être fondamentales pour le gouvernement Harper. Devons-nous nous attendre à la disparition de certains programmes d’étude par le sous-financement chronique de leurs cycles supérieurs et du peu de retombées économiques résultant de leurs recherches? Plusieurs chaires de recherches dans le domaine des sciences sociales et humaines connaissent déjà des difficultés financières en raison du rejet de leurs demandes de bourses auprès du fédéral.

Le gouvernement s’insinue une nouvelle fois dans les affaires universitaires, en orientant indirectement les sujets de recherches des cycles supérieurs et en favorisant une certaine tranche de la population estudiantine au détriment d’une autre, créant des inégalités dans la répartition des ressources financières et l’ombre d’éventuelles tensions inter facultaires.

Après l’éducation, les arts
Déjà fortement critiqués lors des élections fédérales d’octobre dernier concernant les différentes coupures budgétaires en culture, les conservateurs, par la voix du très volubile député de la Haute-Saint-Charles Daniel Petit, ont exprimé tout le mépris qu’on leur connaît à l’endroit des artistes. M. Petit a déclaré, lors d’une entrevue avec le quotidien Le Soleil que l’argent versé par le fédéral, «c’est 2 G$ que vous et moi et tous les travailleurs envoyons pour permettre aux artistes de nous distraire.» Nous distraire ! M. Petit se croit-il encore à la cour du roi de France où les artistes, ou plutôt les saltimbanques, donnaient des représentations pour dérider les monarques? Comment peut-on limiter l’apport sociétal des artistes, et de l’art en général, à un simple amusement? Même si, par la suite, les conservateurs se sont officiellement dissociés des propos de leur député, il est difficile de ne pas penser que M. Petit a exprimé tout haut ce que le parti de Stephen Harper pense tout bas. Comment justifier sinon l’absence de députés conservateurs à l’événement Québec horizon culture? Étaient-ils enrhumés, en voyage à l’étranger ou bien leurs horaires étaient-ils trop chargés? Difficile de savoir. Cette déclaration de M. Petit peut nous donner un début de réponse : «On augmente des budgets, mais on n’est pas tellement copain-copain avec les artistes. C’est plutôt une job du Bloc, ça. C’est pas nous, là.» Sans commentaire…

Rappelons que M. Petit n’en est pas à ses premières déclarations controversées. En 2006, après la fusillade de Dawson, il avait tenté d’établir des liens entre cet événement et les soi-disant problèmes d’intégration des immigrants. En août 2008, il avait blâmé le Bloc québécois pour les violences qui ont suivi la mort de Freddy Villanueva à Montréal-Nord, en affirmant que si le Bloc québécois ne s’était pas opposé continuellement aux projets de loi des conservateurs en ce qui a trait aux sentences criminelles, la situation aurait peut-être été différente.

M. Petit est le digne représentant de l’idéologie politique conservatrice, dont le seul intérêt est la visée mercantile de la société, marchandant autant le savoir que la culture. Pour autant, la population canadienne ne donne pas l’impression d’être excédée par les décisions injustes et les déclarations froides d’un gouvernement «pragmatique», dixit M.Petit, mais bien loin des réalités vécues par la majorité de ses citoyens.

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