Prévoir 2010

L’économie amorce difficilement l’année au Canada et au Québec. Des pertes d’emplois majeures et l’alourdissement du déficit commercial font la manchette depuis quelques semaines. Le Québec, qui résistait à la crise, commence à faire face aux suppressions d’emplois avec 18 000 mises à pied en février. Monique Jérome-Forget déposera jeudi son budget sur un fond de marasme économique que les libéraux n’avaient pas prévu.

Les inquiétudes sont élevées par rapport au budget de cette semaine. La spéculation sur les mesures que le gouvernement adoptera, le décevant discours inaugural de Charest et la possibilité d’un déficit font angoisser tant les économistes que les groupes de revendications. Pendant la dernière campagne électorale, les libéraux maintenaient que le Québec éviterait la crise et avaient proposé des mesures en conséquence. Il serait incohérent que le budget contienne les mêmes éléments que la plateforme électorale libérale, car le contexte a changé. Le gouvernement doit avoir un plan si les choses vont plus mal que prévu.

Les partis d’opposition clament, avec raison, l’urgence d’agir devant la crise qui s’intensifie, mais ignorent qu’il y a peu de chose à faire à court terme. Il faudra attendre pour que les répercussions du budget se fassent sentir. Les mesures fiscales ont un impact un an plus tard et les investissements en infrastructure prennent des mois avant de se concrétiser en chantiers. De plus, il est risqué d’investir dans de nouvelles structures dans un climat de déséquilibre budgétaire, car ces investissements alourdiraient les futurs budgets d’entretien.

Ben Bernanke, président de la banque centrale américaine, prévoit que la reprise devrait commencer début 2010. Cette prévision est partagée par la plupart des économistes. Les pertes d’emplois au Québec sont essentiellement dues à une baisse de nos exportations; une reprise américaine signifierait donc une sortie de crise pour la province.

Dans ce contexte, un budget responsable devra prévoir l’après-crise et avoir une vision à plus long terme. Aux États-Unis, en Europe et même en Chine, des sommes colossales sont injectées pour développer les secteurs d’avenir. Si le Québec ne veut pas perdre sa compétitivité, il devra penser à l’économie de demain. Énergies vertes, biotechnologies et autres technologies de pointe doivent être poussées de l’avant. L’éducation doit devenir une priorité et les jeunes en difficulté d’apprentissage doivent avoir le soutien nécessaire.

Selon la plupart des observateurs des milieux scientifiques, économiques, financiers et écologiques, le réchauffement climatique est le plus important défi auquel la planète est et sera confrontée. Un budget responsable ne devrait pas mettre de côté les impératifs environnementaux, même dans un contexte difficile. Certaines rumeurs laissent présager que le gouvernement supprimera du budget 2009-2010 le remboursement partiel de la TVQ à l’achat ou à la location d’un véhicule écoénergétique. Ce genre de décision, bien que permettant d’équilibrer un budget, va à l’encontre d’une saine vision de l’avenir économique.

L’opposition politique comprend mal la crise. La vision idéaliste du Parti québécois est d’injecter de l’argent instantanément dans l’industrie manufacturière, et ce, sans hausser les tarifs. Le Parti libéral, quant à lui, semble avoir une vision restreinte de l’économie. Le budget qui sera déposé jeudi est capital, car il sera le budget de transition entre la crise et la reprise. Les politiques auront un effet majeur sur notre avenir, car ils poseront les piliers de notre économie
de demain.

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