À jamais, pour toujours

«Jamais». «Toujours». On ne peut pas comprendre le sens de ces mots avant d’être confronté à la mort d’un proche. Plus jamais la personne ne sera là, plus jamais elle ne reviendra. L’absence pour toujours, les questions en suspens pour toujours. L’infiniment douloureux dont on ne voit pas la fin, ce vide qui nous accompagne chaque jour.

Avant de se pencher sur la commission Mourir dans la dignité, Impact Campus a exploré un autre débat : le choix de faire naître ou non un enfant handicapé. Le gouvernement Charest a instauré un programme de dépistage prénatal pour la trisomie 21 en juillet dernier. Dans un touchant article, Catherine Dulude a rencontré une famille ayant un enfant souffrant de cette malformation chromosomique.

Le choix d’élever un enfant lourdement handicapé mentalement ou physiquement comporte plusieurs «pensez-y bien». Je me rappellerai toujours d’un jeune souffrant d’une maladie dégénérative le clouant à sa chaise roulante. «Si ma mère avait pu savoir, j’aurais préféré qu’elle ne me fasse pas naître. C’est trop douloureux de voir la vie que je ne pourrai jamais avoir», avait-il avoué.

Impuissante devant sa souffrance, je regardais ce petit bonhomme si grave en son début d’adolescence. Il n’y a rien de plus dérangeant que d’entendre quelqu’un souhaiter la mort. Cette pensée contre la nature, à l’encontre du si fort instinct de survie, prouve qu’un être souffre au delà de la limite du tolérable.

Dans les manchettes cette semaine, il y a eu la mort de ce trisomique 21 d’âge adulte, mort de n’avoir pu prendre soin de lui-même après le décès de son frère. Cela nous ramène à cette question : qui prendra soin des handicapés lorsque leurs aidants naturels ne pourront plus le faire?

Cela devrait être un devoir de société que de s’occuper des plus démunis. Mais ne nous mentons pas. Déjà que la majorité d’entre nous allons «parker» nos parents dans des centres d’accueil, allons-nous vraiment nous occuper de déficients intellectuels que nous ne connaissons pas?

De là à choisir d’avorter systématiquement les enfants lourdement handicapés mentalement, il y a un pas immense. La vie est un droit dès le moment de la création. Mais il y a aussi le devoir de responsabilité à l’égard de ces humains plus demandant que la normale.

Le deuil du néant

Le deuil prend du temps. Avec l’avortement ou les fausses couches, c’est encore plus complexe. Lorsque l’enfant n’est jamais né, comment peut-on en faire le deuil? Sans images, sans souvenirs concrets, le bébé à naître a tout de même grandi dans l’imaginaire des parents. Alors que d’autres utilisent l’avortement comme moyen de contraception, certains parents ont apposé des rêves au fœtus, des aspirations, des qualités, des défauts, des projections de leur future vie familiale. Et puis plus rien. Un ventre vide, une chambre d’enfant inhabitée, un gouffre intangible pour les autres.

Naître ou ne pas naître? Avoir un enfant qui ne pourra jamais grandir avec les autres ou le laisser s’épanouir dans notre imaginaire? Accepter l’interruption d’une vie dans notre ventre ou accepter les sacrifices nécessaires pour élever cette progéniture différente? Ne pas sacrifier une partie de sa propre vie ou sacrifier celle de l’enfant à naître?

Exergue :
« De là à choisir d’avorter systématiquement les enfants lourdement handicapés mentalement, il y a un pas immense. La vie est un droit dès le moment de la création. Mais il y a aussi le devoir de responsabilité à l’égard de ces humains plus demandant que la normale. »

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