Que cesse la dépendance québécoise au pétrole, dit QS

Le pétrole s’appelle « or noir » pour une raison : il est très précieux et est vital pour le fonctionnement de notre économie. Mais certains aimeraient mieux qu’on se sépare de cette dépendance et qu’on trouve collectivement des solutions à ce problème. C’est notamment le cas de Québec Solidaire (QS), qui a offert un plaidoyer à ce sujet le 28 janvier dernier au Club social Victoria. 

Pierre-Guy Veer

Amir_Khadir« Il est essentiel de dépasser le capitalisme, de questionner sa pérennité si on veut se sortir de la crise. On doit également remettre en question notre modèle de croissance actuel, » affirme Amir Khadir, député de Mercier pour QS.

À ce sujet, il reproche à Équiterre d’avoir proposé des changements en se basant sur l’économie actuelle, qui est responsable, selon lui, des changements climatiques que nous connaissons et qui dépend encore du pétrole. Les villes et les citoyens devraient plutôt se tourner vers Munich, dans le sud de l’Allemagne, pour voir à quoi ressemble une collectivité qui s’est prise en main et a évité « le hasard des intérêts particuliers. »

Densifier les villes

« Bien que la ville [Munich] soit devenue riche grâce à BMW, elle a un réseau de transport en commun très fiable; son métro est quatre fois plus étendu que celui de Montréal, bien qu’il ait été inauguré un an plus tard et que la population soit semblable, souligne M. Khadir. Là-bas, aucun développement résidentiel ne s’effectue sans qu’un service de transport en commun ne soit présent à moins de 200 mètres.

« C’est exactement ce qu’il nous faut : un État pour planifier et surmonter les intérêts économiques. Et c’est ce que nous proposons à QS, avec notre plan vert qui plaide pour une densification des villes avec le transport en commun afin de rapprocher les gens du travail, » poursuit-il.

Opportunisme péquiste

M. Khadir en a profité pour écorcher au passage le Parti Québécois (PQ), qu’il accuse d’opportunisme. « Le PQ propose l’indépendance du Québec, mais veut le garder dépendant au pétrole. Il existe présentement 63 mesures fiscales pour encourager l’exploration et l’extraction pétrolières, qui nous coutent 470M $ par année. Le PQ, c’est un peu comme un drogué qui ne fait que changer de fournisseur; au lieu d’importer le pétrole, on le produit », accuse-t-il.

Jean-Claude Balu, cofondateur du Parti vert du Québec, abonde dans le même sens. « Les écologistes avaient classé le PQ 2e quant à l’écologisme de sa plate-forme, notamment en voulant réduire notre dépendance au pétrole de 60 % d’ici 2030. Mais au discours inaugural, il n’y avait rien en ce sens : on proposait de faire venir le pétrole sale des sables bitumineux de l’Alberta, on s’intéresse au gisement Old Harry dans le Golfe du St-Laurent, on veut exploiter le combustible de schiste d’Anticosti… Bref, c’est tout le contraire de QS », se désole-t-il.

Pétrole et QS : l’épreuve des faits

Impact Campus s’est entretenu avec Jean-Thomas Bernard, professeur d’économie spécialiste des questions d’énergie, afin d’étudier les nombreuses affirmations lancées lors de la conférence de QS.

D’emblée, il approuve le désir de densifier les milieux urbains. « Les habitants d’une ville plus dense utilisent moins la voiture, par manque de stationnement ou à cause des bouchons de circulation. New York en est un parfait exemple, mais est-ce possible que toutes les villes deviennent comme ça? » se questionne-t-il.

Aussi affirme-t-il que les villes commencent déjà à se densifier elles-mêmes. « À mon époque, un des rites de passage à l’âge adulte était la possession d’une voiture. Plusieurs personnes de votre génération semblent s’en passer. D’ailleurs, comme plusieurs personnes vivent désormais seules, elles sont incitées à déménager vers la ville, question de ne pas être complètement isolées. »

Économie trop intégrée

Toutefois, il ne croit pas que « se sortir du pétrole » soit une bonne idée. « Notre économie est trop intégrée à celles du Canada et des États-Unis; près de 35 % de notre PIB y est exporté, et surtout à l’aide de camions et de trains. Pourrait-on vraiment avoir une flotte de camions et de trains distinctes pour le Québec, alimenté avec une autre source d’énergie, et une autre pour le reste du monde? Il faudrait construire de nouvelles infrastructures, qui sont très onéreuses, remarque-t-il. Même si l’électricité est disponible partout, encore faut-il construire des bornes. » Le Québec ne peut pas faire cavalier seul à ce sujet, croit-il.

Non rentable, le solaire?

Il ne croit pas non plus à des investissements massifs dans le solaire (plaidés par Amir Khadir, qui citait l’Allemagne en exemple). « En Allemagne et au Danemark, l’électricité coute 0,30 $ du kWh; ici, c’est 0,07 à 0,08 $. En Ontario, on a tenté d’implanter des projets d’implantation de panneaux solaires. Le gouvernement rachetait l’électricité entre 0,40 et 0,80 $ le kWh; la facture était évidemment refilée aux consommateurs par l’augmentation du tarif moyen d’électricité.

« Le solaire a été expérimenté dans plusieurs autres pays, sans grand succès d’ailleurs, poursuit-il. Aux États-Unis, Barack Obama croyait que des subventions massives à l’industrie solaire allait permettre de revigorer le secteur manufacturier. Malheureusement, plusieurs industries comme Solyndra ont fini par faire faillite. L’Espagne, dont le chômage est à 25 %, a aussi grandement favorisé le solaire par des subventions, ce qui explique en partie des énormes déficits. »

Trop de surplus

Finalement, il s’oppose au développement éolien dans Charlevoix, mais pas pour les mêmes raisons que Jean-Claude Balu – il dénonce surtout que c’est fait au privé. « Les travailleurs d’Hydro-Québec (HQ) gagnent plus qu’au privé; s’ils s’étaient occupés des projets d’éoliennes, le prix aurait monté. Par ailleurs, nous avons déjà trop de surplus; aussi l’hydroélectricité et l’éolien sont-ils rendus plus chers que le gaz naturel – 0,095 $ et 0,10 $, comparativement à 0,06 $. On pourra donc exporter difficilement cette électricité. HQ devra donc soit couper son dividende, soit augmenter les tarifs. Nous nous trouverons ainsi donc à subventionner ces surplus », conclut-il.

 

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