Qui veillera sur le Vatican ?

Entrevue avec Gilles Routhier, doyen de la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval.

David Rémillard

Vatican-Jean-Pol-GRANDMONTNotes de l’auteur.*

Quelle est la véritable influence d’un pape à son élection ?

Dans un système centralisé et très hiérarchique comme l’est l’église catholique, l’impact dans l’orientation que prend l’église catholique est assez important. Cela ne veut pas dire que tout le monde suit l’orientation donnée.

Lors de sa dernière messe, mer- credi dernier, marquant le mercredi des Cendres et le début du Carême, Benoît XVI a d’ailleurs fustigé les siens en appelant à l’unité, critiquant l’hypocrisie religieuse de certains membres de l’Église.* 

Et au Québec ?

Il n’y a pas que le Québec à considérer, parce que l’Église catholique est sur tous les continents, et on ne pense pas partout comme au Québec. Ce qui apparaît comme des mesures progressistes au Québec, on ne peut pas penser que c’est partout pareil.

Je ne pense pas qu’un prochain pape va changer de manière si- gnificative la donne au Québec au cours des prochaines an- nées, qui qu’il soit [ le cardinal Ouellet inclut ].

Benoît XVI était plus conservateur, contre l’avortement, contre le mariage homosexuel, et dénonçait l’érosion du mariage traditionnel. Les membres présents au conclave chercheront-ils à aller vers la continuité ? 

Ceux qui vont l’élire, ils vont chercher quoi ? C’est ça qui n’est pas clair. Chercheront-ils quelqu’un qui est dans la continuité ou vont-ils chercher quelqu’un qui va présenter une différence ? Les deux cas de figure peuvent se présenter.

Dans le cas d’un pape plus libéral, sur la contraception il peut y avoir des évolutions. Ou encore sur le rôle et la place des femmes dans l’Église. Mais je ne m’attends pas à ce que demain matin, on ordonne des femmes. Il y a place à des évolutions, mais pas à des révolutions.

Le cardinal Ouellet, connu pour ses positions conservatrices, a-t-il des chances ?

On cherche plus souvent l’alternance que la continuité. Celui qui est dans la continuité diminue ses chances de gagner.

Par ailleurs, ce qu’on a pu voir lorsqu’il était à Québec [ en 2011 ], ses positions s’éloignaient de l’Église catholique. Un certain nombre ont protesté, ou encore un certain nombre ont abjuré leur foi catholique.

Mais le fait que le cardinal Ouellet était bien placé dans la hiérarchie du Vatican l’aidera-t-il? 

Je mets un gros bémol. Je pense que par fierté, peut-être légi- time, on fait un rapprochement. Les Allemands ont eu la même réaction à l’élection de Benoît XVI.

M. Routhier souligne que le média allemand Bild, en 2005, à l’élection du cardinal Joseph Ratzinger ( Benoît XVI ), avait titré « We are pope », « Nous sommes pape ».*

Sa fonction, oui, l’amène à rencontrer fréquemment Benoît XVI, mais ce sont des rencontres de fonction. Entre des personnes que tu rencontres dans le cadre de tes fonctions et les intimes, il y a un monde.

Mgr Ouellet est, depuis 2007, préfet de la Congrégation des évêques à Rome. Ce poste, l’équivalent d’un poste de ministre dans un gouvernement comme celui du Québec par exemple, lui permet de suggérer au pape le nom des futurs évêques du Vatican.*

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