Entrevue avec Émilie Guimond, manifestante arrêtée au G20 en juin dernier

Une expo photo qui réveille des souvenirs

« Moi, je suis militante », affirme-t-elle. Elle est étudiante en travail social et effectue son stage au sein de la ligue des droits et libertés. Les problèmes sociopolitiques, les droits et la judiciarisation des itinérants font désormais partie de son quotidien. C’est sans aucune surprise aujourd’hui qu’Émilie travaille pour le droit et la défense des autres. Cela aurait pu être tout le contraire, après ce qu’elle a vécu à Toronto fin juin 2010.

Les filles du mérite

« Nous étions 16 filles dans la cellule B8. Trois jours et deux nuits en prison, sans aucun avocat, ni téléphone. Même ce temps-là, tout le monde vire fou. Les agents effectuaient des fouilles régulièrement. C’est une lutte mentale. Soit tu tournes en rond ou d’autres se mettaient en boule. Sans couverture, tu dors sur le béton froid. » Voilà ce qui ressort de son séjour. Mais elle en parle en souriant aujourd’hui, car elle y a découvert des personnes qui partagent désormais sa lutte. Elles sont huit à s’être appelées les « filles du mérite », et elles se retrouvent souvent pour continuer à défendre leurs idéaux.

Pendant ces trois jours, plus de mille personnes ont été arrêtées et incarcérées dans des conditions déplorables. Certaines préfèrent oublier, ne plus en parler. Pour Émilie, c’est tout le contraire. Déjà militante, elle était présente là-bas, pour représenter Québec Solidaire, plus précisément la Condition de la femme et le droit à l’avortement. « Avant je n’avais pas de racines, je n’avais pas porté de dossier aussi concrètement. Là-bas, mes droits ont été violés, j’ai alors eu le goût d’en parler dans les médias, de raconter. J’ai vu l’intérêt d’expliquer aux gens l’importance de défendre les droits, je suis passé du personnel au collectif. Un lien s’est créé. Le militantisme politique, ça me stimule. »

Fort militantisme

Et si c’était à refaire ? « Je le referai, en étant plus préparée aux éventualités, car rien de ce que j’ai pu faire n’était illégal. Et c’est sûr que je vais continuer à manifester, c’est officiel. » Cette militante explique qu’elle a perdu le peu de confiance qu’elle avait envers le gouvernement et ses instances. Sa perception de la police a beaucoup changé. «La police est là pour protéger les gens. Elle doit être là pour que je puisse manifester sans me faire agresser par d’autres. Mais pour eux, on est dans le même paquet, pacifistes comme casseurs. »

Après sept mois, lorsque Émilie se fait demander si elle ne craint pas une désillusion, elle rétorque par « Jamais! ». « Ils ne peuvent plus tuer ce que ça a déclenché en moi ! J’avais quelque chose avant, mais avec cette expérience, il y a eu un déclic. Grâce à cela, j’ai pris des contacts dans l’espace médiatique. Ça m’a créé une assise en tant que militante. Désormais, j’ai trop d’énergie. »

Consulter le magazine