Deux vies à mesurer

Ce qui s’endigue, le premier roman d’Annie Cloutier, diplômée de l’Université Laval, trace un portrait honnête de la vie et de tout ce qui la façonne : l’amitié, l’amour, la famille, la carrière. Cette vie, c’est celle d’Angela. C’est aussi celle d’Anna. Elles ont été conçues le même jour sur les dunes de la mer du Nord. Dès lors, leurs destinées se croisent et se recroisent, depuis leurs chamailles d’enfants dans la cour d’école à leur compétition pour être acceptées en médecine. De leurs diners à la cafétéria de la clinique où elles travaillent aux conversations téléphoniques de leurs vieux jours, Angela et Anna tissent une amitié durable malgré leurs différends.

Anna est une enfant modèle. Aux yeux d’Angela, elle porte le visage de la perfection. Jolie, délicate, studieuse, elle devient une femme accomplie. Gynécologue respectée, elle s’implique aussi dans plusieurs projets au fil des ans. Angela ne cesse de l’admirer. Toutefois, la vie privée d’Anna n’est pas aussi charmante qu’elle ne le parait de l’extérieur.

Angela, elle, est plus rude. Sa carrure ne lui donne pas la grâce d’Anna et, presque toute sa vie, elle a du mal à maitriser ses excès de colère. Bien que d’une intelligence inouïe, elle ne se consacre pas avec autant d’acharnement à ses études, ce qui lui vaut un refus à l’école de médecine. Femme au foyer pendant plusieurs années, c’est dans l’éducation de son fils et le dévouement à des causes humanitaires qu’elle trouve sa voie.

L’écriture d’Annie Cloutier est solide, parfois crue, parfois poétique, sans lourdeur, elle évoque magnifiquement les décors et leurs ambiances. Pendant un moment, l’auteure fait voir, entendre, sentir, goûter la vie qui bat. Quant au contenu, peut-être était-il trop ambitieux de vouloir raconter deux vies dans leur entièreté en si peu de pages. Souvent, le récit n’effleure que la surface de ce qui se cache au cœur des personnages trop nombreux et des épisodes de leurs vies qui sont dépeints. La voix narrative omniprésente qui se balade d’un personnage à l’autre établit une distance entre le lecteur et la subjectivité des protagonistes. Il est donc moins aisé de s’identifier à eux et d’être touché par ce qu’ils vivent.

Même si le style est évocateur et que l’histoire vous appelle, Ce qui s’endigue ne réussit pas tout à fait à toucher droit au cœur.
 

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