France: Marche pour l’égalité et contre le racisme

La France célèbre cette année le 30e anniversaire de la « marche des Beurs ». Cette marche de 1200 kilomètres, initiée par de jeunes immigrants, avait rassemblé des dizaines de milliers de personnes en décembre 1983 à Paris. Son objectif : dénoncer le racisme, réclamer une France multiculturelle et obtenir des droits pour les immigrés et leurs enfants.

15 octobre 1983. Trente-deux jeunes immigrés décident de traverser la France à pied pour attirer l’attention sur les problèmes qui les touchent chaque jour : l’indifférence et parfois même l’hostilité.

De Marseille à Paris, ils ont parcouru 1200 kilomètres en un mois et demi pour faire valoir leurs idées, pour dénoncer les discriminations dont ils font l’objet chaque jour et pour parler avec les Français.

Un projet inédit

L’origine de la marche pour l’égalité et contre le racisme, rebaptisée « marche des Beurs » (« arabe » en argot français) par les médias, prend naissance au cours de l’été 1983 dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, près de Lyon. Le climat est tendu dans cette cité. Des affrontements se multiplient entre les forces de l’ordre et les jeunes. Au cours d’une bagarre, Toumi Djaidja, le président de l’association « SOS Avenir Minguettes », est blessé par un policier.

C’est sur son lit d’hôpital que ce jeune d’origine algérienne de 20 ans décide du projet. Il s’agit d’une réponse pacifique, voire même pacifiste, à des agressions et des discriminations quotidiennes de ces jeunes immigrés. Toumi Djaidja s’est inspiré des grandes marches pacifiques menées, entre autres, en Inde par Gandhi et aux États-Unis par Martin Luther King.

« Faire bouger les choses »

La plupart des marcheurs sont des enfants d’immigrés d’Afrique du Nord. Motivés par des enjeux sociaux et politiques tels que la lutte contre le racisme et l’exclusion, l’accès à l’emploi ou le droit de vote des immigrés, les marcheurs décident de se rassembler afin de réagir aux phénomènes d’exclusion et de discrimination dont ils se sentent les victimes. Ils veulent « faire bouger les choses ».

La marche pour l’égalité et contre le racisme met, pour la première fois, l’immigration, essentiellement maghrébine, sur le devant de la scène politique. Cela marque les débuts de l’accès des jeunes héritiers de l’immigration postcoloniale à l’espace public.

De 32 à 100 000 personnes

Après un mois et demi de marche, les marcheurs arrivent le 3 décembre 1983 à Paris. Des dizaines de milliers de personnes accueillent les marcheurs et se joignent à eux dans une grande manifestation qui s’étend de Montparnasse à la Bastille.

Sur les pancartes, on peut lire des slogans tels que : « la France, c’est comme une mobylette, pour avancer, il faut du mélange ».

Suite à cela, le Président de la République française, François Mitterrand, accepte de recevoir une délégation de jeunes immigrés. Il donne droit à leurs principales revendications.

30 ans après …

La marche des Beurs constitue un marqueur décisif dans l’évolution des mouvements antiracistes. Elle a notamment impulsé la création de l’association SOS Racisme.

Trente ans après, un constat d’essoufflement et d’échec se fait toutefois ressentir à travers un maintien de la précarisation sociale et de l’exclusion des jeunes de banlieue. Mais cette faillite apparente du projet de la Marche ne doit pas faire oublier les transformations qu’elle a provoquées dans la société française et comment elle a enrichi l’espace public d’une dimension multiethnique et multiculturelle.

Un film

Pour célébrer le trentième anniversaire de cette marche pour l’égalité et contre le racisme, l’acteur et réalisateur belge, Nabil Ben Yadir, a décidé d’adapter à l’écran l’histoire de la marche des  Beurs. Dans ce film, intitulé « La Marche », Jamel Debbouze et Charlotte le Bon tiennent le haut de l’affiche. Il sortira le 27 novembre prochain en France.

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