2033, année de l’orgie

Rares sont les romans d’anticipation érotique. Benoît Quessy propose avec son premier roman un mélange des genres fort étrange et, par le fait même, difficile à évaluer.

À Juillet, toujours nue dans mes pensées, premier roman du sculpteur Benoît Quessy, met en scène un futur proche hypersexualisé dans lequel l’écoterrorisme «semble être l’unique solution à un climat pourri». Le récit prend place dans une ville non identifiée en l’an 2033 et raconte l’histoire d’une poignée de jeunes adultes qui pataugent dans des eaux troubles, entre cybersexe spécialisé, musique trad, peinture réaliste, sites Internet pornographiques et un besoin d’amour qui n’a jamais cessé d’être d’actualité.

Le roman fait-il bonne première impression ? Dur à dire. Le lecteur est plongé, dès les premières pages, dans quelque chose de très explicite, où rien n’est évoqué et où tout est montré. Il fallait s’y attendre, toutefois : la quatrième de couverture jouait la carte de l’honnêteté. Mais tout ce sexe, à quoi sert-il ? Il y a un petit quelque chose de pamphlétaire dans le roman. Certaines phrases, certains dialogues surtout, donnent l’impression d’être davantage instrumentaux que nécessaires. Comme s’il fallait justifier le discours écologiste et le sexe crade qui colorent l’ensemble de ce court roman. Et que dire de cette vision fort pessimiste que le texte donne du futur de l’humanité ? L’anticipation semble ici plutôt ludique, à tout le moins pas aussi développée et réfléchie que dans les classiques du genre que sont 1984 de Georges Orwell ou Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, par exemple. S’il fallait comparer à tout prix, il faudrait évoquer Philip K. Dick, mais nuancer à l’extrême. La science-fiction dans À Juillet, toujours nue dans mes pensées n’est pas aussi construite et souffre d’être beaucoup moins dense.

Dans les faits, c’est le sexe qui domine ici. Le sexe et son équivalent virtuel : le cybersexe. La science-fiction sert plutôt de cadre à toutes les descriptions d’orgies et de masturbation. Qui sont tout à fait assumées, il faut le dire, mais pas toujours pertinentes. Il y a dans ce roman le germe de quelque chose, l’esquisse d’un monde qui aurait gagné à être développé davantage. Cette petite plaquette se lit en un rien de temps, et c’est ce qui est décevant. Les personnages se contentent d’être des stéréotypes et les dialogues sont à couper au couteau comme des silences malaisés. Il y a pourtant de très bonnes idées dans À Juillet, toujours nue dans mes pensées. Des idées qui concernent les transports, l’alimentation, les tenues vestimentaires, l’informatique, etc. Des idées qui font sourire, parfois, ou qui invitent à réfléchir sur notre mode de vie actuel. Parce que, après tout, 2033 est (presque) déjà à nos portes.

À Juillet, toujours nue dans mes pensées aurait gagné à être développé sur davantage de pages. Ce qui aurait permis, entre autres, d’espacer les scènes de sexe pour faire un peu de place pour autre chose. Mais peut-être après tout faut-il être amateur de littérature érotique pour apprécier à sa juste valeur ce premier roman, à qui on ne peut pas reprocher d’avoir été trop prudent ou conservateur.
 

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