Aperçu du recueil de poèmes de François Baril Pelletier, Apocryphes du cœur.

La beauté silencieuse du monde

«Je viens d’une blessure / ouverte quoique scellée / de religion bâtarde», dit un des premiers vers de ce recueil de François Baril Pelletier, intitulé Apocryphes du cœur et publié aux éditions David. Dans cette œuvre, il est question de libération. On cherche à se reconstituer une identité au-delà de la version officielle de l’histoire, à prendre la parole de manière individuelle et collective afin de dire ce qui est resté caché, tacite. Cette version apocryphe de soi est un double qu’il faut se réapproprier en se livrant à l’inventaire de ses blessures les plus profondes, c’est-à-dire celles du cœur.

Ce recueil, avec sa tonalité portée vers un lyrisme souvent exacerbé, n’est pas sans rappeler la poésie québécoise dite «du pays», qui a connu ses heures de gloire avec Gaston Miron et Gatien Lapointe. Le style de Baril Pelletier est en effet très proche, par son rythme, ses images et son vocabulaire, de celui de ces deux poètes. Par exemple: «Ici dans la tempête / dans le débordement de l’amour qui tournoie // Je vous promets mes rêves / mes rives muettes et infinies». Toutefois, avec un tel lyrisme, il y a toujours le danger de trop dire, ce qui vient parfois étouffer les images évocatrices. Pourtant, on sent dans ce recueil un réel désir de laisser parler les mots: «Pourquoi ne pas laisser seulement parler le silence / qui en dit plus long que n'importe quel homme». Hélas, une grande partie de l’œuvre fait tout le contraire: on peut y lire par moments une surabondance d'adjectifs qualificatifs, qui viennent un peu noyer la beauté de certains passages. Ceux-ci auraient tout à gagner à être délestés de quelques mots afin que le silence laisse un peu d'espace à la circulation du sens. Cela atteint son paroxysme dans cette strophe: «Toi qui rôdes sur les côtes charnelles / où l'instinct criard chante les chants bestiaux / vers la ville vespérale coquille vermeille / où la tendre passion sert d'idole nacrée».

Un autre élément ne manque pas d’agacer à la lecture de ce recueil: l'utilisation fréquente de tournures elliptiques, plus particulièrement en ce qui concerne les déterminants. On devine qu'il s'agit d'un désir de rendre la formulation de certains passages plus fluide, mais le procédé, trop souvent utilisé, a pour effet de détourner l'attention du lecteur de quelques images charmantes vers cette absence qui prend toute la place.

Toutefois, malgré ces quelques maladresses, il faut admettre que l’on sent dans ce recueil toute la force à venir d’un poète sincère et engagé dans sa démarche. Ce qui fait la force de l’œuvre, c’est la beauté toute fragile de certains vers, dans lesquels on arrive à percevoir la sensibilité de l’auteur, grâce à des images subtiles et fines: «L’amour fleurit / comme un grand lys».

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