La deuxième vie de l’objet

Question : Qui vous a inspiré dans le cadre de cette exposition?

Réponse : Giuseppe Arcimboldo, qui a notamment travaillé avec le principe d’anamorphose, où l’on voit quelque chose au premier abord et après une observation attentive, comme une illusion, il y a une autre représentation qui surgit. Il y a une question sur le décalage de perceptions, entre l’objet rebut et l’image, la nature morte ou l’objet d’art. L’objet rebut qui porte l’imprimé est réimprimé par le procédé de sérigraphie. C’est là qu’il y a un nouveau décalage entre notre expérience très banale de tous les jours, qui nous emmène à la fascination et à la contemplation.

Q : Alimenter la réflexion, est-ce une réflexion sur l’alimentation?

R : Entre autres. C’est à propos de l’estampe, des procédés d’impression commerciaux et de comment renouveler la présentation des œuvres d’art, en particulier celles sur papier. L’alimentation, c’est dans le sens où je me sers énormément d’étiquettes de fruits et c’est quelque chose qui est très banal. Ce sont de petits objets auxquels on ne porte pas attention mais réorganisés, ils deviennent comme des petits bijoux, de petits ensembles chatoyants de couleurs.

Q : Où vous situez-vous par rapport à l’industrie de l’alimentation?

R : On nous présente les choses comme étant indiscutables. On nous présente la réalité comme si elle était irréfutable. Le cheminement du marketing, c’est de nous mener à ne pas remettre en question ce réel-là. Tout ce qu’on nous dit qui est «vrai», est-ce que ce l’est tant que ça? Il y a tant d’acharnement dans l’étiquetage et l’emballage : ce suremballage est-il nécessaire? Est-ce que tout ce qu’on nous dit est vrai? Je ne dis pas non plus que c’est faux, mais je pose la question, simplement. Je ne veux pas reconduire la pensée, mais ce que je veux, c’est amener des pistes. Entraîner les gens à se faire leur propre idée.

Q : Avez-vous l’intention de travailler à base d’autres médiums?

R : Mes sujets  varient et se transforment. Il y a plusieurs choses qui m’intéressent et me passionnent. L’installation, la sculpture, les objets qui ont déjà une vie, la matière brute. C’est plaisant, ça s’en va dans toutes les directions. Je travaille dans l’esprit de créer un tout. Les étiquettes de fruits, c’est ça qui était l’élément rassembleur. Même s’il y a des éléments étrangers dans l’exposition, comme des découpures de journaux, des dessins, des trouvailles et de petits objets, c’est vraiment l’alimentation qui est au cœur de la survie. L’art et ses représentations, ça relève un peu de la luxure et du divertissement, mais manger, c’est notre devoir de tous les jours si on veut survivre, c’est une nécessité.

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