De l’aluminium comme l’acier

Pour arriver à fabriquer une feuille d’aluminium aussi solide que de l’acier, les grains d’aluminium doivent subir une restructuration complète. Les chercheurs ont utilisé une technique de forge baptisée High-pressure torsion (HPT) qui nécessite l’emploi d’une presse formée de deux enclumes circulaires dont l’une tourne et exécute un cisaillement en torsion. L’alliage utilisé, le type 7075, est destiné à être transformé par une technique de forge et sert surtout à la fabrication de pièces d’avion. En appliquant l’équivalent de la masse d’un char d’assaut sur chaque centimètre carré (60 000 kilogrammes) et en exécutant un effort de torsion, le métal est soumis à des contraintes et à des déformations si élevées que les grains d’aluminium sont fractionnés et les éléments de magnésium et de zinc que contient l’alliage se regroupent.

Cependant, les chercheurs ne sont pas encore en mesure de déterminer exactement comment ce changement de forme renforce le métal. Afin d’affiner leur étude, le processus de vieillissement naturel a été reproduit. C’est une étape qui a lieu lors de la production de l’alliage 7075. Après le travail à la presse, les feuilles de métal sont entreposées à la température de la pièce pendant plus d’un mois pour permettre aux éléments de zinc et de magnésium de créer des précipités qui renforcent le métal.
Après l’expérience, les chercheurs ont constaté que la résistance du métal a été multipliée par trois. Une élongation à la rupture (indice de ductilité) de 5% a aussi été enregistrée. «C’est quand même pas mal en terme d’élongation à la rupture. Cela fait des années que des recherches sont entreprises afin de créer un alliage léger qui peut avoir une bonne ductilité sans se briser comme du verre», déclare le professeur Daniel Larouche de l’Université Laval, spécialiste de la métallurgie de l’aluminium.

Des applications diverses
Selon le professeur, le laminage par HPT pourrait également s’appliquer à d’autres alliages d'aluminium adaptés aux techniques de forge. De plus, appliquer ce type de laminage à la production en série devrait être relativement facile, selon Simon Ringer de l’Université de Sydney, un des chercheurs qui a participé à l’étude. Les feuilles ainsi fabriquées pourraient servir de matériau pour produire des implants chirurgicaux ultrasolides. Des armures ultralégères pour soldats sont aussi envisageables selon Yuntian Zhu de l’Université d'État de Caroline du Nord, qui a lui aussi participé au développement de la technique HPT.

Cet alliage laminé risque toutefois de se vendre à prix fort, estime Daniel Larouche, limitant son application aux domaines mentionnés par les chercheurs. «Déjà que l’aluminium est plus cher à produire que l’acier, toute pièce qui demande une étape supplémentaire dans la chaîne de production va faire augmenter les coûts.» D’autant plus que les presses produisent lentement et coûtent extrêmement cher, explique-t-il.

Résistant à haute température?
Ces feuilles d’alliage peuvent toutefois perdre, à haute température, une bonne partie de leurs propriétés mécaniques, souligne Daniel Larouche. Elles ne peuvent donc qu’être utilisées à température relativement basse. Les hautes températures activent les mécanismes de transformation naturels des métaux qui retrouvent, en quelque sorte, les propriétés normales obtenues dans des opérations traditionnelles de forge, explique le professeur. «Ces aluminiums commencent à perdre en résistance mécanique à partir de 150°C», ajoute-t-il. La résistance à la corrosion, qui est l’une des plus grandes qualités de l’aluminium, risque aussi d’être affectée. Ce sont des hypothèses qui restent à vérifier, conclut le professeur.

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