Mobilité à deux vitesses

Dans notre chronique de la semaine dernière, nous imaginions les conséquences d’un manque de régulation d’accès au réseau Internet: «Il serait possible d’imaginer un Canada sans neutralité, qui rendrait par exemple impossible aux abonnés de Vidéotron d’accéder au contenu du site Web Tou.tv, les redirigeant plutôt vers une version Web de la plateforme Illico.» C’est un drôle de hasard, car si ce scénario fictif ne s’est – heureusement – pas exaucé, l’accès mobile illimité à Illico est, depuis jeudi dernier, un des avantages du réseau de téléphonie 3G+ lancé par Vidéotron. En soi, cette offre n’est pas négative, loin de là. Vidéotron utilise la force du groupe Québécor pour offrir à ses clients une valeur ajoutée. C’est une pratique marketing tout à fait légitime, si ce n’est que teintée de convergence. Les autres réseaux ne sont pas bloqués. En revanche, écouter Le Banquier sera plus économique, point de vue bande passante, qu’écouter 3600 secondes d’extase. C’est le genre de pratiques qu’ont toujours eues les fournisseurs de téléphones cellulaires. Il n’y a qu’un source d’inquiétude: ces pratiques se rapprochent de plus en plus du contenu Web.

Le New York Times révélait, dans son édition du 4 août dernier, que Google et Verizon étaient à même de conclure une entente permettant à Verizon d’accélérer le temps de chargement de certains contenus, à condition que l’auteur ou le distributeur du contenu consente à payer un supplément pour ce privilège. Par exemple, Google pourrait payer une surcharge pour faire accélérer le chargement des vidéos de son site YouTube, au détriment de compétiteurs comme DailyMotion.

Et la neutralité économique?
Difficile, toutefois, de comparer une mesure semblable avec la distribution de services privilégiés sur les appareils de téléphonie mobile. Pourtant, de telles mesures viennent se heurter à l’un des principes de la sacro-sainte neutralité du réseau Internet, soit la neutralité économique. Ce principe défend le même Internet pour tous, la même qualité d’accès, sans discrimination économique. Or, il est évident qu’un utilisateur de réseau 3G+ d’une marque concurrente aura un accès au contenu Illico moins rapide et surtout plus onéreux qu’un utilisateur Vidéotron…

L’offre de téléphonie Vidéotron n’est pas une mauvaise chose pour l’avenir des réseaux et de leur équité. Mais si la logique marchande, que sous-tend cette offre, venait à être poussée plus loin par les fournisseurs d’accès, alors les conséquences pourraient devenir néfastes pour la diversité et l’accessibilité aux réseaux ainsi  qu’aux technologies mobiles.

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