Critique DC

Le second effort de Béatrice Martin, alias Cœur de pirate, était attendu. Celle qui s’est révélée au public québécois en 2008 avec la sortie d’un premier album aux accents de timidité nous présente Blonde, un album franchement différent, à la fois plus mature et enveloppé. Enveloppé parce que la chanteuse y écarte sa traditionnelle approche piano-voix au profit de sonorités rétro des années 1960. Mature parce que ces textes reflètent davantage l’esprit d’une femme en évolution et pleine de détermination, plutôt que le discours larmoyant d’une jeune fille blessée accrochée à son passé.

Blonde s’écoute sans difficulté aucune, un peu comme si chacun de ces morceaux ne faisaient qu’un. Non pas qu’ils se ressemblent tous, mais il y a une ligne directrice, une certaine manière de procéder qui revient et s’incruste. Cette ligne, c’est le contraste entre des textes profonds et des mélodies joyeuses, supportées par une instrumentation élaborée, où la réverbération apporte une touche pop rock pas mauvaise du tout. C’est le cas d’«Adieu», premier extrait qui, en quelques mois, s’est déjà taillé une place de choix dans le cœur du public, ainsi que de «Danse et danse» que l’on prend rapidement plaisir à siffloter. «Ava» cadrerait parfaitement dans une scène de fête lycéenne d’un classique à la Grease et le rythme de «Golden boy» et de «Verseau» allume. Il y a ici de ces moments plus modestes, à l’image de ce à quoi on avait eu droit sur l’album éponyme. À ce titre, la touchante «Cap Diamant» est ce qui se rapproche le plus de la recette traditionnellement gagnante de la chanteuse. Les autres balades, «Place de la République» et « La petite mort » sont plus étoffées, combinant ce son caractéristique à des lignes de violons mélancoliques. À noter que «Loin d’ici» met en vedette le très charmant Sam Roberts et constitue, de ce fait, une charmante combinaison.

Quoique totalement différent du premier album de Cœur de pirate, Blonde en constitue le complément parfait, formant d’avantage un tout plutôt qu’une rupture irréparable. On y découvre un peu plus la femme et l’on en sort avec un portrait un peu plus complet. De quoi ravir même les plus réticents !

4/5

Critique DC

Huit ans d’attente auront été nécessaires pour voir naître un nouvel album de Blink-182. La question est de savoir si cette attente valait le coup. Neighborhoods est de loin l’un des albums les plus attendus de l’année. De la simple curiosité ou de l’attention pleinement justifiée? Impossible de trancher complètement la question. Car la réponse tient un peu des deux. Sans être le chef-d’œuvre de 2011, l’album que nous offrent Tom DeLonge, Mark Hoppus et Travis Barker est d’intérêt car il est le résultat d’un important processus de création et de maturation.

Le trio n’a conservé que très peu de sa période pré-rupture, laissant de côté l’insouciance juvénile qu’on aimait temps et qui, avouons-le, l’a caractérisé pendant longtemps. Ainsi, les puristes qui souhaitaient le retour de l’ancien Blink pourraient être déçus. Mis à part «Heart’s All Gone», qu’on adore, et «Even If She Falls»  on est loin du petit pop-punk d’antan. Certaines chansons auraient fait bonne figure sur un album d’Angels and Airwaves… ce qui n’est pas nécessairement une bonne chose. On questionne ainsi la présence de la première moitié d’«After Midnight» et de «Ghost On the Dance Floor». Sans être mauvaises, elles sont l’emblème d’une maturité qui nous a rapidement (peut-être trop?) été lancée au visage. Mais on apprécie les textes plus réfléchis, le fait qu’ils portent à la réflexion plutôt qu’au rire. C’est ce qui rend le tout ambivalent et confondant.

Est-ce que Neighborhoods vaut l’investissement? Certainement. Mais est-ce qu’on en retiendra quelque chose d’inoubliable? Peut-être moins. Nous n’étions pas tous prêts à faire face à un Blink-182 version 2011 et le changement commande une certaine adaptation. Le potentiel y est autant que la confusion. Son succès dépendra de la manière dont il sera exploité!

3/5

Critique DC

Plus d’un an après la parution de l’acclamé Requiem pour les sourds, Vulgaires Machins nous reviennent avec un album éponyme acoustique qui saura satisfaire même les plus grands amateurs de punk rock. Délaissant le côté mordant de la guitare électrique, le quatuor originaire de Granby a réenregistré quelques-unes de ses chansons, les dépouillant ici et là de quelques instruments superflus, afin d’en offrir des versions épurées, de quoi ravir les fans les plus fervents!

L’ensemble est à la hauteur de tout ce que doit être un enregistrement acoustique. Car en ne perdant que peu de leur forme originale, les huit reprises mettent en valeur des textes qui, forts à la base, ne sont que mieux servis par cet exercice de simplicité. C’est ainsi que certains morceaux se démarquent du lot. L’intimité de «Je m’appelle Guillaume» est déchirante. La voix de Guillaume Beauregard, supportée à mi-parcours par celle de Marie-Ève Roy, est émouvante. La voix féminine du groupe est d’ailleurs brillamment mise en valeur dans «Personne n’a raison». On lui découvre un peu plus du talent qu’on lui connaissait déjà. Aux antipodes de ces pièces plus introverties, on retrouve des arrangements plus rythmés, à la frontière du folk et du country modernes, telles que la bien connue «Triple meurtre et suicide raté»ainsi que l’excellente «Prêt à tomber».  La formation en profite également pour présenter trois nouveaux titres. C’est ainsi que «Je chante pour les sourds», «Et même si» et «Sans remède» s’ajoutent au répertoire déjà bien garni des Vulgaires Machins. Elles raviront tout ceux qui suivent le groupe depuis longtemps. Tout ceci combiné résulte en un effort honnête, la conclusion qui confirme l’hypothèse selon laquelle une bonne chanson l’est à la base, qu’elle soit enrobée d’une symphonie ou non.  

3.5/5

Critique DC

 

Le Torontois Malcom Fraser nous offre History of Pain, le quatrième album de son projet The World Provider. Car après avoir été claviériste pour la chanteuse Feist et choriste pour Peaches, c’est en 2000 qu’il s’est lancé à l’avant-scène avec The Elements of Style, un album qui avait surpris avec ses airs synthétiques et enfantins. Cette fois, on a droit à un voyage dans le temps, une sorte de mélange entre l’époque yéyé et les premiers temps du rock, saupoudré d’une touche délicate du côté plus doux et moderne des Foo Fighters. 

«Uptown» est à l’image du virage rock adopté par Fraser. Ayant délaissé le côté plus frivole de son travail, l’artiste propose le même plaisir, enrobé de guitares mi-sucrées mi-salées. Les influences sont multiples; leur découverte ajoutant à l’agrément. Dans «21 Guns», par exemple, on entend clairement l’influence Beatles, le grain «Here Comes the Sun» et les harmonies à la Fab Four, quoique l’on mette un peu plus de temps à y accrocher qu’à la musique du célèbre quatuor. Quant à «Naked and Craven», elle nous décroche un sourire dès la première écoute avec sa mélodie rebondissante et son vocal strident. 

Mais c’est véritablement avec «City Lovers» qu’History of Pain prend son envol. Trois minutes de plaisir dansant qui se prolongent sur «Homeward» que l’on écoute encore et encore. Entre les deux, de beaux moments avec la plantureuse «Douce Mélodie» et son français étonnamment compréhensible. Par contre, on apprécie moins «Gary Sinistre» dont on se lasse rapidement. C’est là le problème de cet opus. Si on en retient une guitare fortement teintée des accents musicaux d’il y a quarante ans et des harmonies délicieusement cheesy, on peine à écouter l’ensemble d’un seul trait. Chaque morceau porte en lui quelque chose de particulier mais, ensemble, ils manquent de consistance. Le genre de feel good album que l’on écoute de temps à autre. 

3/5

L’auteur-compositeur-inteprète Peter Peter a récemment lancé son premier album

Critique DC

L’auteur-compositeur-interprète Peter Peter est l’un des derniers protégés de l’étiquette Audiogram. Gagnant de Ma première Place des Arts en 2008, le jeune homme originaire de Québec, exilé à Montréal depuis quelques années, déballe ses états d’âme sur un premier album éponyme lancé il y a quelques jours. Une recherche honnête, mais qui, parfois, sonne un peu faux.

Il va sans dire que chacun des douze morceaux de Peter Peter y trouve sa place. Franchement, il est un peu inutile de tenter d’en identifier les failles pièce par pièce. De ce côté, difficile de reprocher quoique ce soit. La production de Howard Bilerman (Arcade Fire, Godspeed You! Black Emperor) est irréprochable et convient parfaitement aux textes sombres de l’artiste éponyme. La composition épurée supporte bien les lourdeurs du quotidien de l’artiste qui, de sa voix fragile mais merveilleusement contrôlée, livre les idées qui ont marqué ses jours depuis son arrivée dans la métropole.

Le problème est que l’ensemble fait défaut. D’une chanson à l’autre, Peter s’enfonce dans une noirceur dont on sort difficilement et à laquelle il est difficile de se raccrocher. Sur «Homa», sa description de la détresse urbaine est à la limite du génie. On y croit sans trop de difficulté. Mais «Montréal neige sale» et «Demain, c’est l’heure», dans la même veine, semblent forcées. Et elles ne sont pourtant pas si différentes de la première. C’est seulement qu’elles s’embourbent un peu dans le jeu de l’introspection adolescente ce qui, à la longue, devient rapidement lassant. Certains moments sont musicalement plus joyeux. Les guitares acoustiques donnent le rythme sur une «Tergiverse» bien construite alors que le côté rock de «Porte-bonheur» rappelle non sans raison un Arcade Fire en plein épanouissement. Une pièce courte qui aurait gagné à être plus longue: elle s’arrête juste au moment où elle commençait à se faire drôlement aimer.

Peter Peter a du talent. En dire autrement serait faire preuve de mauvaise foi. Mais le temps lui apportera certainement l’expérience nécessaire au peaufinage de son style et de ses compositions. Pour le moment, la nonchalance établit une distance interprète-auditeur, rendant difficile de s’y retrouver et de s’y reconnaître. À écouter lorsque l’humeur vous en dit.

3/5

Aperçu de l’album de Mark Berube and the Patriotic Few, June in Siberia.

Critique DC

June in Siberia, c’est un peu comme si l’univers de Danny Elfman rencontrait celui de Rufus Wainwright. S’y mêlent le goût amer de la mélancolie, le rythme fou de la vie urbaine et la frénésie d’un film fantaisiste pour enfants. C’est tout cela qu’offre le nouvel album de Mark Bérubé et de ses Patriotic Few, compactant soigneusement ce mélange en 12 morceaux éclectiques.

La quasi instrumentale «Hello» introduit le violoncelle de Kristina Koropecki que l’on retrouve également sur l’endiablée «Hurricane/Little Quiet Scream». Rarement utilisée dans un folk du genre, sa présence classique apporte une belle touche d’originalité à l’opus. On croirait à certains moments entendre du Bach ce qui, au beau milieu du piano et de la voix langoureuse de Mark Bérubé, fait étrangement bonne figure. L’instrumentation élaborée de «Tailored to Fit» en est l’exemple parfait. C’est à s’en lécher les doigts jusqu’au bout des ongles.

Il convient également de souligner la présence de plusieurs collaborations étonnantes. Celle de la chanteuse française Emily Loizeau sur «Above the Ground» ressort admirablement du lot: un duo minimaliste et délicieusement suppliant. La voix douce de Loizeau convient parfaitement aux lignes descriptives d’une romance d’été écorchée.

Avec sa petite touche de rockabilly, la pièce «My Me Lady» à laquelle prend part Hattie Webb des Webb Sisters diffère du reste de l’album. Alors que la nostalgie s’infiltre dans les moindres recoins de June in Siberia, sa présence détone quelque peu. Rien de bien dramatique si ce n’est qu’elle fait office de chien dans un jeu de quilles. On l’aurait peut-être davantage appréciée ailleurs qu’au beau milieu d’une succession de symphonies romantiques.

Il ressort néanmoins de tout cela un petit bijou qu’il nous est rarement donné d’entendre dans le monde du folk, genre recyclé à toutes les sauces. Ce qui aurait facilement pu devenir une bouillie musicale opaque et peu nuancée s’inscrit à mi-chemin entre les Arcade Fire et Mumford & Sons de ce monde, usant d’une production délicate, mais organique. C’est naturel, réfléchi. On aime. Encore et encore.

3.5/5

Critique du EP de Béatrice Martin et de Jay Malinowski, Armistice.

Critique DC

Armistice réunit les amoureux Béatrice Martin et Jay Malinowski, deux artistes qui n’en sont pas à leur première collaboration et qui ont en eux quelque chose de rafraîchissant. C’est qu’avec ce nouveau projet, ils juxtaposent le meilleur de leurs talents respectifs. On est à des années-lumière du piano mélancolique de la chanteuse québécoise et de la pop à la sauce quasi reggae du groupe de Malinowski (Bedouin Soundclash); c’est un aller simple pour la chaleur des déserts du Sud américain qui s’offre à nous.

Le premier extrait, «Mission Bells», jouit d’un naturel tout à son honneur. Son minimalisme en fait un morceau fort agréable et facile à écouter. Il a tout ce que l’on pourrait espérer de la trame d’un road movie, avec juste ce qu’il faut de guitare aux sonorités latines pour assaisonner la mélodie entraînante d’un peu de sensibilité textuelle. S’il est à l’image des quatre autres morceaux de l’album, c’est néanmoins celui qui permet le plus à l’homme du duo de briller. Car la voix léchée de Malinowski se prête parfois mal au style plus sauvage d’Armistice. Elle sert parfaitement un morceau endiablé comme «City Lights Cry» (qui aurait d’ailleurs parfaitement cadré sur un album de Bedouin Soundclash), mais enlève toute essence au son plus burlesque de «God Will Get His Man». Le chanteur semble mal se prêter au jeu de la sensualité commandée par le style langoureux de la pièce, chose à laquelle son acolyte féminin excelle sans difficulté.

Ceci dit, c’est Mademoiselle Martin qui tire globalement le mieux son épingle du jeu. Sur Armistice, elle démontre qu’elle est beaucoup plus qu’une jeune adulte blessée, prouvant à tous ses détracteurs qu’elle a davantage à offrir que les débris d’un amour déchu. Pour ceux qui n’ont jamais été friands de Cœur de pirate, c’est l’occasion idéale de la découvrir dans un genre plus frivole. La langue de Shakespeare lui va comme un gant. Armistice, avec son style chaleureux, arrive à point en cet hiver qui tire lentement à sa fin.

3/5

Anciennement Galaxie 500, le groupe Galaxie sort «Tigre et diesel».

Critique DC

Dénudé de son 500, Galaxie refait surface près de cinq ans après Temps au point mort. Sur Tigre et Diesel, Olivier Langevin et ses fidèles acolytes livrent un rendu dont la scène québécoise avait définitivement besoin. Ils y mêlent habilement les guitares classiquement blues au dance que l’on connaît davantage des pistes de danse que des précédentes œuvres du réalisateur et guitariste d’expérience Olivier Langevin, tête d’affiche du projet depuis ses débuts. Ce dernier y assume pleinement son côté urbain. L’électro qui se faisait timide sur ses albums précédents ressort comme jamais. Il domine du début à la fin, mais ce qui aurait pu être franchement désagréable est en réalité une recette gagnante.

C’est le cas de «Piste 01» où la distorsion de la guitare s’unit aux sonorités abondamment synthétiques qui explosent le refrain venu. Le résultat est surprenant. Cette chanson ferait bonne figure au milieu des derniers hits qui tournent en boucle dans les clubs du centre-ville. Elle donne envie de danser comme s’il n’y avait pas de lendemain. Cette formule revient dans «Encore». Il reste à voir jusqu’à quel point on pourrait l’écouter sans s’en lasser, mais il reste que pour l’instant, il s’en dégage une énergie contagieuse.

L’ajout d’une voix féminine avec la chanteuse Audrey-Michèle Simard apporte une belle sensualité dans cet amas de testostérone débridée. Son talent est d’ailleurs mis de l’avant sur «Diesel 2», dont la forme rappelle un Alfa Rococo un peu plus disjoncté. Si la choriste est plus effacée sur les autres morceaux, il est clair qu’elle est un élément essentiel de l’album qui, sans elle, aurait été bien différent. Sa présence crée un contraste intéressant avec le rock abrasif des mélodies de «Camouflar» et de «Entre La Lumière Et Le Bruit», classiques mais rééquilibrantes.

Tigre et Diesel ne plaira pas à tous. Les amateurs du rock sale resteront sur leur faim, prétextant un manque flagrant de décadence et l’abondance de claviers signés Frank Lafontaine (Karkwa). Mais on ne peut qu’aimer le côté ludique de la chose. Bien loin du désespoir et de la mélancolie, M. Langevin et ses collaborateurs s’amusent à plein régime, renouvelant d’une belle manière un style que plusieurs croyaient épuisé.

3.5/5

Critique du dernier album du groupe montréalais The Dears, «Degeneration Street»

Critique DC

Après des temps difficiles, le groupe montréalais The Dears revient en force avec le lancement de Degeneration Street, un album qui mord et qui tache. Une heure de plaisir à l’état pur, alliant la beauté de la pop indie orchestrale au meilleur du rock contemporain, démontrant qu’un arrangement n’a pas à être tout droit sorti de la dernière technologie pour faire sa marque.

Depuis 15 ans, les Dears partagent ce don qu’ils ont de transporter directement où ils le veulent dans un minimalisme textuel des plus total, préférant de loin l’art des notes à celui des mots. Degeneration Street en fait plus que jamais la preuve. L’instrumental de la dernière minute d’ «Omega Dog» est ravissant et enivrant au plus haut point, conjuguant parfaitement les montées de guitares corrosives aux sonorités languissantes  que l’on connaît à la musique d’ambiance.

«Thrones» va dans le même sens: les mots sont accessoires à la mélodie qui prend toute l’attention que l’oreille peut accorder. Non pas qu’on en oublie totalement la voix coulante de Murray Lightburn, mais on ne cherche pas nécessairement à comprendre le message de son propos. L’accent est mis sur l’accord sons/instruments, ce qui n’est pas désagréable pour deux sous. Mais c’est «Torches» qui supplante tous les autres morceaux en termes de musicalité. Épique et craquant à souhait.

La légèreté d’une pop mélodique plane au cœur de la lourdeur d’un rock bien contrôlé. Les ambiances alternent constamment, conservant néanmoins une logique certaine. De la tendance abrasive de «Blood», on revient aux années 1980 dans «Yesteryear» pour mieux repartir vers la descente abrupte et langoureuse de «Lamentation», qui se poursuit sur l’hypnotisante «Galactic Tides».

Chaque écoute est propice à la découverte et, franchement, on ne pourrait demander mieux. Car on retrouve dans Degeneration Street le meilleur des Dears d’antan. Le retour au travail de la quasi-totalité des musiciens fondateurs plaît et paie. 15 ans d’expérience qui ont mené à l’un des albums les plus achevés de la formation à ce jour. Du véritable bonbon!

4.5/5

Aperçu du quatrième album d’Architects, «The Here And Now».

Critique DC

Avec The Here And Now, le groupe britannique Architects signe un quatrième effort, successeur du très acclamé Hollow Crown paru en 2009. Un changement de style annoncé, mais dont certains appréhendaient le côté commercial et un peu vendu d’un exercice louable, quoique trop souvent manqué. Le résultat est mitigé. Si l’album est court, expéditif et appréciable dans l’ensemble, il manque de ce croquant qui distingue la crème des formations post-hardcore de la masse concentrée qui compose généralement le style.
 
Les trois premières pièces ont tout ce qu’on espère généralement d’un album du genre: des guitares aiguisées et des cris puissants recoupant des refrains mélodiques et rassembleurs. L’ouverture «Day In Day Out» démarre en trombe, le roi de la jungle par excellence, agressif et sournois à souhait. Mais la bête s’endort rapidement. Avec son texte propice aux chœurs et poings levés, «Learn To Live» devient générique à mi-parcours. L’espoir qui renaît avec «Delete, Rewind» retourne rapidement au fond de sa grotte, totalement effrayé par le manque d’originalité et de conviction.
 
Certains moments sont particulièrement ennuyants. Les deux ballades «An Open Letter For Myself» et «Heartburn» se font sirupeuses jusqu’au plus profond de leurs tripes, portant en elles le cliché de l’adolescent émotif qu’on nous sert depuis 10 ans. Si cette première donne à Sam Carter tout l’espace nécessaire pour exposer sa voix exemplaire, elle manque dangereusement de pertinence. Même chose en ce qui concerne «Red Eyes», qu’on a l’impression d’avoir déjà entendue des dizaines de fois. Plutôt difficile à digérer quand on connaît la capacité des Architects d’offrir un contenu plus étoffé.

Le potentiel musical ne fait pas défaut. C’est seulement que le côté abrasif que l’on retrouvait sur les opus précédents brille par son absence, rendant les chansons majoritairement insipides. L’ensemble est cohérent, mais ne se démarque pas du lot. Il sera rapidement oublié. On demeure cependant curieux de suivre l’évolution du groupe, car un faux pas n’est pas toujours synonyme de fin. Si on retient peu de Here And Now, il n’en constitue pas moins un effort marqué d’évolution qui demeure à travailler. 

2.5/5

Critique DC

Le duo québécois Headache 24, conduit par le bassiste-multi-instrumentiste Hugo Lebel (Les Goules, Lesbo Vrouven) et la chanteuse Julie Théberge, se partage les voix sur sa nouvelle production Having you to talk with, élaborant une musicalité aux saveurs folk-électro-grunge. Appuyé par l’étiquette urbaine P572, Headache 24 s’inscrit dans une esthétique minimaliste et expérimentale à l’antipode du courant mainstream québécois. En parcourant les 12 plages grisantes, on peut manifestement attribuer les recherches du duo à celles des Sonic Youth, Stereolab et The Kingsbury Manx. Ainsi, H24 tisse l’habillage sonore de ses chansons disparates avec une imagination parcimonieuse, colorée et nuancée.

Sur Having you to talk with, certains artistes prolifiques d’ici viennent pimenter quelques pièces, dont Jane Erhardt, Mary-Beth Carty (Bette & Wallet) et Sherley Ouellet. Ce trio féminin, par exemple, s’ancre dans l’atmosphère électrisante de la pièce «Wow» en apportant une touche d’instruments folkloriques (violon, accordéon) au tapis sonore électro-rock. Par ailleurs, synthétiseurs, échantillonnages, boîtes rythmiques et autres bidules forment le tissu orchestral à la manière d’une fresque rococo. Ainsi, l’onirique «Levitate hit joy» et les vaporeuses «Courtney Love» et «Rich man» nous enchantent aussitôt.

Toutefois, on navigue dans une palette sonore très vaste, biscornue, disjointe et sans gouvernail qui perturbe incessamment nos sens. Les voix susurrées et grivoises de Lebel et Théberge, demeurent sans équivoque le maillon faible du projet. Tout de même certains joyaux inéluctables méritent d’être mis au jour dans notre univers musical parfois trop galvaudé.

Critique DC

Voici Coin Strasbourg, le deuxième album studio du groupe québécois CEA. Un album qui se place facilement à mi-chemin entre ceux des formations québécoises Movèzerbe et The JMC Project. Un coin où la musique se fait un plaisir d’être mélangée à différents styles éclectiques. Baignant a priori dans le hip-hop, les membres de CEA fusionnent en alternance le rock seventies, le reggae, la chanson et le funk. Tout ce qui leur passe par l’esprit, ils l’appliquent. Bref, de quoi s’écarter de leur premier album C’est ça le fun!, paru en 2006.

Ils sont cinq à se partager le mérite des paroles et mélodies de ce deuxième gravé. On y entend Bob Bouchard, Lou, Lwazo, Marième et Scoul. Ces musiciens ont façonné, avec l’aide d’une quantité inouïe d’invités, un nouveau hip-hop qui s’inscrit dans la nouvelle ère de transformation de ce style depuis les dernières années. Si le mélange des styles est de bonne haleine, il reste quelques fois mal dosé et peu inspiré. Cela rompt parfois l’équilibre entre les pièces, mais sans pour autant en arriver à faire perdre le feu énergique et mélodique. L’aspect qui donne la force à cet album est inévitablement l’utilisation d’instruments rarement utilisés dans le style hip-hop : l’orgue, les claviers-synthétiseurs, les guitares et les cuivres.

Les paroles, tantôt récités, tantôt chantées, rythment avec soin la musique sensuelle de CEA comme sur la reggae «Se connaître», l’intensive «Je rêve qu’on recommence» et «Ceci n’est pas mon corps». Un album estival de bon goût qui, assurément, réchauffera la flamme des amoureux.
 

Critique DC

Le quintette montréalais Pawa Up First ne demeure pas moins le chef de file du néo-post-rock québécois depuis la disparition du fameux Godspeed You! Black Emperor. Une affirmation qui ne se dément pas à l’écoute de sa toute récente parution, The Outcome, une troisième œuvre forte en images où la musique se joue en version instrumentale digne d’un long-métrage. Les différents styles, habillés subtilement (indie-rock, électro urbain, classique, jazz), s’entrechoquent, riment et fulminent vers des scénarios peu orthodoxes, laissant déteindre une palette sonore vaste, vibrante et parfois édulcorée. Pour y parvenir, les musiciens tiennent, sur The Outcome, chacun un rôle primordial, voire indélogeable. Une vraie chimie; une machine parfaitement huilée et rodée au quart de tour.

La mathématique derrière ces 11 compositions repose sur le multi-instrumentiste Serge Nakauchi Pelletier. C’est à lui que l’on doit les arrangements de cordes et, en grande partie, l’imagination des strates musicales au piano et à la guitare. Toutefois, on ne peut rester indifférent au soubassement érigé par le bassiste Mathieu Pontbriand : solide et indestructible est son jeu. Vaguant de temps à autre entre les univers de Cinematic Orchestra, Blonde Redhead et Mogwai, le quintette québécois parvient à faire oublier la temporalité pour enfreindre l’inimaginable : une musique pop-tendance, planante, intelligente, futuriste et introspective à la fois. Suivant des progressions harmoniques complexes, Pawa Up First converge vers un mur de son épatant où l’instrumentation est dosée équitablement, créant un effet stroboscopique très agréable. Un disque à posséder dans sa discographie!
 

Critique DC

La bande d’Emily Haines tire à nouveau profit de son talent afin d’enfreindre, une fois de plus, les limites du possible. Sur son dernier opus, Fantasies, Metric soumet un ouvrage plus étoffé, cohérent et uniforme que son précédent, Live it Out, sorti en 2005.

Le quatuor retrouve son énergie d’antan, mais sur un fond totalement électro-pop-rock. Sans embâcle, Metric forge une sonorité eighties qui lui va à merveille. Musicalement, Fantasies tient la route et ne se perd pas. Néanmoins, Metric ne réinvente pas la roue pour autant. Ceci n’enlève rien à la qualité de ses compositions; elles demeurent très étoffées, rafraîchissantes et émettrices de sensations fortes. Puissante, la voix de Haines émerveille et reste en tête. Le meilleur exemple disponible est sans doute le groove épidémique et cinglant articulé sur «Gold Guns Girls» et «Sick Muse», deux joyaux purs et limpides. Bref, de quoi faire danser n’importe qui, n’importe quand! Mais ce n’est pas tout, la complicité entre les guitares bien posées de Jimmy Shaw et la finesse d’Emily Haines aux multiples synthétiseurs procure d’autres sensations exaltantes sur «Satellite Mind» et «Collect Call», faisant penser parfois à un mélange entre Depeche Mode et Eurythmics.

Bref, Fantasies édifie un véritable mur de son qui hypnotise tout sur son passage. Un parcours sans faille. Un album qui monte la barre d’un cran dans l’univers électro-rock. Metric propose sur Fantasies une musique de haut calibre – dans son style – qui ne demande qu’à être entendue. Bonne écoute!

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Difficile de rester indifférent face à Un serpent sous les fleurs, dernier opus de Yann Perreau. Quatre ans après la parution du surprenant Nucléaire, le trentenaire s’inspire de ses nombreux voyages en Inde et en Europe pour revenir, cette fois-ci, avec un troisième opus studio hardi, élégant et quasi engagé. Plus que jamais, Yann Perreau démontre qu’il refuse la musique pastiche, routinière et boulevardière, au profit d’une musique clairvoyante et inventive. Un serpent sous les fleurs est ce genre de recueil qui, à mesure que l’on progresse dans l’écoute, transpire d’une poésie chatoyante et profonde que l’on ne peut ignorer.

Le pianiste et chanteur s’entoure de convives exceptionnels tels que les ex-Dears George Donoso III et Martin Pelland, ainsi que l’homme derrière Camille et M, Sébastien Martel. Ces collaborateurs indispensables forgent de nouveaux horizons sonores par leurs jeux harmoniques méticuleux et concis. L’épine dorsale du projet demeure toutefois l’alter ego de Perreau, soit le génial multi-instrumentiste, arrangeur et réalisateur Alex McMahon. Par ailleurs, Perreau parfume sublimement ses mélodies d’éléments exotiques, dont les succulents tablas indiens de Shawn Mativetsky, sur «Le marcheur rapide». L’instrumentation devient une richesse abondante avec Un serpent sous les fleurs puisqu’on y entend à l’occasion cuivres, cloches tubulaires, orgue, Rhodes, MS 20, glockenspiel, bongos, farfisa et mélotron, pour ne nommer que ceux là. Perreau purifie et hausse d’un cran sa manière, sa voix, sa sonorité et sa touche afin de livrer avec authenticité et puissance ses musiques incendiaires. Ce musicien a encore trouvé le moyen pour que l’on soit chaviré, estomaqué et bouleversé.
 

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Le JMC Project est un sextuor de Québec à mi-chemin entre le jazz, le hip-hop, le soul, le funk et le R&B. Il dévoile sur son premier gravé, Making a Statement, une musique moderne et intelligente, qui fait office d’avant-garde pancanadienne. Formé depuis 2006, le JMC Project regroupe dans ses rangs trois musiciens diplômés de l’Université Laval en interprétation jazz : le somptueux guitariste Philippe Cyr, la vibrante chanteuse et claviériste Marjorie Fiset et le bassiste Guillaume Tondreau. La formation prend tout son sens avec le parolier-rappeur Peter Tardif, le saxophoniste-flûtiste Jod Lamarche et le batteur William Côté.

Assurément, l’excentricité et l’inventivité du JMC Project reposent d’abord sur les mélodies aériennes, ludiques et ingénieuses du guitariste Philippe Cyr, rappelant par moments celles de John Scofield et John McLaughlin. Les strates sonores orchestrées par les pédales d’effets du saxophoniste Jod Lamarche ainsi que la voix douce, jazzée et puissante de Marjorie Fiset créent aussitôt une dichotomie fort agréable à savourer sur les célestes «Green» et «Ride the Wave». Le débit effréné des strophes de MC Tardif, déployées dans la langue de Shakespeare sur «The Fall» et «Dream», ponctue allègrement l’ensemble d’une touche de hip-hop.

Ce groupe de haut calibre a vraiment tout pour plaire. Voguant entre l’acid jazz et le nu jazz, l’album Making a Statement, percutera tous vos sens et vos goûts musicaux. Il rejoint indubitablement les émérites US3, No Jazz et The Herbalizer. Dès lors, il deviendra certainement le régal des fans de jazz et de hip-hop!
 

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Avec son premier album éponyme sorti sur l’étiquette de l’heure Grosse Boîte, La Patère Rose, issu de la scène sherbrooklyn, apporte un vent de chaleur à ce printemps tardif. La Patère Rose, c’est d’abord la rencontre entre l’univers classique de la chanteuse Fanny Bloom et celui davantage électro-pop de Roboto et Kilojules, du groupe Misteur Valaire. Deux styles complètement divergents qui, assemblés, donnent un album de bon aloi, expérimental à souhait, mais parfois trop chaotique. Grand gagnant des Francouvertes de 2008, voilà que le trio dépose cet album comportant 13 titres classico-électro-pop. De quoi surprendre les plus érudits et les plus ignares.

La Patère Rose donne le ton dès l’ouverture de l’album avec «Les deux bonnes sœurs», poème de Charles Baudelaire, jouxtant à l’intérieur même des synthétiseurs, des boîtes à rythmes et un piano concert. Fanny Bloom, Roboto et Kilojules fractionnent équitablement la part du gâteau sur La Patère Rose. Une ambiance moderne compense pour la touche plus modeste et parfois enfantine de la chanteuse Fanny Bloom. Les chansons «Duchesse», «Duet tacet» et «Chamord-sur-mer-l’épilogue», exécutées au piano-voix, demeurent foncièrement les plus cohérentes et mélodiques de l’album. Dans ce sens, ce qui est remarquable, c’est la qualité du jeu de Fanny Boom au piano (elle a une formation classique) qui compense pour sa voix juvénile – et agaçante par endroit –, à l’instar de Cœur de Pirate. De surcroît, on peut penser parfois aux univers d’Ariane Moffatt, de Pierre Lapointe, de Tricot Machine, mais aussi d’Éric Satie et de Debussy. En somme, un talent immuable vient d’éclore ici, mais il doit continuer de mûrir.
 

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Le trio montréalais Torngat exécute un quatrième tour de force avec La Petite Nicole en présentant un album instrumental définitivement plus organique que You Could Be, paru en 2007. Pour se faire une idée claire du son indie-post-rock de Torngat, il suffit de s’imaginer une mixture regroupant les univers de Brian Eno, de Tortoise, de Steve Reich et de Wendy Carlos.

La Petite Nicole, c’est à la fois une musique «bruitiste», sans parole et sans guitare, jumelée à des mélodies hypnotiques et minimalistes posées en boucle perpétuelle. Du cor français geignard de Pietro Amato aux multiples claviers de Mathieu Charbonneau, en passant par les percussions hypnotiques de Julien Poissant, on y trouve assurément son compte. De surcroît, ces multi-instrumentistes possèdent un don évident pour juxtaposer des thèmes quasi contrapuntiques à une nappe orchestrale majestueuse.

Torngat offre également une aventure sonore hors du commun, digne d’une grande épopée cinématographique. D’ailleurs, le fil conducteur des sept scènes subsoniques est en fait l’histoire d’une journée intense dans la peau de la petite Nicole. Intéressant, non? On y trouve donc, à la première écoute, un plaisir à épier les moindres détails sonores cachés là où on ne les attend pas. Ainsi, l’épatante sonorité discrète de Pietro Amato (Bell Orchestre, The Luyas), accouplée aux arabesques de Charbonneau (Ferriswheel), ajoute un effet grandiose et envoûtant sur «6:23 pm» et «Going Whats What».

Bref, une offrande tanguant brillamment entre la mélancolie, l’onirisme et l’évanescence d’une jeunesse qui demeure sans équivoque une musique surréaliste et postmoderne.

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Connu pour son mini-album indépendant Smile for a While, sorti en 2006, Clément Jacques propose sur sa toute nouvelle collection autant d’authenticité que de nouvelles avenues. S’enracinant dans une tradition surf-folk (Ben Harper, Jack Johnson) et country-rock (Jacob Dylan, John Mayer), cet auteur-compositeur-interprète de Québec a signé sur son premier album complet, Consumed and Guilty, des textes gravitant entre la mort, la spiritualité et la vie quotidienne. Ce nouveau son minimaliste est davantage tourné vers une instrumentation acoustique (harmonica, banjo, wurlitzer) qui provient surtout d’une collaboration considérable : le musicien-réalisateur, Éloi Painchaud. La texture musicale, elle, s’édifie par un amalgame d’architectes musicaux tels qu’Antoine Gratton, Guillaume Tondreau, Carl Bastien (Dumas, Daniel Bélanger) et Jorane, apportant ainsi une profondeur certaine aux musiques de Clément Jacques.

Ce qui émane instantanément à l’écoute de Consumed and guilty, c’est un sentiment de déjà-vu. Une ressemblance omniprésente envers la musique américaine de l’Ouest colle à la peau de l’auteur-compositeur-interprète dépersonnalisant petit à petit son œuvre. Serait-ce le résultat de sa formation d’écriture à Los Angeles avec le musicien Tim Bader, en 2007? De fil en aiguille, on fait abstraction de ce fait pour savourer les mélodies, les chœurs, l’instrumentation et le lyrisme. Dès les poignantes «Beyond Your Door» et «Sad Song for Sad People», on navigue dans une intimité chatoyante pour finalement accoster sur des refrains irréprochables avec «Love Somebody» et «Discover». Pour ceux qui avaient apprécié son premier maxi, ici on y retrouve la voix d’antan, mais foncièrement plus harmonieuse, chaude et sentimentale. En somme, on aime se faire bercer par son groove introspectif et fougueux. On se sent alors coupable de l’avoir consommé si vite… et on en redemande.

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Pigeant tout autant dans la tradition du hip-hop français que dans celle du renouveau québécois, le collectif Movèzerbe dépose dans les bacs Dendrophile, un premier ouvrage éclectique fusionnant hip-hop, funk, jazz, soul et reggae. Ce collectif, formé d’Accrophone, Les 2 Tom, AbidboX, KenLo, Karim Ouellet et Boogat, propose une œuvre variée et intrépide, bouillonnante d’idées diverses, qui résulte entre autres d’une jam-session en campagne québécoise. Tous établis dans le milieu du hip-hop, ces musiciens mettent à l’écart leur ego professionnel afin de formuler équitablement une ligne directrice collective aux influences les plus émérites, loin des standards du milieu.

En décortiquant chaque subtilité de Movèzerbe, on tombe vite dans un état particulier: on s’étonne, on rêve, on fredonne et on est ébahi devant les surprises qui nous attendent. L’orchestration imprévisible et les verbes explosifs s’épanouissent sur Dendrophile, à l’instar de ceux de Gatineau et de Damien, qui eux-mêmes mettent l’accent sur le choix de mélodies percutantes, sans utilisation de programmes d’instruments préenregistrés. Dans ce sens, l’étonnant reggae sur «Flamme» demeure une perle intemporelle, référant aux maîtres Bob Marley et Toots and the Maytals, qui ne demande qu’à être rejouée mille et une fois.

Loin d’avoir réinventé le hip-hop urbain pour autant, Movèzerbe peut se targuer d’être une icône de l’expérimentation collective sur la scène québécoise telle qu’IAM et Akhenaton le sont en France. Bref, un lyrisme socialisé, soigné et sans anicroche agrémente la facture finale impeccablement loin des rappeurs américains vulgaires tels qu’Eminem et 50 cents. Une maturité sans excès de zèle à même leur premier LP. Une belle découverte!

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Le dernier gravé du groupe québécois Malajube, intitulé Labyrinthes, déploie un univers burlesque et fantasmagorique en discontinuité avec le travail précédent. La facture sonore détonne par son originalité et son avant-gardisme. Ainsi, les artistes Julien Mineau, Thomas Augustin, Francis Mineau et Matthieu Cournoyer ont élaboré sur Labyrinthes un album «quasi concept» qui s’approche de ceux des groupes progressifs phares des années 1970. Ce nouveau son, tantôt progressif-
psychédélique sur «333» et «Ursuline», tantôt folk-pop-rock avec «Hérésie» et «Luna», apporte deux registres distincts à ce nouvel opus, qui créent une sonorité surprenante. Or, les membres oscillent entre différents styles apportant parfois un torrent de notes bigarrées sans destination précise… tel un labyrinthe.

Dès les premiers accords pianistiques de l’album, notre ouïe recherche des points de repère vers ce qu’il connait : Le Compte complet et Trompe-l’œil, les deux premiers bijoux du groupe. Néanmoins, on retrouve rapidement son chemin dans ce tohu-bohu, car le son hypnotisant et caractéristique de Malajube déploie son venin instantanément. Par ailleurs, les membres explorent sans relâche des avenues harmoniques et mélodiques plus complexes, à l’instar de Porcupine tree et de Muse. Ils utilisent des tempos à contretemps, traversent les limites de leurs instruments et fracturent leurs pièces en divers segments. Ici, le groupe s’impose une technique pink floydienne sans déloger ses motifs «beatlesques». L’orchestration est plus épurée, on retrouve moins de chansons en couches sédimentaires et davantage d’éléments ambiants que de rock nasillard, ce qui apporte une fraicheur et une douceur à ce nouvel arrivage. Cet album ne contient pas de titre hyper-pop telle que «Montréal -40 °C», mais dispose d’une verve forte et accrocheuse.

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C’est sous le sceau de la maturité que Mara Tremblay nous offre son nouvel, mais ô combien trop court album intitulé Tu m’intimides. À ceux qui redoutent son timbre de voix nasillard, répondons que l’artiste a su, dans la totalité de ses pièces, explorer plusieurs registres, toujours plus riches les uns que les autres. Comme la voix, la musique est mature et réussie. On sent bien qu’il y a eu exploration, mais aussi maîtrise d’un éventail d’instruments. Soulignons que l’association Mara Tremblay et Olivier Langevin est, encore une fois, des plus efficaces.

En plus de nous faire montre de sa maturité artistique, Mara Tremblay offre ici une incursion dans son intimité. Tu m’intimides est un album où l’écriture ainsi que les thèmes, intimes et personnels, permettent de découvrir une femme sensuelle et poétique, un peu à l’image d’une confidence. Notons aussi que les photos de la pochette laissent voir une Mara Tremblay littéralement mise à nue. Seul petit bémol : les chansons semblaient un peu trop homogènes. Aucune ne ressortait vraiment du lot.

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Rares sont les albums qui, dès la première écoute, accrochent l’oreille aussi bien que ce premier disque éponyme au son festif du groupe Bernadette.

Il faut admettre qu’on apprécie habituellement beaucoup plus facilement les chansons qui instinctivement font taper la mesure et c’est exactement ce que réussit à faire la formation montréalaise avec cet album, en particulier avec les titres «Mon karma» et «La datcha». Si les rythmes et les sonorités sont simples, elles le sont de façon agréablement efficace et cela, sans tomber dans la pop dégoulinante. C’est effectivement avec un son à cheval entre le folk, le traditionnel et la musique alternative plus populaire, mais toujours avec un son résolument festif, que Bernadette séduit l’oreille. Les paroles, sans s’apparenter à celles de grands chansonniers, sont tout de même très intéressantes et dépassent de loin d’autres groupes beaucoup moins profonds.

On ne réinvente incontestablement pas la roue ici, mais on semble au moins, avec cet enregistrement, éliminer les nids-de-poule de nos routes. Il reste à savoir si Bernadette réussira à réitérer ce très bon travail pour un deuxième album, L’amour est un fusil, déjà annoncé à l’intérieur de la pochette du présent disque.
 

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Avec son premier album intitulé La marche aux vertiges, La Tourelle Orkestra entraîne dans la danse et ouvre une fenêtre sur le monde. Sept musiciens aux parcours des plus variés, plus d’une quinzaine d’instruments provenant des quatre coins de la planète, neuf compositions et une multitude d’influences traditionnelles et ethniques à découvrir; voilà ce qu’offre cet album.

Concrètement, le groupe, né sur la rue du même nom dans le quartier Saint-Jean-Baptiste à Québec, marie folklore de l’Europe de l’Est, musique tsigane et juive (klezmer) et jazz manouche. L’album est une réjouissance instrumentale.

Si vous cherchez à identifier les sonorités éclectiques qui se manifestent au fil des airs enjoués, vous y retrouverez cornet, trompette, fluegelhorn, mandoline, bouzouki, guitare, banjo, didgeridoo et accordéon pour n’en nommer que quelques-uns. Seulement trois des morceaux ont des paroles. Toutefois, tous les membres du groupe y joignent leur voix, chantant en français, en anglais, en espagnol, voire même en ukrainien sur la dernière pièce de l’album «Ussa Sà». Celle-ci est une pièce traditionnelle d’Ukraine, la seule qui ne soit pas une composition originale de La Tourelle Orkestra. Véritable fête, La marche aux vertiges a toutefois un défaut susceptible de décevoir ses fans : elle est trop courte. Deux des pistes comptent moins d’une minute, au total donc, il fait tout juste trente minutes. En bref, la fête est courte, mais entraînante et joviale.

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C’est sans doute en raison de mon passé métal que j’ai toujours aimé l’association Mononc’ Serge et Anonymus. J’ai tellement usé, à force d’écoutes répétées, mon disque de L’Académie du massacre que je fus béate de recevoir pour Noël le dernier album de cette association, soit Musique barbare.

Déception. Pas une déception totale, mais je suis un peu déçue de ne pas avoir retrouvé ce que je cherchais, ce que j’attendais. D’abord, je crois que je suis nostalgique de la guitare et de l’énergie de Marco Calliari. Ce n’est pas que le nouveau guitariste d’Anonymus soit mauvais, mais l’album donne l’impression qu’il y a moins de cohésion dans le groupe. On sent que la musique est plus primaire, qu’elle a été moins travaillée.

Je fus aussi déçue de ne pas y avoir retrouvé la «poésie» de Mononc’ Serge. J’entends par poésie la façon dont Mononc’ Serge joue adroitement avec les mots, les tournant à son avantage pour servir son ironie légendaire. Les propos sont aussi plus anecdotiques. J’aimais ses critiques cyniques que l’on retrouve malheureusement que très rarement sur Musique barbare.

Par contre, Mononc’ Serge excelle toujours dans l’art de raconter des histoires salement drôles. Ses anecdotes crues et fabuleusement «politiquement incorrectes» sont toujours aussi hilarantes, particulièrement les titres «Woodstock en Beauce» et «J’pue pas, j’sens l’punk».

Bref, Musique barbare est un album drôle, mais qui musicalement ne rejoint aucunement L’Académie du massacre.

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 D’emblée, Xavier Rudd et sa bande n’annoncent rien de bien nouveau sous le soleil australien auquel il nous a habitués grâce à ses mélopées doucereuses et ses arrangements brillants.

Cette sixième galette du one-man band le plus connu des surfeurs (déjà!) ne risque pas d’éloigner les fans de Xavier. Son ton et sa facture sont tout aussi efficaces que vrombissants. Il faut dire que la texture et les arrangements demeurent les mêmes que ceux qui caractérisent le son Rudd, avec une légère tendance au rock progressif. On y retrouve le même didgeridoo venant hanter l’album et les sections rythmiques habituelles, la guitare Weissenborn est toujours à l’honneur et on l’apprécie grandement, tout comme chez son comparse, Ben Harper.

Malgré quelques pièces efficaces «Guku, Home», l’album ne crée pas une révolution ni ne marque une quelconque date dans la famille des musiciens du bord de la mer. Xavier Rudd continue à surfer sur la vague, et il peut bien nous emmener avec lui. Pour les initiés et amants!

 

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Fort du succès de Classics, le duo Ratatat poursuit dans la même veine électrisante, avec ce troisième disque intitulé simplement LP3. L’ingénieur du son Evan Mast jette des bases solides à sa musique programmée et continue son exploration sonore en se dirigeant vers des styles inattendus, comme sur la très disco «Shempi» et sur l’impromptue «Dira», d’inspiration baroque.

Quant à son acolyte Mike Stroud, il charme avec ses mélodies de guitare au son toujours aussi singulier. Il fait même une incursion dans le monde de l’acoustique sur la pièce d’inspiration espagnole «Mi Viero», cassant ainsi avec le son rock qui dominait jadis. Si certaines pièces manquent d’imagination, le duo parvient une fois de plus à produire une musique instrumentale autonome qui n’a besoin que d’un titre succinct pour prendre sens. Parions que ce nouveau matériel plus dansant saura séduire l’assistance du Club Soda lors du prochain passage du groupe à Montréal, prévu pour le 3 octobre.

Après tout, pourquoi changer une formule gagnante?

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Vingt ans après la mort de Félix Leclerc, un album hommage est tout à fait justifié. Chloé Ste-Marie, Vincent Vallières, Gilles Vigneault, Fred Pellerin et j’en passe n’ont pas tourné les coins ronds pour remplir leur mission. Chacun des artistes, tour à tour, s’accapare une des chansons du poète et la font leur. Par contre, les textes de Félix ne mentent pas et ne s’empruntent pas aussi facilement. Sa poésie unique mêlée aux talents de ces artistes créent le parfait équilibre entre l’esprit de Leclerc d’antan et celle des artistes d’aujourd’hui. Un album à la fois osé – mélangeant Karkwa et Marie-Hélène Thibert – et sobre respectant totalement tout le travail de l’auteur-compositeur-interprète. À noter l’excellente interprétation qu’a fait Karkwa de «Le tour de l’île» et aussi, moins agréable par contre, Marco Calliari offrant une version italienne de la chanson «Le p’tit bonheur», qui n’a peut-être pas sa place sur un album hommage.

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Avec son premier album solo L’arbre aux parfums, Caracol propose une création toute personnelle. Ceux qui s’attendent à retrouver la couleur festive de DobaCaracol seront déçus.

Bien que l’idée de l’album soit née de l’achat en Autriche d’un ukulélé pendant la tournée 2007 de DobaCaracol, l’approche qu’a choisie la chanteuse pour son disque solo marque le début d’une toute nouvelle période dans sa démarche. Cette fois, les sonorités, plus old school que world, sont inspirées du country, du bluegrass et de la musique indie-pop.

D’ailleurs, le changement de genre se traduit même dans le look de la chanteuse, qui a troqué ses longs dreads et ses fringues colorées contre une coupe au carré plus sage et une certaine sobriété vestimentaire.

Les paroles des chansons sont d’une noirceur qui contraste avec la légèreté de l’ensemble de la trame musicale. Dans les différentes entrevues entourant la sortie de son disque, Carole Facal (de son vrai nom) explique ce choix artistique par son désir de livrer un album qui soit fidèle à ce qu’elle ressent, sans tomber dans la déprime. C’est précisément ce qui constitue la force et l’originalité de l’album, faisant oublier que les textes sont simples, pauvres parfois, particulièrement ceux en anglais.

Qu’on se rassure : il reste du soleil dans cette artiste, et les accents reggae qui se dégagent de certaines pièces en témoignent bien.

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À l’aube de son 80e anniversaire de naissance, Gilles Vigneault est plus en forme que jamais. Il nous propose ici rien de moins que son 45e album. Probablement son œuvre la plus actuelle jamais écrite, Arriver chez soi est un mélange d’amour, d’humour, de tendresse et de dénonciation. La poésie est évidemment la grande gagnante dans cet album. Le poète n’a rien perdu de sa plume et ce, même lorsqu’il aborde des sujets rarement exploités dans ses œuvres antérieures : la technologie, la ville. «Jack Tattoo» raconte l’histoire d’un homme tout juste sorti de prison, «Internaute» et «Une journée sans portable» sont ses états d’âme sur les nouvelles technologies.

Sa musique n’est toutefois pas très actuelle : c’est du Gilles Vigneault à l’état pur. Violon, contrebasse, guitare acoustique et piano sont les instruments les plus utilisés de l’album. Bruno Fecteau – direction musicale, réalisation, piano et arrangements – a fait un travail de maître quant à la qualité sonore. Pour ce qui est de l’interprétation du chanteur, la justesse de sa voix est toujours aussi nébuleuse. Par contre, l’expression qu’il y met amoindrit quelque peu ce petit défaut. En somme, un album qui ne réinventera pas la musique, mais qui mérite tout de même d’être écouté.
 

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Coeur de pirate nous présente son premier album, éponyme. La pirate en question, c’est Béatrice Martin, qui signe et compose les douze chansons de l’album. Elle n’a pas encore vingt ans et, déjà, elle nous accroche. Son jeu au piano – instrument principal de ses œuvres – mélangé à sa voix angélique et intimiste créent une atmosphère tantôt romantique, tantôt entraînante, et un album homogène aux influences diverses. On y redécouvre de vieilles ballades françaises pour ensuite plonger dans un folk et une pop assumés, le tout entremêlé de mélodies et de sonorités très classiques. Si Béatrice Martin est la leader du groupe, le travail de David Brunet  – réalisation, arrangements, prise de son, guitares électrique et acoustique, basse, percussions – mérite également d’être souligné. Par contre, le mixage et le matriçage détiennent les plus grosses lacunes. La surexploitation du piano et le volume souvent inégal de la voix de la chanteuse viennent agacer nos oreilles à plusieurs reprises. L’abondance de répétitions, autant dans les mélodies au piano que pour les refrains, vient, à la longue, estomper l’effet accrocheur. Un premier album pour Cœur de pirate, et ça se voit. Mais il y a fort à parier que le prochain saura plaire et impressionner davantage.

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Après le grand succès «Dégénération» qui a découlé de leur quatrième album, les membres du groupe Mes Aïeux devaient revenir en force avec leur dernier opus, intitulé La ligne orange. Avec des chansons en hommage au Stade Olympique, aux fantômes du Forum ainsi qu’au Grand Antonio, sans oublier, bien sûr, le titre même de l’album évocateur du métro de Montréal, le nouvel album constitue pratiquement une œuvre pour Patrimoine Montréal. Mes Aïeux nous entraînent facilement dans leur univers à la fois éclaté et terre-à-terre. On y dénonce notre apathie face au monde qui nous entoure, la non-ingérence des autorités en matière d’écologie et évidemment, beaucoup d’états d’âme sur la solitude et la recherche d’identité, le tout saupoudré d’humour. Les influences musicales arrivent de partout. Les six membres y mettent leur touche personnelle pour donner un folk-rock-country à la sauce Mes Aïeux. Il est à souligner que le style folklorique est beaucoup moins présent sur cet album que sur le précédent. Le chanteur principal, Stéphane Archambault, fait une fois de plus un travail remarquable avec le peu de puissance que sa voix lui offre. Un album qui saura plaire aux fans dès la première écoute et qui en attrapera certainement des nouveaux au passage.

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Après avoir collaboré avec des artistes comme Bran Van 3000 et Pascale Picard, le multi-instrumentiste Dee nous revient avec son deuxième album intitulé Day by Day. Co-réalisé avec son guitariste Simon Landry, ce bidouilleur pop nous propose ici une œuvre très électro. On y retrouve aussi beaucoup de sonorités rocks où les percussions – surtout piano et batterie – sont misent en valeur. On y retrouve par contre plusieurs morceaux que l’amateur de bonbons roses et sucrés saura apprécier. C’est probablement voulu, mais un électro-pop aussi assumé, c’est quasiment trop. Si les textes sont souvent relégués au dernier plan dans cet album, avec des sujets toujours très généraux et des répétitions…répétitives (!), il en est tout le contraire quant à la voix des chanteurs – Marie Gorreti, entre autres. Les interprétations vocales de Dee sont ici très intéressantes. On peut dire de même pour les arrangements. La qualité sonore est irréprochable et on reconnaît en Dee un grand talent de DJ. Enfin, ceux qui ont la danse facile apprécieront particulièrement ce second album. Les oreilles faciles n’y verront que du feu et les plus difficiles passeront peut-être leur tour.

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Probablement le nom de groupe le plus inusité au Québec, Avec pas d’casque nous revient avec un deuxième album Dans la nature jusqu’au cou. Le premier, Trois chaudières de sang, avait récolté deux nominations au Gala de l’ADISQ en 2006. Cette fois-ci, le groupe reste dans la même tangente country-folk minimaliste. Ce duo, devenu trio, propose onze chansons d’une simplicité étonnante. Il y règne cependant une chaleur très réconfortante. L’auteur des textes, Stéphane Lafleur, livre ses états d’âme sur sa vie amoureuse et sur ses angoisses de la vie quotidienne. Le tout est mis en contexte comme si nous étions réellement dans la nature jusqu’au cou. Ce trio – batterie et différents instruments à cordes – est allé chercher quelques renforts, comme Michel-Olivier Gasse et Eli Bissonnette, pour produire et réaliser une œuvre très complète. Cet album est exactement ce que devrait être le country-folk, il reflète parfaitement l’esprit de ce genre musical : un chanteur à la voix nasillarde pas toujours juste, des textes très personnels et une monotonie dans l’interprétation. C’est ce qui fait que l’album est charmant et intimiste, mais c’est aussi ce qui le rend lourd à porter. Les coups d’éclat, pratiquement absents, auraient eu avantage à être un peu plus fréquents.

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Après plus de trois ans d’absence sur disque, le groupe rock Exterio débarque avec un concept audacieux et exigeant. Le tout se nomme L’ALBUM MONSTRE et sera en fait un méga site Internet, une série de spectacles à grands déploiements et enfin, ce qui nous intéresse dans le cas présent, un album studio. Se voulant la première partie de cette trilogie, intitulé Le Complot, cet album rock aux couleurs sombres semble s’adresser directement à l’adolescent rebelle mais tout de même discipliné. On y traite de sujets semi-engagés et on reste en surface la plupart du temps. Le groupe remet en doute la véracité quant aux pas de l’homme sur la lune et compare aussi ses voisins et la société en général à des zombies. Il n’en reste pas moins que les musiciens sont techniquement très intéressants – le jeu de guitare de Loots entre autres – et que leurs expériences ont fini par porter fruits. Les mélodies et les rythmes sont accrocheurs, le son et l’image qu’ils essaient de projeter cette fois font beaucoup moins enfantin que sur leur dernier opus, Le délire du savant fou (2005). Il est cependant dommage que le tout soit approximatif : presque méchant, presque engagé, presque original.

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Le troisième album de Daniel Boucher est maintenant sur les tablettes. Après Dix mille matins (1999) et La Patente (2004), l’auteur-compositeur-interprète nous revient quatre ans plus tard avec Le Soleil est sorti. Pas moins de 13 nouvelles compositions forment ce nouvel opus. Peut-être que ces dernières années de tournées en solo avec sa guitare lui ont calmé les esprits, puisqu’on lui découvre ici une simplicité et un dépouillement sonore jamais exploités à ce point auparavant. Daniel Boucher y est plus intimiste que jamais. Sa guitare ainsi que plusieurs autres instruments acoustiques sont les points centraux de son oeuvre. Les influences des années 1960 et 1970 sont partout. Daniel Boucher demeure tout de même fidèle à lui-même et persiste avec son style folk et ses rythmes plutôt rocks.

Jouant et jonglant avec les mots comme lui seul peut le faire, Boucher aborde des thèmes très existentialistes comme l’amour et la paternité. Sa poésie, toujours aussi tordue et imagée, est à son comble dans ses chansons humoristiques («Perles-tu ?», «Le monde est grand» et «Docteur»). Intimiste certes, mais il n’en reste pas moins que dix musiciens autre que lui sont présents tout au long de l’album. L’auteur-compositeur-interprète laisse ici une place très privilégiée aux cuivres et au piano. Réalisé par David Brunet, le même que sur La Patente, ce dernier album porte très bien son nom. Le soleil est sorti et ça s’entend. Un album apaisant et recherché où personne n’a tourné les coins ronds.

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Le groupe Zéphyr Artillerie, originaire de Québec et de Montréal, débarque avec son premier album pleine longueur: Chicago. Ce sextet aux allures de big band à cordes nous livre ici 12 chansons originales passant du punk-rock au western, le tout bien enraciné dans la musique traditionnelle. Les membres du groupe se définissent eux-mêmes comme étant «le fruit du ménage entre bière noire en fût, les bines au lard et le hook universel.» Parlant de hook, il y en a et plus d’un! Les compositions de Zéphyr Artillerie sont un ramassis d’intelligence, d’ingéniosité et de provocation le tout parsemé d’humour tantôt noir, tantôt jaune. Pas moins de 19 instruments différents – surtout des cordes – se retrouvent sur cet album. On y mélange banjo, orgue, accordéon et Fender Rhodes. Le chanteur et auteur principal des textes, Frédérick Carrier, nous transporte d’un univers à l’autre. Parfois vulgaire, surtout sur «En passant» (laisse-moi manger mes toasts à marmelade / pis en passant mange donc de la marde), on réussit aussi à rendre le tout nostalgique et mélancolique avec une pièce comme «Filet mignon». On comprend vite que Zéphyr Artillerie est un groupe qui ne se prend pas au sérieux.

Chicago est en somme un album complet très chargé musicalement, les sept musiciens jouant fréquemment en même temps. Les instrumentistes font preuve d’énormément de talent et d’audace. Les chanteurs, par contre, démontrent surtout qu’ils savent chanter du nez, rien de plus. Un nom à se rappeler : Zéphyr Artillerie.

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Les multiples élections qui ont lieu cette année nous rappellent qu’il y a beaucoup de problèmes à régler un peu partout. C’est dans ce cadre électoral à la «juste pour que ça tienne, en attendant qu’on trouve l’argent pour faire réparer le bobo», qu’Hugo Fleury, l’ex-leader du défunt groupe de Québec Polémil Bazar, propose sa Soudure mexicaine.

Fleury n’a pas changé sa formule. Il tire un peu partout, n’épargnant personne ou presque, en dénonçant autant la radio poubelle que l’obscurantisme actuel. Tout ça, en passant du tzigane au rock alternatif, avec un détour, au tournant, dans le reggae et la balade.

Avec «deux, trois clous et un bout d’broche», l’auteur-compositeur-interprète réussit, avec un grand talent, un album nettement postcontemporain, en amalgamant des morceaux qui, autrement, ne se seraient pas appareillés.

Si on peut être déçus que le résultat final n’approche pas la folie gitane de Gogol Bordello que nous avait annoncée Fleury – et ce ne pourrait être qu’en grande partie parce que le son est beaucoup plus léché et nettement moins garage que ce à quoi on pouvait s’attendre –, le résultat final est remarquable.

Avec des textes intelligents et des mélodies accrocheuses dès la première écoute, la solution «Duck-Tapé» que propose l’artiste de Québec fait très bien effet pendant au moins
45 minutes. Bien sûr, 45 minutes c’est court, mais on peut toujours remettre le disque dans le lecteur et ça fait encore du bien, heureusement.

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Même si on n’est pas spontanément porté sur le tricot et le xylophone, c’est toujours plaisant de trouver un album qui donne envie de faire du sucre à la crème et d’écouter Ciné-cadeau, enveloppé dans une grosse doudou. Au lieu de nous taper sur les nerfs avec des classiques usés, jazzés ou chantés avec des voix de schtroumpfs, Tricot Machine nous offre un CD mélodique et touchant dans un livre cartonné.

Les paroles de la chanson «25 décembre», illustrées par les collages de feutrine de Catherine Leduc, membre féminin du duo, composent le petit livre qui incitera tous les grands enfants de ce monde allergiques aux MP3 à acheter l’album (dont trois chansons sur huit sont sur la page My Space du groupe). Le texte seul semble un peu mince, mais sur musique (ou en brico), c’est doux comme tout !

Tristounet, presque mélancolique, on y parle de deuil, de joues rouges, d’amour, de blizzard et de laine, bien sûr. Le couple, composé de Matthieu Beaumont, Catherine Leduc et leurs deux acolytes signent cinq compos originales qui nous mettent le cœur en pudding, et deux reprises de chansons traditionnelles (dont «C’est Noël, mon oignon», mignon et comique à souhait).

Un bémol: 18 minutes, c’est vraiment trop court ! On en prendrait encore, et on a vraiment hâte de voir ce que ça va donner sur scène avec Les Petits chanteurs de Trois-Rivières, le 21 décembre, à l’Impérial.
 

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